Actualités :: Moussa M. Tapsoba, président du CENI : "Il faudrait que l’on abandonne les (...)

La commission électorale nationale indépendante (CENI) est actuellement à pied d’œuvre pour l’informatisation du fichier électoral national. Cette opération, il faut le rappeler, avait été une revendication récurrente des partis politiques et des organisations de la société civile et ce dans le souci de combattre la fraude électorale. Nous avons du reste rencontré le président de la CENI, Moussa Michel TAPSOBA qui nous donne plus d’informations sur ce processus qui va débuter par la mise en place des démembrements de la CENI.

L’informatisation du fichier électoral, une des revendications principales de la classe politique, va devenir bientôt une réalité. Pouvez-vous nous dire en quoi va consister cette opération ?

Moussa Michel TAPSOBA (MMT) : Effectivement l’informatisation du fichier électoral a été demandée depuis longtemps, avant même le scrutin législatif du 5 mai 2002. Seulement pour le temps que cela pouvait prendre, il n’était pas possible si on voulait respecter l’échéance électorale de procéder à l’informatisation d’un fichier qui n’existait d’ailleurs pas. En effet c’est seulement à partir du recensement électoral des élections législatives du 5 mai 2002 que nous avons eu un fichier électoral. Sinon depuis 1991, à chaque élection, on refaisait un recensement. A partir donc de recensement électoral pour le scrutin législatif du 5 mai 2002 nous disposons d’une base et nous avons en son temps pris l’engagement de procéder à l’informatisation de ce fichier après le scrutin.

Effectivement après les élections nous sommes entrés en discussion avec le gouvernement et nous avons échangé longuement sur les procédures et le budget pour aboutir à un point d’accord. Ce qui permet à la CENI aujourd’hui d’engager le processus qui consiste en réalité à mettre au propre le fichier que nous avons mais au-delà, expurger des listes toutes les impuretés liées aux doubles ou multiples inscriptions qui permettraient notamment à certains de voter deux fois. Il y a bien sûr d’autres obstacles qui seront balayés mais moins importants que les votes fictifs.

Mais comme nous allons avoir des échéances électorales en 2005, nous avons pensé qu’il était important d’avoir un fichier plus complet. Dans ce sens, nous allons procéder à une révision exceptionnelle des listes comme le prévoit le code électoral, pour compléter ce qui existe déjà.


Vous venez de rencontrer successivement des représentants de la classe politique et de la société civile au sujet de cette question. Sont-ils prêts à vous suivre et quelles sont leurs préoccupations ?

MMT : Ce qui est important c’est que dès lors que nous avons fini la discussion avec le gouvernement qui est aussi un acteur important du processus électoral, nous avons décidé de faire une communication avec tous les autres acteurs. Nous avons rencontré successivement les partis politiques, les organisations de la société civile et la presse. Nous allons rencontrer aussi les électeurs à travers les médias pour également échanger, expliquer davantage afin que tout le monde soit au même niveau d’information par rapport à l’informatisation du fichier électoral.

De nos entretiens avec les partis politiques et les organisations de la société civile, nous retenons qu’ils se sont tous félicités qu’enfin nous ayons entrepris cette opération et que simplement nous devons régulièrement tenir informés tous les acteurs de l’évolution du processus. Nous avons été bien accueillis et cela pour la simple raison que c’est une opération souhaitée par tous.


Pensez-vous que l’informatisation sera la solution définitive à l’éternel problème de la fraude électorale ?

MMT : Non ! Il n’y a pas que l’informatisation pour rendre les élections transparentes et sans fraudes. Il y a au niveau de chacun un travail à faire parce que la fraude ne vient pas d’elle-même. Elle vient des militants et sympathisants des différents partis politiques. Il y a donc un travail à faire au niveau des partis politiques qui ne souhaitent pas qu’il y ait des fraudes. Il leur appartient d’inculquer dans l’esprit de leurs militants le sens de la démocratie afin qu’ils deviennent des démocrates. Un démocrate ne fait pas de fraude. S’il y a des fraudes cela veut dire qu’il y a un travail encore important à faire pour que nous ayons des démocrates afin que la fraude disparaisse définitivement.


Pour certains observateurs, informatisation ou pas, il y aura toujours des fraudes si les hommes politiques le veulent. Ils citent pour étayer leur avis le cas des électeurs fictifs de Paris. Est-ce votre avis et que faire donc ?

MMT : Nous avons pu constater par expérience que sans avoir reçu des instructions particulières de leurs hiérarchies politiques, il y a des militants et sympathisants de partis politiques qui se livrent à des manipulations frauduleuses. Bien sûr, il faudrait que de plus en plus les partis politiques se mettent à l’œuvre comme du reste l’article 13 de la Constitution le leur confère à savoir, contribuer à l’éducation civique des populations. Il faut que ce travail soit effectif afin que de plus en plus les militants comprennent que si l’on veut avancer démocratiquement, il faudrait que l’on abandonne les mauvaises pratiques électorales.


Certains acteurs vous « suspectent » de vouloir vous dessaisir de ce recensement au profit de l’Administration et que se serait par-là alors le retour du serpent (l’administration) dans la maison ?

MMT : Il faut dire qu’en 2001 quand nous avons été installés, nous devions mettre en place nos démembrements qui sont les acteurs du recensement électoral. Comme nous venions de commencer, nous ne disposions pas de moyens d’action, nous avions alors dû faire recours à l’administration pour donner les informations aux partis politiques et aux organisations de la société civile. Cela avait été critiqué.

Même si ce que nous avions fait n’était nullement illégal nous avions quand même pris cela en compte et cette fois-ci, nous allons déployer les commissaires à travers le territoire pour mettre en place nous-mêmes nos démembrements sans avoir besoin particulièrement de l’administration. Mais il ne faut pas que l’on continue de jeter l’anathème sur l’Administration car tout le monde a besoin d’elle. Nous avons chaque jour besoin de l’Administration pour notamment nos papiers administratifs. Par ailleurs, les militants des partis politiques ne se recrutent pas forcément en dehors de l’administration. Nous avons dans celle-ci des militants de tous les partis politiques, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité. C’est donc notre Administration et nous devons travailler pour la rendre efficiente.


Comment allez-vous faire pour résoudre le problème de la crédibilité de vos structures décentralisées du fait de la faiblesse de la crédibilité des représentants de vos différentes composantes à ces niveaux ?

MMT : Nous avons dans nos rencontres avec les partis politiques et les organisations de la société civile rappelé simplement l’importance de nos démembrements. Comme vous le savez nos démembrements à l’image de la CENI elle-même sont tripartites et équilibrés. Il y a quatre personnes par regroupement au niveau de la majorité, l’opposition et de la société civile. Ce sont eux qui choisissent les membres des démembrements.

C’est donc à eux si l’on veut des structures crédibles pour organiser des élections crédibles de choisir les personnes crédibles qu’il faut dans les démembrements. Nous, nous ne pouvons qu’émettre le souhait et donner toutes les explications ou informations et inciter les uns et les autres à choisir des personnalités qualifiées. C’est la seule garantie pour avoir des structures efficaces et crédibles.


Des critiques pensent que la validation du logiciel par toutes les parties tout comme le choix des prestataires sont indispensables pour le crédit de toute l’opération. Que répondez-vous ?

MMT : Il n’y a pas de problème à ce niveau. Nous sommes en train de travailler avec les informaticiens depuis un certain temps pour toujours corriger afin que le logiciel soit ce que nous voulons. Quand il sera configuré tel que nous le souhaitons, nous allons convier la presse, les partis politiques et la société civile à une séance d’essai afin que les uns et les autres puissent jouer de la crédibilité de cette opération d’informatisation du fichier électoral.


Et le choix des prestataires ?

MMT : Depuis un an que nous travaillons avec le gouvernement nous avons proposé après consultation d’utiliser les services du CENATRIN. Et puis en cours de route nous avons eu à adresser une requête à l’ambassade de Chine pour équiper notre salle d’informatique en ordinateurs. Nous avions même ajouté sans trop de conviction la construction d’un logiciel pour gérer le fichier électoral. Nous avons été agréablement surpris que notre requête ai rencontré l’assentiment de l’ambassade de Chine.

Du reste, le jeudi 26 février dernier nous avons procédé à la réception de ce matériel qui comporte des ordinateurs et le logiciel de gestion électorale. Seulement avant d’accepter la requête l’ambassade nous a dit qu’elle ne peut financer que si nous acceptons du matériel chinois. Ils ont la représentation de leur matériel au Sénégal. Comme il fallait construire des logiciels supplémentaires pour la saisie et la gestion des bases de données, pour éviter des disharmonies nous avons conservé le même fournisseur.

Du reste c’est ce fournisseur qui est le représentant officiel du logiciel ORACLE 9i nécessaire pour le travail prévu. Dans tous les cas un autre prestataire serait obligé d’aller voir le même fournisseur pour avoir la licence d’utilisation du logiciel de gestion de la base de données ORACLE 9i. La confection des logiciels sera réalisée par la société NETCOM SA.


Quel sera le profil des agents recenseurs et qui les recrutera ?

MMT : Le code électoral dit que le recensement électoral et la révision exceptionnelle des listes se font par la CENI et ses démembrements. Nous avons alors décidé que nos démembrements notamment au niveau des communes (CEDI) procèdent au recrutement des agents recenseurs. Toutefois nous allons dresser les critères de recrutement de ces agents afin que nous ayons un personnel de bon niveau pour bien mener le travail. Ce n’est pas un secret, leur rénumération est connue d’avance puisque le gouvernement a pris un décret qui fixe la rénumération des agents recenseurs tout comme celle des membres de la CENI et de ses démembrements.


Justement la rénumération et les indemnités servies aux membres des démembrements ont causé des problèmes aux élections législatives de mai 2002. Ne peut-on pas redouter leur réédition cette fois-ci avec les agents recenseurs ?

MMT : Je ne crois pas. Parce qu’aux élections législatives nous avions un peu navigué à vue. Il n’y avait pas de référence, la seule était les élections passées au moment où comme l’avait dit quelqu’un, il y avait à boire et à manger. Donc tout naturellement les gens s’attendaient à voir les mêmes rénumérations. Mais malheuresement c’est le Burkina Faso qui finance maintenant les élections presqu’en totalité. Vous connaissez bien les limites du budget national.

Nous ne pouvons pas fonctionner comme si nous étions en dehors de l’Etat donc des réalités du Burkina. Cela n’avait pas été bien compris, il y a eu beaucoup de discussions et entre temps le gouvernement nous a aidé en prenant un décret qui fixe les différentes rénumérations et les choses sont rentrées dans l’ordre. Cette fois-ci nous allons expliquer au préalable aux gens ce à quoi ils doivent attendre.
Celui qui n’est pas d’accord pour une rénumération ne s’engage pas pour l’emploi. Mais dès lors qu’on accepte l’emploi en connaissance de cause, il n’y a pas de raison qu’il y ait des difficultés en cours de chemin.


Quel est le planning pour la révision exceptionnelle des listes électorales et la distribution des cartes d’électeurs ?

MMT : Nous avons prévu pour la révision exceptionnelle des listes électorales 21 jours de collecte des informations sur le terrain. Pendant ce temps, en des endroits fixes, les populations du Burkina Faso qui n’étaient pas encore inscrites sur les listes électorales pourront le faire.

Je pense que c’est un temps largement suffisant pour pouvoir inscrire tous ceux qui le désirent. Ensuite, nous allons ramener toutes ces informations au niveau central pour les intégrer également dans le fichier que nous disposons déjà et qui a été déjà saisi mais non encore traité. Après les saisies des nouvelles données, on procédera ensuite à un traitement informatique pour expurger les listes de toutes les impuretés. C’est à partir de ce moment qu’on va éditer les listes définitives et automatiquement les cartes d’électeurs seront redistribuées à travers nos démembrements. Il est prévu un mois pour la phase de redistribution.


Qu’en est-il du vote des Burkinabè à l’étranger ?

MMT : Cela relève d’une décision politique.
Et comme la CENI n’est pas dans la chaîne de la prise de décisions politiques, il appartient aux politiques de discuter et de convenir de ce qu’il y a lieu de faire.
Toutes fois si la décision est prise de faire voter dans nos ambassades à l’étranger nous allons nous organiser en conséquence. Mais il faut savoir qu’il n’y pas une interdiction de vote des Burkinabè qui sont à l’étranger.

Le droit prévoit d’inscrire tout Burkinabè qui se présenterait même en dehors de la période prévue pour les révisions exceptionnelles.
Quelqu’un qui est à l’étranger quel que soit le moment où il rentre au pays, la CENI peut l’inscrire avant le vote.
Les Burkinabè à l’étranger ont donc la possibilité de venir se faire inscrire et sont tenus de voter au pays.

Interview réalisée par Drissa TRAORE
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