Actualités :: Santé au travail : Zoom sur les troubles musculosquelettiques, première (...)

De mauvaises conditions de travail peuvent provoquer chez le travailleur des maladies touchant les muscles et le squelette. Ce sont les troubles musculosquelettiques (TMS). Quels sont les facteurs de risque des troubles musculosquelettiques ? Quelles sont les postures qui conduisent aux TMS ? Comment prévenir les TMS ? Comment améliorer l’ergonomie au travail ? Dans cet entretien qu’elle nous a accordé, Dr Anicha Savadogo épouse Bandé, médecin spécialiste en santé au travail, spécialiste en contrôle médical de l’aptitude à la conduite, membre de la Société burkinabè de médecine du travail (SOBUMET) et directrice du cabinet médical PREVENT nous en dit plus. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Quand on parle de troubles musculosquelettiques en milieu de travail, qu’est-ce que c’est ?

Dr Anicha Savadogo / Bandé : De façon simple, le trouble musculosquelettique en abrégé TMS, est une maladie que l’homme va développer au niveau des muscles et du squelette sous de mauvaises conditions de travail. Les TMS se développent principalement au niveau des articulations du cou, de l’épaule, du coude, du poignet, du dos, du genou, de la cheville. Les signes commencent par une fatigue articulaire ressentie en fin de journée, puis progressivement une douleur va apparaître et si les conditions restent telles, la douleur va devenir chronique et l’articulation va commencer à s’user. Cette douleur va limiter les mouvements, réduire la concentration, occasionner de l’absentéisme et perturber le travail.

Quels sont les facteurs de risque des troubles musculosquelettiques ?

Il y a quatre facteurs de risques. Les postures contraignantes, les gestes répétitifs, les vibrations transmises aux corps constituent le premier facteur encore appelé facteur biomécanique. Par exemple, lorsque la posture assise (travailleurs de bureau) ou le mouvement effectué (techniciens, ouvriers) pour remplir une tâche, ne respectent pas les courbures anatomiques du corps, cela va occasionner des tensions, des douleurs et une usure de l’articulation sollicitée. L’utilisation d’outils vibrants comme les marteaux piqueurs ou de gros engins du BTP et des mines comme les camions tombereaux, les chargeuses, les niveleuses, les bulldozers, etc. qui émettent des vibrations transmises au corps occasionnent les TMS du dos couramment appelés mal de dos.

Le second facteur est lié au stress au travail. Il est démontré scientifiquement que lorsqu’on est stressé, le corps sécrète des hormones qui modifient le fonctionnement du corps et favorisent l’apparition de maladies dont les TMS. Lorsque les conditions de travail sont sources de stress permanent pour le travailleur, cela affecte la santé mentale qui augmente la fatigue et diminue la récupération physique et fonctionnelle.

Le troisième facteur de risque est lié à l’organisation du travail. Le manque de pause, d’étirements et de relaxation musculaire adaptée renforce la fatigue articulaire.

Le dernier facteur est lié aux conditions physiques du travailleur lui-même. Il s’agit de ses capacités de résistance et de résilience face aux conditions de travail auxquelles il est soumis.

Au sein de votre cabinet, recevez-vous assez de patients souffrants de TMS et avez-vous des chiffres sur la récurrence des TMS ?

Nous recevons des travailleurs qui souffrent de TMS. Le principal motif de consultation c’est la douleur et les localisations fréquentes sont l’épaule et le dos. En tant que médecin du travail, dès l’interrogatoire, on soupçonne déjà le lien avec l’activité professionnelle. L’examen physique et les examens complémentaires permettent de préciser le degré d’atteinte de l’articulation concernée et de définir la prise en charge adéquate.

Nous n’avons pas connaissance des statistiques officielles de TMS au Burkina. Néanmoins, ailleurs des études donnent une idée de ce que cela représente pour les entreprises. Par exemple, une méta-analyse de 15 études réalisées au Royaume-Uni montrait que sur 2 165 travailleurs, les TMS étaient la 2e cause d’arrêt de travail et concernaient l’épaule (44,7 %), main et poignet (25,8 %) et le cou (58 %). Plus proche de nous, en Ethiopie, une étude prenant en compte 62 banques et 755 agents de banque retrouvait 77,6 % de TMS, soit chez 586 agents. Les TMS constituent la première maladie professionnelle dans le monde avec un fort impact sur l’économie des entreprises.

Quelles sont les postures qui conduisent aux TMS ?

Il faut savoir que dans la constitution de l’homme, quand vous prenez le squelette, il a des courbures naturelles. Les TMS vont se développer lorsque du fait de son activité, le travailleur ne respecte pas ces courbures naturelles. Quand je prends la colonne cervicale située au niveau du cou par exemple, vous avez une courbure en C ouvert en arrière. Lorsque vous travaillez à tout moment la tête baissée, cela peut occasionner une tension au niveau des os et des éléments articulaires de cette colonne. Cette tension maintenue sur un certain temps et de façon répétée va déclencher de petites inflammations qui vont devenir chroniques et générer de la douleur. De même qu’au niveau du dos, vous avez également une courbure naturelle qui est là. Et lorsque par exemple vous êtes assis dans une position où vous déformez cette courbure et que vous la maintenez sur un certain temps, cela favorise la survenue des TMS.

Comment se fait la prise en charge des TMS ?

Il faut savoir que la prise en charge des TMS liés au travail a deux volets. Le premier volet est purement médical et consiste à prodiguer des soins dans le sens d’améliorer le confort du patient : supprimer la douleur pour lui permettre d’avoir un confort de vie. Certains TMS à la longue vont entrainer une limitation dans les mouvements. Quand on a par exemple mal à l’épaule, on peut avoir du mal à remonter sa fermeture ou simplement se peigner. Le premier objectif, c’est de traiter la douleur et permettre à l’articulation de récupérer son amplitude d’avant. Cela implique des médicaments et des séances de kinésithérapie ou de sport adaptés.

Vous avez le deuxième volet qui est celui de la prise en charge légale. Ce volet n’est pas bien connu. Lorsqu’il y a un lien entre le TMS et les conditions de travail, le médecin va établir un certificat médical de constatation pour le travailleur. Ce dernier ira ensuite vers son institution de sécurité sociale pour faire sa déclaration. Au sein de cette institution également, il y a des procédures, qui vont étudier le dossier et reconnaître ou non, le cas comme étant une maladie professionnelle indemnisable, ou une maladie à caractère professionnel. Après cette étape, le travailleur pourra bénéficier d’une prise en charge ou non en fonction des conclusions du processus au niveau de l’institution de sécurité sociale.

Des conseils donc aux travailleurs ?

Il faut que les travailleurs soient informés et sensibilisés sur les TMS qu’ils peuvent contracter du fait de leur travail et des moyens de prévention. Avoir ces informations leur permettrait d’adopter les bons gestes, postures, mouvements et comportements qui permettent non seulement de préserver leur santé physique et mentale mais aussi de travailler de façon optimale pour un meilleur rendement. Également dès les premiers signes, ils sauront comment s’orienter et comment procéder pour que la prise en charge soit complète.

Parlant justement de prévention, comment prévient-on les troubles musculosquelettiques ?

De façon pratique, il y a plusieurs niveaux d’action pour faire la prévention. Le premier niveau concerne les travailleurs. Il s’agit d’informer et de former le travailleur pour qu’il sache comment mener ses activités tout en se préservant et en restant efficace. Parce que vous convenez avec moi que lorsqu’on commence à avoir mal, on a du mal à se concentrer pour travailler.

Le deuxième niveau concerne l’employeur. Cela va consister à évaluer le milieu de travail pour identifier et évaluer les différents facteurs et conditions de travail qui peuvent être à l’origine du développement de TMS et de mettre en place un plan de prévention des TMS. Le cabinet médical PREVENT a la possibilité de les accompagner dans cette démarche.

Le dernier niveau de prévention concerne l’Etat. L’Etat doit adopter et mettre en œuvre une politique générale de lutte contre les maladies professionnelles dont les TMS. Les secteurs d’activité qui génèrent les plus les TMS sont connus. L’Etat doit élaborer des directives et normes opposables aux entreprises et permettant de réduire l’apparition de ces maladies dont la prise en charge coûte si chère et aux travailleurs et aux entreprises. Ne dit-on pas mieux vaut prévenir que guérir ?

Les entreprises doivent donc travailler à améliorer l’ergonomie au travail ?

Absolument ! Chaque travailleur qui souffre de TMS lié au travail constitue un manque à gagner pour son employeur. En effet, les TMS vont induire des pertes de temps, d’efficacité et d’argent du fait du manque de concentration, des certificats médicaux d’arrêt de travail, une plus grande consommation des soins de santé. Il faut donc agir pour réduire l’impact sur le rendement. Cela passe par l’amélioration des conditions de travail. Ce n’est pas une question de « luxe » comme certains pourraient le penser mais une question de santé, d’efficacité au travail, d’amélioration des performances. Quand un travailleur est en bonne santé, il est dans les conditions pour exécuter efficacement ses tâches. Quand une entreprise investit dans la prévention, elle gagne en efficacité, profite d’une meilleure productivité de ses employés, économise de l’argent, remplit pleinement sa responsabilité sociétale (RSE) et fait du développement durable.

Un dernier mot ?

Merci de nous avoir donné l’occasion de parler de la santé au travail et surtout des TMS. Notre combat aujourd’hui, c’est d’impulser une véritable dynamique de prévention et de protection de la santé des travailleurs par l’Etat, les entreprises et les travailleurs eux-mêmes. Dans le contexte économique difficile que connaît actuellement notre pays, investir dans la protection de la santé des travailleurs est un choix économique intelligent et responsable.

Propos recueillis par Justine Bonkoungou
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