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Le cancer du col de l’utérus figure parmi les premières causes de mortalité due à un cancer chez les femmes au Burkina Faso. Cette maladie est devenue un problème de santé publique. Quelles sont les dispositions à prendre pour éviter la maladie ? Quels sont les traitements disponibles au Burkina Faso actuellement ? Dans une interview, l’oncologue Pr Aboubacar Bambara donne des éclaircissements, alors que le monde commémore, ce 4 février 2023, la journée mondiale de lutte contre le cancer.

Lefaso.net : Le 4 février c’est la journée mondiale de lutte contre le cancer. Au Burkina Faso, nous avons constaté un accroissement des cas de cancer chez les femmes mais la radiothérapie se faisait à l’extérieur, dans certains pays voisins. Et pour pallier aux difficultés liées à la prise en charge à l’extérieur, on avait assisté à l’inauguration d’un centre de radiothérapie en 2021. Malheureusement, le centre est fermé depuis près d’un an maintenant. Quel est donc l’impact de la fermeture du centre de radiothérapie sur les personnes atteintes du cancer ?

Pr Aboubacar Bambara : Je peux vous dire que depuis l’arrêt du centre de radiothérapie de Bogodogo, la prise en charge du cancer est très incomplète au Burkina Faso et c’est un drame pour les personnes atteintes du cancer puisque les 2/3 des personnes atteintes du cancer ont besoin de radiothérapie comme traitement associé bien-sûr à d’autres types de traitement.

Ce qui constitue un drame comme je l’avais souligné plus haut et qu’il va falloir régler le plus tôt possible parce qu’en tant que service d’hospitalisation, nous avions remarqué que depuis un certain temps les traitements sont incomplets, beaucoup de patients récidivent ou progressent. Et parmi les patients qui n’ont pas du tout les moyens, nous constatons avec le temps leur décès dans notre service sans pouvoir faire quelque chose. En fonction de la pathologie cancéreuse, lorsqu’il y a l’indication de la radiothérapie et que les machines sont à l’arrêt il n’existe pas un autre traitement de remplacement et la prise en charge du patient reste incomplète.

Nous savons que la radiothérapie est chère, est-ce qu’au niveau du Burkina il y avait une subvention au moment où le centre de traitement fonctionnait pour les personnes atteintes du cancer ?

Pendant la période de fonctionnement, aucun patient n’a payé 1 francs pour recevoir ses traitements de radiothérapie parce que c’était le début et les autorités de l’époque étaient en train de voir quelle méthode adopter pour la subvention des traitements de radiothérapie.

Maintenant nous allons parler du cancer du col de l’utérus, qu’est-ce que c’est ?

Le cancer du col de l’utérus est une multiplication anarchique des cellules de la muqueuse du col de l’utérus avec des possibilités d’aller ailleurs pour donner ce qu’on appelle des métastases. Voilà comment se définit le cancer du col de l’utérus.

Comment cette maladie se manifeste ?

La manifestation de cette maladie se fait en deux étapes. Au début, il n’y a pas de signes, la femme ne sent rien et elle ne sait pas qu’elle est malade. Mais au fur à mesure que ça évolue on constatera des saignements provoqués. C’est-à-dire que lorsque la femme fait sa toilette intime elle saigne, lors des rapports sexuels également d’où l’appellation saignements provoqués qui au départ sont des petits saignements et si rien n’est fait peut se développer vers des caillots de sang. On peut également constater si rien n’est fait des douleurs pelviennes, des douleurs lors des rapports sexuels, de l’écoulement de l’eau qu’on appelle hydrorrhée et c’est de l’eau qui coule très malodorant et désagréable indisposant l’entourage.

Et toujours si rien n’est fait on peut se retrouver avec des constipations chroniques, des saignements au niveau de l’anus ou encore des difficultés à émettre des urines, avoir des œdèmes au niveau des membres inférieurs, un ventre qui a augmenté de volume, on peut contracter la toux, une atteinte au foie, les yeux deviennent jaunes et c’est le cancer qui entrain de progresser. Malheureusement c’est ce que nous remarquons dans nos consultations parce que la grande majorité des femmes arrive à l’hôpital à des stades avancés.

A combien peut-on estimer le taux de prévalence au Burkina Faso ?

Selon les statistiques de GLOBOCAN 2020 qui est une mesure de la prévalence utilisée par l’organisation mondiale de la santé. En 2020 il y a eu près de 1132 cas de cancer du col de l’utérus au Burkina Faso avec près de 839 cas de décès liés à cette maladie. Ce qui illustre le fait que les patientes arrivent à des stades avancés et ce n’est pas normal de nos jours quand on sait que la maladie évolue progressivement et qu’il y a un système qui peut être réalisé par le dépistage et permettre aux personnes atteintes par la maladie de venir nous voir au stade précoce de maladie et non à un stade de complication ou avancé.

Vous venez de parler du dépistage, quelle est l’importance du dépistage ?

Vous savez, le cancer du col de l’utérus est un cancer de pays pauvres à ressources limitées parce que normalement, entre l’infection qui est due à un virus appelé papillome humain ou HPV, et la survenue de la maladie, il peut y avoir environ une dizaine ou une quinzaine d’années. Cela veut dire que si on arrive à faire le dépistage et si malheureusement vous aviez une infection, on aura des lésions précancéreuses qui sont des lésions avant le cancer proprement dit.

Il faut dire que ce dépistage est gratuit au Burkina depuis avril 2016. On ne paie pas mais on arrive à avoir des soins et à en guérir. Le dépistage est fait par la colposcopie avec des techniques d’utilisation de réactifs appelés acide acétique et le lugol qui permettent donc de voir le col utérin afin de détecter un possible début de cancer ou pas. Lorsque le test est positif et qu’on est au stade de lésions précancéreuses, on peut en guérir.

Mais si vous ne faites pas votre dépistage la maladie va continuer d’évoluer et il y aura des complications à un stade avancé avec des signes que nous avions qui ont été énumérés plus haut. Il est donc important que toute femme qui a plus de 25 ans au Burkina Faso puisse aller faire son dépistage. Parce que le cancer du col de l’utérus fait partie des deux types de cancer les plus rencontrés chez la femme en plus du cancer de sein.

Vous aviez parlé de cancer de pays pauvres, est-ce pour dire que dans les pays développés on ne trouve pas ce type de cancer ?

J’ai dit que c’est un cancer des pays pauvres parce qu’il y a des pays très développés tels que l’Australie, la Norvège, le Danemark où il y a presque zéro cas du cancer du col de l’utérus. C’est un cancer sexuellement transmissible. Et c’est un cancer que l’on peut vaincre si on engage la lutte, parce que on peut le vaincre par la prévention primaire par la vaccination et là nous n’avions pas encore parlé de facteurs de risque et le premier facteur de risque que l’on rencontre le plus souvent c’est le virus papillome humain ou HPV.

Il existe aussi un vaccin surtout pour les jeunes filles qui ne sont pas encore entrées en contact avec le virus, celles qui ont 9, 10, 11 ans. En deuxième position nous avons le dépistage, une maladie qui peut évoluer sur une période de 10 à 15 ans en fonction de l’individu et de son immunité, le dépistage va permettre de réduire le nombre de cas. Et si ces deux principes sont bien respectés, cela va permettre d’observer zéro cas de cancer du col de l’utérus.

C’est parce que toutes ses pratiques ne sont pas respectées qu’on assiste au développement du cancer du col de l’utérus avec beaucoup de stades avancés. Et c’est pour cette raison qu’on dit que c’est un cancer des pays pauvres. Il est donc important que nous puissions renforcer les efforts qui sont déjà faits dans ce pays. Vous aussi les journalistes donnez l’information pour que les femmes puissent adopter ce système de lutte contre le cancer du col de l’utérus.

Vous aviez parlé de vaccin… en avril 2022 le ministre de la santé avait lancé la vaccination contre le cancer du col de l’utérus, pourquoi on n’en parle plus ? Cette vaccination est-elle toujours d’actualité ?

Je peux juste dire que nous avions tous constaté la phase pilote à la phase de la mise en œuvre du vaccin HPV qui était vraiment mis en route mais nous n’avons plus eu d’informations jusqu’à à ce jour sur la poursuite donc de ce type de vaccin. Toujours est-il que beaucoup de femmes et de couples nous consultent pour avoir des informations afin de pouvoir faire vacciner leurs filles qui ont l’âge indiqué pour le vaccin.

Quels sont les facteurs de risque pour la survenue du col de l’utérus ?

Le premier facteur de risque c’est le virus papillome humain (HPV) qui est un virus responsable dans plus de 90% de la survenue du cancer du col de l’utérus. Il y a aussi les rapports sexuels répétés et surtout précoces, la muqueuse du col n’étant pas bien préparée et quand on sait que tout rapport sexuel est un microtraumatisme on se retrouve donc à avoir des risques de cellules de cancer. Il y a aussi le tabac qui est minime certes mais qui favorise donc la survenue du cancer du col de l’utérus.

Enfin il y a une prédisposition, lorsqu’une femme est infectée par le virus du VIH, on se rend compte que l’immunité baisse la durée pour atteindre le cancer du col qui était d’une dizaine d’années. Cette durée normale se rapproche parce qu’il y a une infection de VIH associée d’où l’importance pour les femmes qui sont atteintes du VIH de pouvoir s’inscrire dans un programme de dépistage. Le développement du cancer du col utérin chez ces dernières se fait très vite. Le dépistage permettra d’éviter de se retrouver avec des cas très avancés.

Vous aviez parlé d’âge…si une personne contracte le virus à l’âge de 20 ans, c’est à partir de 30 ans que la maladie se manifeste ?

Exact, si vous n’êtes pas infectés par le VIH, vous avez entre 10 et 15 ans pour développer la maladie si vous ne faites rien, voilà pourquoi il est important d’ajouter à la prévention, les rapports sexuels protégés en plus de la vaccination et le dépistage.

Est-ce qu’aujourd’hui au Burkina Faso on peut opérer les femmes atteintes du cancer du col de l’utérus ?

Aujourd’hui pour un cancer du col de l’utérus, on peut l’opérer s’il est opérable. Si la patiente n’est pas éligible pour l’opération ou pour la radiothérapie, il y a la chimiothérapie qui est notre spécialité. Mais le maillon manquant qui concerne la grande majorité des patientes atteintes du cancer du col de l’utérus, c’est la radiothérapie.

D’où une fois de plus notre cri de cœur pour que les autorités actuelles s’engagent le plus tôt possible pour aider ces femmes atteintes du cancer du col utérin et qui n’ont pas les moyens pour aller se faire soigner à l’extérieur mais qui ont l’indication de la radiothérapie à pouvoir le faire sinon elles finiront par mourir avec le temps à cause des complications qui vont survenir.

Vous aviez dit que lorsqu’on est au stade de lésions de cellules précancéreuses on peut guérir, mais lorsque la maladie se déclare est-ce qu’on peut guérir ?

Pour guérir du cancer du col il y a deux choses, la première c’est la découverte des lésions de cellules précancéreuses avec une guérison à 100%. Mais lorsque vous dépassez cette étape et qu’on est à un stade de cancer il y a deux situations aussi à savoir le cancer découvert au début et celui découvert à un stade avancé.

Lorsque c’est au début vous êtes éligible au traitement mais on ne peut pas parler de guérison, Puisqu’on doit après le traitement que vous aurez soit la chirurgie pour très peu de cas dans notre contexte, soit la radiothérapie couplée à la chimiothérapie ce qu’on appelle la radio-chimiothérapie concomitante où vous alliez avoir votre traitement et après vous serez dans un programme de surveillance où votre cancérologue vous surveillera sur une période de cinq ans.

Passé les cinq ans, votre cancérologue vous dira que vous êtes en rémission complète. Donc le terme guérison est surtout applicable au stade de lésions précancéreuses mais dès que le cancer s’installe, on fait attention avec le terme guérison en cancérologie. On parle plutôt après une période de surveillance de cinq ans, de rémission complète. C’est pour cela que nous incitons les femmes de plus 25 ans à s’orienter vers un programme de dépistage, à se protéger lors des rapports sexuels et les jeunes éligibles pour la vaccination contre HPV à ne pas hésiter à le faire.

Quel est votre dernier mot ?

C’est important donc que nous puissions ensemble nous engager dans la lutte contre le cancer parce que c’est un problème de santé publique. Une fois que vous avez un cancer, c’est toute une famille qui est triste. C’est l’inactivité, ce qui a une incidence économique. Pour terminer, il faut l’activité de notre centre de radiothérapie le plus tôt possible pour le bonheur de nos patients.

Car c’est une discrimination de voir que certains arrivent à se soigner hors du pays et la grande majorité n’arrive pas à le faire même s’ils avaient commencé leur traitement mais qui n’ont plus la possibilité de le terminer qui demeure incomplet. Et qui dit incomplet parle de rechute élevée ou de progression vers stades de métastase. Alors en ce moment on ne peut plus rien faire comme traitement curatif et la patiente n’aura que des soins palliatifs.

Propos recueillis par Rama Diallo
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