Actualités :: Mémorandum de partis politiques de l’opposition : Une si curieuse (...)
M. Sawadogo

« Une catastrophe annoncée », tel est le titre d’un mémorandum de partis politiques de l’opposition, mémorandum publié par le quotidien « LE PAYS » dans sa livraison du 15 mars 2004 sous le titre à la une : CANDIDATURE DE BLAISE COMPAORE « une catastrophe annoncée »

A la lecture dudit mémorandum, ce qui a particulièrement retenu notre attention, c’est l’aspect notoirement curieux des arguments avancés par les auteurs. Nous nous proposons d’en examiner les principaux.

Argument : les auteurs indiquent que « la Constitution du 2 juin (1991) faisait du multipartisme et de l’intégrité du territoire national, des points intouchables par toute révision constitutionnelle ».

Observation : ni la révision du 27 janvier 1997, ni celle du Il avril 2002 n’ont dérogé à ces dispositions consacrées par l’article 165 de la Constitution.

Argument : les auteurs, citant le Professeur LOADA, agrégé de droit public et Directeur du Centre pour la Gouvernance Démocratique ( CGD) écrivent « la candidature de Kuku Wazabanga (entendez Blaise COMPAORE) devrait être invalidée et l’effet immédiat de la loi lui être opposé dans l’hypothèse où il voudrait briguer un troisième mandat au nom du principe de la non rétroactivité consacrée par de prétendus usages et droit).

Ce qui a été mis en gras l’a été par nous.

Observation : cet argument, est certes un argument d’autorité au regard de la qualité de son auteur : Professeur agrégé de Droit public. Malheureusement, la doctrine a créé le principe de la non rétroactivité de la loi. Ce principe n’est pas opposable à ceux qui font les lois, les législateurs qui peuvent y déroger en élaborant des lois rétroactives, sauf en général en matière pénale. En revanche ledit principe, combiné à l’effet immédiat de la loi s’impose à ceux qui appliquent la loi c’est-à-dire les juges y compris les juges constitutionnels.

Argument : les auteurs constatent que « le Chef de l’Etat est le chef (véritable) du parti majoritaire qui contrôle le Parlement » ;

Observation : où se situe le problème ? est-ce qu’il est interdit légalement au Chef de l’Etat d’être le chef d’un parti ? sinon, quel reproche lui fait-on ?

Argument : « c’est l’Exécutif qui maîtrise l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, les propositions de loi (issues de députés) ne pouvant être inscrites dans l’ordre du jour pour discussion (article 118 de la Constitution).

Observation : est-ce Blaise COMPAORE qui a rédigé l’article 118 de la Constitution ?

Que dispose exactement cet article ?

Article 118 : l’Ordre du jour de l’Assemblée comporte par priorité, dans l’ordre que le Gouvernement a fixé, la discussion des pétitions populaires, des projets déposés par le Gouvernement et des propositions acceptées par lui.

Cependant, toute proposition de loi peut être discutée deux mois après sa soumission au Gouvernement sans qu’il ne puisse être fait application de l’alinéa précédent, ni des articles 121 et 122 de la présente Constitution.

Argument : « Le Chef de l’Exécutif est en même temps le Président du Conseil supérieur de la magistrature qui affecte et gère la promotion de magistrats » .

Observation : ce que les auteurs du mémorandum avancent est consacré par la Constitution en ses articles 132 et 134. Cette situation se rencontre dans la plupart des Constitutions des pays d’expression française.

Article 132 : Le Président du Faso est le Président du Conseil supérieur de la magistrature. Le Garde des sceaux, Ministre de la justice en est le Vice-Président.

Article 134 : Le Conseil supérieur de la magistrature fait des propositions sur les nominations et les affectations des magistrats du siège de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes et sur celles des premiers présidents des cours d’appel. Il donne son avis sur les propositions du Ministre de la Justice, relatives aux nominations des autres magistrats du siège. Les magistrats du parquet sont nommés et affectés sur proposition du Ministre la Justice.

Blaise COMPAORE est-il l’auteur de ces articles ?

Argument : en dehors de l’Assemblée nationale, aucune autre institution ne jouit de l’autonomie budgétaire. Observation : en quoi Blaise COMPAORE est-il responsable de cette situation, si l’on sait que c’est la Constitution en son article 93 qui consacre l’autonomie financière de l’Assemblée nationale mais non celle des autres institutions.

Article 93 : L’Assemblée jouit de l’autonomie financière. Son Président gère les crédits qui lui sont alloués pour son fonctionnement. Le Président est responsable de cette gestion devant l’Assemblée ; celle-ci peut le démettre à la majorité absolue pour faute lourde dans sa gestion.

Argument : « Ces atteintes à la Constitution sont doublées d’un refus d’appliquer les lois qui sont votées par le Parlement si ce ne sont pas des manœuvres tendant à les vider de leur substance ou de leur intérêt : cas de la loi sur le statut de l’opposition ».

Observation : les observations précédentes précisent les différents articles de la Constitution qui justifient ce que les auteurs reprochent à Blaise COMPAORE. Quant au statut de l’opposition, il comporte 15 articles dont deux ne sont pas appliqués au jour d’aujourd’hui. L’article 13 qui dispose que « le Chef de file de l’opposition prend place dans le protocole d’Etat lors des cérémonies et des réceptions officielles » n’est pas appliqué. La non application de cet article s’explique par le fait que « le nomadisme politique » complique l’application de l’article 12 qui dispose que « le Chef de file de l’opposition est le premier responsable du parti de l’opposition ayant le plus grand nombre d’élus à l’Assemblée nationale.

En cas d’égalité de siège, le chef de file de l’opposition est le premier responsable du parti ayant totalisé le plus grand nombre de suffrages exprimés aux dernières élections législatives »

Pour terminer sur ce statut de l’opposition, nous faisons remarquer que certains souhaitent un statut pour le chef de file lequel statut n’est pas prévu par la loi portant statut de l’opposition politique. Peut-être pour des avantages politiques matériels et financiers supplémentaires dont pourrait bénéficier le chef de file ?

En tout état de cause, si le renforcement du processus démocratique devait passer par l’attribution d’un statut au chef de file de l’opposition, on pourrait l’envisager lors d’une révision éventuelle de la loi portant statut de l’opposition politique.

Argument : « Pour nous, partis de l’opposition politique burkinabè, Blaise COMPAORE ne peut pas invoquer d’argument juridique solide pour justifier une candidature en 2005. Notre point de vue basé sur des arguments juridiquement, et conforté par les points de vue publiquent remis par d’éminents juristes et autres burkinabè : cf. Prof. A LOADA (op.cit) et Dr Luc IBRIGA (in l’Observateur dimanche N° 403 du 06 au 12 février 2004).

Observation : ces auteurs de référence ne sont pas en phase dans leur raisonnement. L’un, le Professeur LOADA estime qu’on doit appliquer à Blaise le principe de l’effet immédiat de la loi et non celui de « la non rétroactivité consacrée par de prétendus usages et droit » l’autre, le Dr IBRIGA soutient que la loi n’est pas rétroactive c’est-à-dire qu’on doit appliquer à Blaise le principe de la non rétroactivité. Là où ils se rejoignent c’est dans leur volonté de disséquer l’article 37 en deux parties d’une part la durée du mandat, et d’autre part, sa limitation en acceptant la non rétroactivité de la première et en rejetant celle de la seconde.

Mais sur quel fondement juridique nos juristes s’appuient-ils ?

Argument : « Les partis politiques signataires du présent mémorandum s’engagent solennellement devant le peuple burkinabè à combattre par les moyens constitutionnels et légaux toute candidature éventuelle de Monsieur Blaise Compaoré pour les raisons morales, d’éthique, politiques, historiques et juridiques. Ils s’engagent à proposer au peuple burkinabè une alternance véritable pour sortir de la misère, de l’incertitude permanente et de la peur du lendemain » Observation : notre propos jusque-là a consisté à montrer que les arguments avancés par les auteurs sont hors sujet d’où leur aspect notoirement curieux. De ce point de vue s’ils veulent combattre la candidature de Monsieur Blaise COMPAORE par des moyens constitutionnels et légaux, il faut qu’ils continuent la recherche d’arguments. En cas d’échec, si malgré tout ils tiennent à la non candidature de Blaise COMPAORE en 2005, ils pourraient négocier avec lui. Si d’aventure, ils ont un programme alternatif pour sortir notre pays de la misère, de l’incertitude permanente et de la peur du lendemain, alors ils n’ont qu’à l’affronter aux prochaines élections et le peuple en décidera.

NB : La corruption a été largement évoquée dans le mémorandum. Mais d’après nos informations obtenues auprès du REN-LAC et de la Haute autorité de coordination de la lutte contre la corruption le dernier classement du Burkina faso dans la liste des pays les plus corrompus date de 1999 ou de 2000. Est-ce parce qu’il y a eu un progrès dans la lutte ou y a-t-il d’autres raisons ?

Mahama SAWADOGO, Député

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