Actualités :: AFFAIRE ROOD WOKO : La relation commerçants/partis politiques au cœur du (...)

L’actualité de ces derniers temps au Faso est sans conteste marqué par le bras de fer qui oppose les commerçants du marché Rood Woko au pouvoir et singulièrement au conseil municipal de la commune de la cité - capitale, Ouagadougou.

Pneus incendiés, routes barrées, pillages de magasins, destruction de véhicules automobiles et agressions physiques, pour ne citer que cela, ont été le lot de ces folles journées des 12, 13 et 14 février. Selon les commerçants, leurs actions sont dues aux faits que d’une part les autorités municipales veuillent "vendre Rood Woko à des Libanais" et que d’autre part les forces de l’ordre "ont réprimé brutalement notre assemblée générale pacifique" sur le site de Rood Woko.

Quant à la commune de Ouagadougou, ses premiers responsables estiment qu’il y a eu de l’intox de la part de certains partis d’opposition (en l’occurrence l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD) qui voulaient exploiter cette situation. Que peut-on en dire ? Que faut-il en penser ? C’est à ces deux questions que nous allons tenter de répondre.

Plus que les membres des autres corporations, les commerçants sont des personnes très attachées à leurs intérêts. Pour vingt-cinq (25) francs CFA, ils sont nombreux ceux qui sont prêts à refuser de vous céder un article qui coûte cinq cents (500) francs CFA. En outre, le niveau d’instruction et de culture dans ce milieu est ce que nous savons tous.

Le troisième élément relatif aux commerçants est qu’ils sont relativement fortunés par rapport aux salariés, pour deux raisons : eu égard à leur niveau de culture générale et d’instruction scolaire, ils sont moins influencés par certains aspects du nouveau mode de consommation que les fonctionnaires et "assimilés" ; de plus, ils détiennent d’importantes sommes d’argent qui, même si elles ne leur appartiennent pas toujours, les rassurent au plan psychologique.

Pour toutes ces raisons, le comportement des membres de ce secteur d’activités est imprévisible parce que tantôt influencé par leur "aisance" financière, tantôt par une certaine "inculture" qui participe de l’enfantement d’une "culture du marché" ; lorsqu’en mooré, l’on dit par exemple que telle personne est un raag-biga ou "enfant du marché", cela désigne le secteur d’activités auquel il appartient, mais peut aussi être une allusion au comportement (contraire aux valeurs dominantes ou censées être dominantes) de l’intéressé : impolitesse, complexe de supériorité (qui cache souvent celui de l’infériorité), conviction selon laquelle l’argent peut résoudre tous les problèmes, etc., sont les reproches généralement mentionnés.

Pour toutes ces raisons également, le contrôle du milieu commerçant constitue un enjeu politique pour tous les partis politiques : le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), qui sait qu’en y comptant des personnes acquises à sa cause, il s’assure les voix de l’aire d’influence de ces personnes (en plus de celles de ces personnes bien sûr), un soutien financier (pourquoi pas) et l’élection de ses candidats (députés, conseillers municipaux, président du Faso) ; les autres partis politiques qui ne veulent pas s’en laisser compter tentent également de grignotter du terrain au parti au pouvoir, convaincus qu’ils sont qu’aucune hégémonie n’est éternelle.

Ce qui est du reste vrai. Seulement, pour ces partis, deux types d’obstacle se posent à eux : premièrement, la proximité entre la "culture du marché" (en certains de ces aspects au moins) et la culture traditionnelle fait que les commerçants sont plus tentés de soutenir un pouvoir en place qu’un pouvoir potentiel (celui des partis d’opposition).

En mooré, la sagesse en la matière enseigne qu’il est aussi risqué et dangereux de vanter les mérites d’un roi défunt que d’évoquer les devoirs du futur roi du vivant de son prédécesseur ; deuxièmement, il n’est un secret pour personne que dans un pays comme le Burkina, tout opérateur économique doit compter directement ou indirectement avec l’Etat : soit pour "décrocher" des marchés, soit pour bénéficier de facilités en matière de paiement d’impôts, etc.

Dans ce domaine, les partis au pouvoir (qu’ils s’appellent aujourd’hui CDP ou UNDD demain) ont toujours une position bien enviée parce que contrôlant l’ensemble de l’appareil d’Etat.

Toutefois, cette longueur d’avance du parti au pouvoir est en même temps un inconvénient : en contribuant à l’élection de celui-ci, les commerçants attendent "hic et nunc" le retour de l’ascenseur ; ce qui n’est pas toujours possible à cause des contraintes liées à l’Etat de droit démocratique : procédure de passation des marchés qui, malgré ce qu’on peut en dire, ne permet pas de les accorder comme de par le passé, fraudes fiscales de moins en moins possibles, fin de nombre de monopoles... Ce que les commerçants ne peuvent comprendre par manque (ou insuffisance) d’instruction ou ce qu’ils ne veulent pas comprendre parce qu’ils n’y ont pas intérêt.

Alors, ils deviennent un terreau fertile d’intoxication et de manipulation de toute sorte. Maintenant, les questions qu’il importe de se poser sont les suivantes : étant donné que Rood Woko est fermé depuis plus de sept (7) mois, qu’est-ce que les autorités municipales et le gouvernement ont entrepris comme travail de communication (à l’instar du projet ZACA) à l’endroit des commerçants pour les tenir régulièrement informés de ce qui se passe ?

Certes, des conférences de presse ont été organisées, des communiqués, diffusés, mais quel lien et quel liant y a-t-il entre ces actions de communication ? Le milieu commerçant étant ce qu’il est, ces deux types d’action sont-ils suffisants pour que l’information parvienne fidèlement à la majorité écrasante des personnes concernées ? Par ailleurs, ceux qui, même à l’intérieur du CDP, accusent les autorités municipales d’avoir laissé faire pour mieux réprimer les commerçants n’ont-ils pas raison ? La question est d’autant pertinente que lors de la conférence de presse donnée par le bourgmestre de la capitale, il a été dit que des rumeurs concernant une certaines récupération politique du mécontentement légitime des commerçants par un parti politique étaient parvenues aux oreilles des autorités municipales. Alors pourquoi n’avoir rien fait dès cet instant ?

Soit, ce sont là plus d’interrogations que de réponses qui n’étanchent pas la soif justifiée d’information des commerçants, mais permettent à chacun de se faire une idée de l’importance du problème.

Si dans ce contexte, l’UNDD essaie d’exploiter cette situation, c’est tout à fait compréhensible même si pour d’autres raisons nous ne sommes pas sur les mêmes longueurs d’ondes que ce parti. Dans sa marche vers le pouvoir par le biais d’une alternance démocratique,un parti d’opposition doit et se doit d’exploiter les erreurs, les lacunes et les travers du parti au pouvoir. Cette alternance démocratique s’opère en général par les urnes, mais si le pouvoir en place, par manque de stratégie, se laisse déborder par un soulèvement populaire conduit par un ou des partis d’opposition, ce n’est pas moins démocratique. Le peuple aura seulement choisi une des méthodes (désobéissance civile) à sa disposition pour conduire son destin.

Cela étant, s’il est avéré que les méthodes de lutte et les dérapages que l’on a constatés sont le fait d’une stratégie savamment élaborée par l’UNDD, les mécanismes de l’Etat doivent être mis en branle pour le confirmer et y apporter une réponse appropriée et conséquente. Pour cela, ce sont les faits qui doivent parler et non les accusations péremptoires que les différents acteurs émettent les uns contre les autres. Celles-ci relèvent plus des empoignades politiques voire politiciennes que du droit en tant qu’il est recherche de la vérité ou du degré d’adéquation entre ce que nous voulons faire ou faisons, et ce qu’il nous est permis de faire en société : en toute indépendance et/ou selon l’intime conviction de ceux chargés de dire le droit, les magistrats.

L’Observateur

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