Actualités :: Association des Étudiants Burkinabè en France : « Le sacrifice de Dabo Boukary (...)

Dans cette déclaration à l’occasion de la 33è journée de l’étudiant burkinabè, l’Association des Étudiants Burkinabè en France (AEBF) rend un hommage à Dabo Boukary, étudiant en 7e année de médecine à l’Université de Ouagadougou et militant de l’Association nationale des étudiants burkinabè (ANEB), assassiné le 19 mai 1990, et jette un regard sur la gouvernance, notamment en lien avec les libertés. Dans le message parvenu à notre rédaction, l’AEBF porte également un regard sur les conditions difficiles dans les universités publiques burkinabè et des étudiants burkinabè en France. C’est pourquoi interpelle-t-elle les autorités à se pencher sur l’éducation et les autres secteurs sociaux de base et appelle les étudiants burkinabè en France à renforcer l’AEBF pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux.

DÉCLARATION À L’OCCASION DE LA 33e JOURNÉE DE L’ÉTUDIANT BURKINABÈ

Camarades étudiant.e.s
Le 19 mai représente pour les étudiant.e.s burkinabè une date mémorable. Il renvoie à l’engagement, au courage, à la détermination, à l’esprit de sacrifice, au don de soi dans la lutte pour de meilleures conditions de vie et d’études, également dans celle aux côtés de notre peuple pour le progrès véritable. En effet, le 19 mai 1990, des militaires du tristement célèbre Conseil de l’Entente (ex. Régiment de Sécurité Présidentielle) sous le commandement de Gilbert Diendiéré, chef putschiste de septembre 2015, ont assassiné sauvagement notre camarade Dabo Boukary.

Il était étudiant en 7e année de médecine à l’Université de Ouagadougou, et militant actif de l’Association Nationale des Etudiants Burkinabè (ANEB), la section nationale de l’Union Générale des Etudiants Burkinabè (UGEB), notre grande union. Dabo Boukary a été torturé à mort parce qu’il exigeait l’amélioration des conditions de vie et d’études des étudiant.e.s, ainsi que le respect des libertés fondamentales, en cette période d’État d’exception où la banalisation de la vie humaine était érigée en mode de gouvernance.

Camarades étudiant.e.s,

En mai 1990 notre pays était sous le pouvoir du Front Populaire du Capitaine Blaise Compaoré arrivé au pouvoir dans le sang suite au Coup d’état militaire du 15 octobre 1987 qui a renversé le régime du CNR et assassiné Thomas Sankara, alors président du Faso, et ses compagnons. Impopulaire et incapable de répondre aux préoccupations fondamentales des populations, ce pouvoir fascisant va s’engager dans une politique de répression systématique des patriotes, démocrates et révolutionnaires sincères de notre pays. On assistera ainsi à un verrouillage total des libertés démocratiques et syndicales, qui va se répercuter également sur le campus, où les étudiant.e.s souffraient déjà le martyr du fait des premières mesures des Programmes d’Ajustements Structurels (PAS), ces politiques anti-sociales imposées à notre peuple par les institutions financières internationales impérialistes.

Contre ces PAS et leurs conséquences sur les conditions de vie et d’études, les étudiant.e.s vont se mobiliser au sein de leur structure authentique, l’ANEB. Au lieu de répondre aux justes préoccupations des étudiant.e.s, les autorités universitaires et ministérielles d’alors, le Pr Alfred Traoré (directeur de l’ISN/IDR), feu Pr. Alain Nindaoua Sawadogo (recteur de l’UO) et feu Pr. Mouhoussine Nacro (ministre des Enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique), feront abattre sur eux une répression farouche. Ils seront accompagnés par des étudiants “gâteaux” (des étudiants vendus, des indics) que sont Bamba Mamadou, Bansé Moussa, Diabaté Issouf, Gandema Issa, Ouedraogo Hubert, Tao Yendekoye, Hien Lin et autres. Après avoir engagé une campagne mensongère contre l’ANEB et exclu une vingtaine d’étudiants dont tous les membres du Comité Exécutif, on assistera à une descente musclée des commandos du Conseil de l’Entente sur le campus entre le 16 et le 19 mai. Suivront des bastonnades à sang d’étudiant.e.s, des arrestations, des détentions et tortures au Conseil de l’Entente, des poursuites policières et des perquisitions, l’enrôlement de plusieurs étudiant.e.s de force dans l’armée. C’est dans ce contexte que notre camarade Dabo Boukary sera enlevé le 19 mai, conduit manu militari au conseil de l’Entente où il sera torturé à mort.

Camarades étudiant.e.s,
Plutôt que de céder à la trahison sous les coups de ses tortionnaires en indiquant la cachette des responsables de l’ANEB, Dabo Boukary a préféré donner sa vie. Il s’est sacrifié pour sauvegarder la structure authentique de lutte des étudiants burkinabè et la vie de ses camarades entrés en clandestinité.
Depuis cet acte ignoble, les étudiant.e.s uni.e.s comme un seul Homme se sont dressé.e.s pour exiger toute la lumière. Des mensonges d’Etat fabriqués comme la prétendue évasion de Dabo Boukary à la tenue du procès en septembre 2022 en passant par la reconnaissance tacite de la mort de Dabo par feu Salifou Diallo en 1997, les étudiant.e.s par leur mobilisation avec l’appui d’organisations démocratiques et révolutionnaires de notre peuple ont démontré que les crimes politiques ne peuvent et ne doivent pas restés impunis dans notre pays.
32 ans après ce crime politique, une victoire d’étape a été obtenue avec le jugement du dossier. Il a abouti à la condamnation de Gilbert DIENDERE à 20 ans de prison ferme avec une amende d’un million, du Sergent Victor Magloire YOUBARE, membre du commando à 30 ans de prison ferme et une amende de cinq millions et de BAMBA Mamadou, alors étudiant, responsable du bureau du comité révolutionnaire de l’université de Ouagadougou (BCR-UO) et indic du commando à 10 ans de prison ferme avec une amende d’un million.

Camarades étudiant.e.s,
Les difficultés contre lesquelles Dabo Boukary se battait en 1990 sont toujours d’actualité et se sont même amplifiées avec les politiques hasardeuses appliquées dans notre pays par les pouvoirs successifs et la guerre civile réactionnaire imposée à notre peuple par les groupes armés terroristes, les puissances impérialistes et leurs valets locaux. Les effets pervers des PAS ont conduit les universités publiques de notre pays dans une impasse sans précédent. L’application hasardeuse du système LMD a par exemple donné lieu à des cursus académiques à rallonge, des années académiques sans tête ni queue, des taux d’échecs et d’abandons importants. Comment comprendre que pour obtenir une licence dans certaines UFR il faille faire 6 ans voire plus, sans redoubler ? Comment comprendre aussi que dans des promotions on puisse n’avoir en session normale que 3 admis sur 1223 inscrits (cas du département de MPI, à l’Université Nazi Boni) ? Le système éducatif burkinabè va réellement mal.
En France, les conditions de vie et d’études des étudiant.e.s Burkinabè ne sont guère reluisantes non plus. Elles se sont dégradées avec l’augmentation du coût de la vie, l’inflation et l’insouciance des autorités de l’ambassade vis-à-vis des préoccupations des étudiant.e.s burkinabè en France. Sous la pression des organisations combatives, le gouvernement français a pris quelques mesures en début de rentrée vis-à-vis de ses étudiant.es : augmentation de 4% du taux de la bourse, augmentation de 3,5% de l’aide au logement.
L’étudiant.e burkinabè boursier.e est devenu.e une espèce rare et le taux de la bourse n’a pas connu d’augmentation depuis des années, malgré l’inflation. Les conditions matérielles d’existence (se loger, se nourrir, se déplacer, etc.) amènent nombre d’étudiant.e.s à sacrifier leurs études et leur santé au profit d’emplois précaires appelés « petits boulots » ou « jobs étudiants ». Le logement demeure le souci majeur des étudiant.e.s burkinabè depuis les démarches pour l’obtention du visa jusqu’au séjour en France. Une bonne partie des étudiant.e.s burkinabè en France ne sont pourtant pas logés en résidences CROUS. Si la réouverture de la Cité Fessart en 2021 et l’élargissement de son accessibilité aux étudiant.e.s non boursier.e.s constitue un acquis majeur de l’ensemble des étudiant.e.s burkinabè en France sous la direction de l’AEBF, force est de constater que les conditions d’attribution des chambres demeurent opaques et sans participation des structures authentiques de lutte des étudiant.e.s dont l’AEBF. Aucun.e étudiant.e n’a été admis.e officiellement à la Cité Fessart cette année, malgré les nombreuses interpellations du Comité Exécutif. S’il y a eu de nouvelles admissions dans cette cité cela s’est fait dans un flou total, sans aucun communiqué et en l’absence des organisations représentatives des étudiant.e.s. C’est l’occasion pour l’AEBF de dénoncer le mépris de l’ambassade face aux préoccupations fondamentales des étudiant.e.s, particulièrement la question du logement en cité Fessart, un acquis de lutte. La gestion opaque de la cité Fessart nécessite que des structures de contrôle comme l’ASCE/LC y jettent un coup d’œil.

Camarades étudiant.e.s,
Le sacrifice de Dabo Boukary ne doit pas être vain. Nous devons reprendre le flambeau surtout dans ce contexte de guerre civile réactionnaire, interpeller nos autorités sur le respect des libertés acquis au prix de sacrifices comme ceux de Dabo Boukary et Norbert Zongo entre autres.
Au regard de ce qui précède l’AEBF :
interpelle les autorités à se pencher surtout sur cette bombe à retardement qu’est son désengagement, conformément aux injonctions des institutions de Breton Wood, de l’éducation et des autres secteurs sociaux de base ;
invite les étudiant.e.s burkinabe en France à se mobiliser dans leurs sous-sections pour rendre hommage à Dabo Boukary ;
appelle les étudiant.e.s burkinabè en France à renforcer l’AEBF pour la défense de leurs intérêts matériels et moraux ;
invite les étudiant.e.s à rester à l’écoute pour la commémoration en différée de la Journée de l’étudiant burkinabè en France.

Hommage à Dabo Boukary
Non aux restrictions des libertés et à la répression !
En avant pour l’amélioration de nos conditions de vie et d’études !
Vive l’AEBF !
Vive l’UGEB !
Pain et Liberté pour le Peuple !

Le Comité Exécutif

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