ActualitésDOSSIERS :: Procès de Vincent Dabilgou : La compétence du tribunal correctionnel mise en (...)

Le jeudi 16 mars 2023, le procès du président du Nouveau temps pour la démocratie (NTD) par ailleurs ancien ministre des transports, de la mobilité urbaine et de la sécurité routière sous la gouvernance de Roch Kaboré, Vincent Dabilgou, était renvoyé pour permettre au tribunal de statuer sur la jonction du dossier du NTD au dossier déjà constitué. Ce lundi 20 mars 2023, le tribunal a décidé de joindre le dossier. Dans la foulée, les débats se sont poursuivis et ont porté sur la compétence du tribunal correctionnel devant lequel est portée l’affaire aux fins d’être jugée.

Après que les juges aient opéré une notification des charges qui pèsent sur chacun des inculpés dans cette affaire, les avocats de Vincent Dabilgou feront observer qu’ils n’entendent ni reconnaître ou dénier les faits reprochés à leur client. Pour cause, ils estiment que le tribunal correctionnel devant lequel l’affaire se trouve est incompétent pour connaître de cette affaire.

Pour eux, Vincent Dabilgou comparaît en tant qu’ex ministre et si tel est le cas, il revient donc à la Haute cour de justice (HCJ) de le juger. « L’incompétence est une exception de procédure et elle doit être soulevée in limine litis (au début du procès). Les faits qui sont reprochés à notre client concernent le moment où il était ministre et au Burkina Faso, les règles de droit sont claires quant à la nature de l’affaire, qu’elle soit civile, pénale ou administrative. Le juge doit avant tout interroger la qualité du prévenu, la matérialité des faits et le territoire où l’infraction a été commise. A cela, vous avez devant vous un ministre de la République et selon la constitution à son article 138, alinéa 2, il est écrit que la Haute cour de justice est également compétente pour juger les membres du gouvernement en raison des faits qualifiés crimes ou délits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. A cela, la question qu’il faut se poser serait de savoir si oui ou non les faits qui sont collés à notre client ont été commis à l’occasion de l’exercice de ses fonctions de ministre. Nous voudrions bien préciser que M. Dabilgou ne vous réclame pas l’injustice. M Dabilgou ne dit pas qu’un ministre ne doit pas être jugé. Mais vous ne pouvez pas juger quelqu’un en vous basant sur la loi si vous-mêmes ne respectez pas la Constitution », ont soutenu ses conseils Guitenga et Birba.

Pour le parquet, le tribunal est bel et bien compétent car aux termes de l’article 138 de la HCJ, il faut distinguer l’expression « les actes accomplis à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions » de « les actes accomplis pour des intérêts privés ».

« Dans ce cas précis, il s’agit de ses intérêts privés. Et toujours concernant l’article 138 qu’ils ont cité, vous verrez qu’ils ont consciencieusement omis de citer la dernière phrase du dernier alinéa où il est écrit : "dans tous les autres cas, ils demeurent justiciables des juridictions de droit commun et des autres juridictions". Ici, lorsque l’argent est détourné et utilisé pour financer sa campagne politique, la personne n’agit plus en tant que ministre mais en tant que président de parti. Le simple fait qu’on n’ait commis des actes en tant que ministre ne suffit pas directement à dire que vous devez être jugé par la HCJ », a relevé le procureur Nombré.

Pour la partie civile, Vincent Dabilgou n’est pas justiciable de la HCJ parce que la poursuite qui a été enclenchée contre lui est intervenue après qu’il soit ministre. S’appuyant sur une décision qui a été rendue au Congo, les avocats de ce bord rappelleront que l’expression « dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions » veut dire que c’est au moment même où l’intéressé est ministre qu’il peut être jugé devant la HCJ. Mais dès lors que les poursuites ont été enclenchées après échéance de son mandat, il est directement justiciable du tribunal correctionnel au même titre que les autres.

Une autre des préoccupations du jour était celle des avocats des autres présumés qui estiment que si le tribunal se déclare incompétent, l’affaire pourrait tomber à l’eau et ne pas connaître le dénouement souhaité. Nonobstant le fait que les conseils de M. Dabilgou aient précisé que cette affaire n’est ni la première et ne sera pas la dernière où l’on disjoint des dossiers pour que les prévenus soient entendus chacun devant le tribunal compétent en la matière, ils soutiennent mordicus que l’issue de ce procès débouchera sur toute autre chose, sauf la manifestation de la vérité, si toutefois les dossiers venaient à être séparés.

« Déclarer M. Dabilgou justiciable de la HCJ pourrait livrer notre justice à deux décisions complètement inconciliables. Vous verrez d’un côté qu’il pourrait être relaxé pendant que de l’autre, nous nos clients se font accuser. Vous constatez par vous-même que la majeure partie ne reconnaît pas les faits qui leur sont reprochés. Il faut qu’il soit jugé ici pour qu’on puisse confronter tous les dires », a relevé un des conseils de la partie civile.

La journée d’aujourd’hui a consisté à entendre les parties, principalement sur cette question de compétence. L’audience reprend le mardi 21 mars 2023 à 9h. Le tribunal décidera si l’exception sera jointe au fond (cela veut dire qu’il pourrait tenir compte de l’exception soulevée dans ses conclusions en se prononçant d’abord sur l’exception puis sur le fond) ou s’il est compétent ou non pour connaître de l’affaire.

Erwan Compaoré
Lefaso.net

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