Actualités :: Décès de Guy Yogo : Hommage à un homme de conviction

Décédé le 12 mars 2023 à Ouagadougou des suites de maladie, Guy Yogo, précédemment secrétaire général du Front patriotique, sera inhumé ce samedi 18 mars 2023. Dans ce témoignage, Yacouba Koussoubé, un de ses compagnons de lutte politique sur le campus de Ouagadougou, lui rend hommage.

Le Burkina Faso pleure aujourd’hui Guy Yogo, un intrépide combattant de la liberté, un homme politique de conviction qui a consacré sa vie à la défense de valeurs de justice et de vérité. Celui qui a tiré sa révérence le dimanche 12 mars 2023 a vécu utile. Il a mené le combat noble de dignité et de justice sociale.
Il est donc juste de lui rendre cet hommage à travers ce témoignage sur un pan de la lutte que nous avons mené ensemble.

J’ai connu Guy lorsque je suis arrivé à l’Université de Ouagadougou en octobre 1986. Très vite, nos chemins se sont croisés sur le terrain de la lutte politique. Tous deux, nous appartenions à l’ULCR (l’Union des luttes communistes reconstruite), l’une des formations politiques membres du Conseil national de la révolution.

Comme il était de bonne guerre, chaque organisation recrutait au sein des étudiants pour avoir les faveurs des futurs dirigeants du pays. J’ai donc eu la chance aux cotés de Guy d’organiser les étudiants qui avaient de la sympathie pour la ligne politique que nous défendions. Rien n’était gagné d’avance tant les rivalités étaient exacerbées entre d’une part, les cellules des structures membres du Conseil national de la révolution (CNR) et d’autre part les autres organisations en dehors du CNR mais également présentes sur le campus. C’est donc dans cette volonté d’élargir les bases de l’ULCR que Guy et moi avons tissé nos relations de camarades politiques. Celles-ci se sont renforcées et consolidées avec l’avènement du Front populaire. Quand Thomas Sankara meurt le 15 octobre 1987 et avec lui, la révolution, nous avons refusé de nous résigner.

Ensemble, mais beaucoup plus sous son leadership, nous avons entrepris de nous organiser pour donner de la voix. Du reste, comme nous, des élèves et étudiants patriotes et progressistes et mus par la seule volonté de réhabiliter Thomas Sankara ont senti la nécessité, voire l’obligation de s’organiser pour défendre leurs causes. Avec certains camarades, nous cherchions les voies et moyens pour, à défaut de gagner le combat contre le Front populaire en le renversant, au moins nous faire entendre. Nous réfléchissions surtout à la meilleure manière de réussir notre action. Plusieurs propositions ont été faites mais pour Guy, nous ne pouvons avoir de résultats probants que si nous nous améliorions notre organisation à travers un cadre formel.

Nous décidâmes alors, courant février-mars 1988, de créer l’ORJEC, l’Organisation révolutionnaire de la jeunesse combattante. Nous tentâmes d’implanter cette nouvelle organisation au sein des établissements secondaires de Ouagadougou principalement et à l’Université de Ouagadougou. Concomitamment, nous préparons un mouvement en nous inspirant des évènements des 20, 21 et 22 mai 1983 lorsque la jeunesse voltaïque avait dit non à l’arrestation du capitaine Sankara par le pouvoir du CSP 2.
Du reste, ce sont ces dates anniversaires que nous avons retenues pour notre action de protestation.

C’était l’époque des tracts que nous rédigions (en petits groupes avec des camarades dont Newton Hamed, Malick, Bazié Agathe (et j’en oublie certainement) et distribuions la nuit tombée, généralement entre 00h et 02h. Saran Sérémé et moi avons sillonné Ouagadougou à ces heures-là. Il est important de souligner qu’aveuglés par la réussite de notre action, nous avons, par naïveté, ouvert nos réunions à des éléments du service de renseignement. Ils avaient réussi à convaincre Guy qu’ils partageaient nos convictions.

A visages découverts, ils prenaient donc part à nos réunions, y prenaient la parole et nous prévenaient qu’ils pourraient être ‘’obligés’’ de nous torturer si on venait à se faire arrêter. Ces agents avaient donc toutes les informations à portée de main et savaient le rôle que chacun de nous devait jouer à partir du 20 mai 1988. Notre projet était donc comme mort dans l’œuf. Heureusement, avec d’autres camarades, et comme par intuition, nous avons anticipé notre action pour la réaliser le 19 mai 1988.

L’appareil sécuritaire a totalement été pris de court et le temps pour lui de s’organiser, nous avions pu entamer notre marche qui a commencé au lycée Philippe Zinda Kaboré. C’est Kalilou qui a été à la manœuvre en exploitant sa connaissance du terrain en tant qu’ancien délégué CDR de l’établissement. Il a réussi à faire vider les classes et la marche s’est ensuite étendue au lycée Nelson Mandela, au lycée Bogodogo. La marée humaine s’ébranlait maintenant vers le lycée Marien N’Gouabi quand elle croisé le cordon de sécurité du CNEC à la place de la révolution.

Le nouveau pouvoir venait de connaitre sa toute première désapprobation publique. Cet affront à l’homme fort du 15 octobre 1987 n’a pas été digéré et le Front populaire tenait à le faire payer. Guy Yogo a donc été atrocement torturé pour ses convictions. Et comme il fallait donner l’exemple pour dissuader toute autre manifestation du genre, Guy Yogo et Saran Sérémé ont été arrêtés et cruellement torturés. Ils en gardent à vie les séquelles de ces tortures.

De mon point de vue, Guy a été particulièrement torturé parce que les services de renseignement ont voulu lui faire payer leur propre échec. Ils n’ont pas accepté d’avoir échoué alors qu’ils avaient tous les moyens d’empêcher la manifestation. En effet, par leur présence à nos réunions, ils avaient toutes les informations et donc étaient en mesure de tuer la manifestation dans l’œuf.

Sorti de prison et exilé au Sénégal, Guy n’a pas pour autant renoncé à son combat politique. De son exil dakarois, il a continué à s’impliquer dans la vie politique nationale. Autour des années 1994, nous avons ouvert le débat sur la forme de la lutte à mener. Fallait-il sortir de la clandestinité pour affronter le verdict des urnes ou plutôt continuer dans l’ombre ? La majorité des camarades consultés a fait le choix de la lutte clandestine car la démocratie, telle qu’elle était en 1994, ne garantissait pas l’expression du peuple. Une fois de plus Guy Yogo insista sur la méthode, c’est-à-dire la création d’une structure qui sera l’avant-garde pour notre combat politique.

Guy Yogo, c’était aussi des relations franches. Ainsi en 1996/97, j’ai reçu une lettre de lui où il désapprouvait ce qu’il a considéré comme mon inaction. Il estimait alors que j’avais baissé les bras et indiqua clairement sa déception. J’ai certes tenté de lui expliquer que le contexte nous imposait une autre approche de la lutte, lui était convaincu que c’était une démission de ma part et m’invitait à reprendre la lutte telle que nous l’avons fait par le passé ou à accepter que j’avais quitté le navire du combat.

Je n’ai donc pas été surpris de voir Guy aux premières places dans les instances du Front patriotique. La politique, c’était sa passion. Guy est de mon point de vue, l’exemple de la conviction par les idées.
En cette période particulièrement difficile pour notre pays, il avait sa place pour la construction d’un Burkina de justice sociale et de prospérité. Hélas, le destin en a décidé autrement.

Que la terre libre du Burkina lui soit légère.
Que son âme repose en paix.
Que la jeunesse burkinabè porte haut ses convictions pour l’avènement du Burkina nouveau de nos espérances.

Repose en paix.

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