Actualités :: Burkina : Pour une meilleure année 2023 en trois points

Le retour des militaires dans leurs casernes, la reformer la défense nationale et l’ouverture d’un dialogue franc avec les communautés, c’est ce que propose Koudraogo Ouédraogo pour sortir le Burkina de son marasme actuel. Lisez plutôt.

L’année 2022 restera sans doute dans la mémoire de beaucoup de Burkinabè, la pire des années qu’ait connu notre pauvre pays depuis son indépendance. Au lieu de vous formuler des vœux pour l’année 2023, je vous propose plutôt ma solution en 3 points pour sortir le pays de son marasme actuel :

1/ Le retour des militaires dans leurs casernes

MPSR-1 ou MPSR-2, peu m’importe en réalité ; les militaires ne seront jamais à leur place à la tête de l’État, et aucune union sacrée des filles et des fils de ce pays ne sera possible tant qu’ils y seront. Une union de l’armée elle-même n’est pas possible, et vous savez ce que l’on dit des armées désunies ! Arrêtons donc le cirque !

Si les coups d’État ont été bons à une chose, c’est de nous avoir tous démontrer clairement que la faillite de notre armée n’était point imputable au président Roch, mais plutôt à l’armée elle-même, qui jusqu’à l’instant où j’écris ces lignes, est toujours dans le déni de sa propre situation ; et la détérioration de la situation depuis le départ de Roch le prouve, si le besoin en était.

Ce retour des militaires dans les casernes, doit s’accompagner de l’instauration d’une transition civile, dont le seul objectif sera de libérer le pays de la pègre terroriste. Que ce soit le MPSR1 de Damiba ou le MPSR de Traoré, chacun de ces régimes a prétexté de la situation sécuritaire pour usurper le pouvoir d’État ! Une fois au pouvoir, ils ont chacun perdu de vue la raison pour laquelle les burkinabè ont été tolérants de leur coup d’État pour vouloir s’attaquer pêle-mêle à de prétendus maux de notre société. Une dérive très dangereuse, que l’on peut résumer en la situation de l’aveugle qui veut en conduire un autre ! Le Burkina n’est autre que le pur produit de son armée qui accapare le pouvoir depuis 1966. Dans un tel contexte, que l’armée qui est elle-même, la plus corrompue, la moins patriotique veuillent se mettre au-devant de réformes est simplement d’un ridicule incommensurable !

Le CMRPN a reformé la Haute-Volta, puis, ce furent le CSP, puis le CNR, puis le Front populaire ! Que les militaires gardent leurs réformes, parce que les burkinabè n’en ont plus cure. Bref, nous aurons l’opportunité sans doute d’y revenir, mais pour l’instant, occupons-nous d’abord de sauver le pays. La crise que connaît le pays actuellement, a une et une seule source : l’insécurité ! C’est à cause d’elle que nous sommes en situation de régime d’exception. Il ne suffit pas de tordre le cou à la constitution, et d’aller prêter serment devant la cour constitutionnelle pour prétendre être président du Faso !

Il n’en est rien, si demain un djihadiste se trouvait plus fort que le groupuscule de soldat qui maintient Traoré au pouvoir, il ferait de même, prêterait serment devant la cour, et toujours, je ne le rencontrais point comme président du Faso. Je refuse, moi Koudraogo, d’être membre d’un clan de gorilles qui désigne son chef par combat, ou le plus fort domine ! L’insécurité est la raison pour laquelle certains de nos compatriotes ont perdu leur humanité pour devenir très comparables à des gorilles, et c’est donc elle qui doit être le commencement, le déroulement et la fin de toute transition valable aux yeux des citoyens.

L’incertitude à la tête de l’État ne profite qu’aux djihadistes. Nous l’avons vu en janvier après le coup de Damiba, puis en septembre après celui de Traoré. À chaque fois, nos ennemis ont gagné du terrain pendant que nos troupes étaient en état de flottement. Aujourd’hui, ils ont la presque totalité du territoire si l’on en croit certaines sources. S’en prendre à l’ambassadeur de France ne changera aucune donne sur le terrain !

Ouagadougou est bel et bien encerclée, et les récentes pénuries d’essence dans la capitale devraient inquiéter le gouvernement quant à les sécurisations des axes routiers qui permettent l’approvisionnement du pays. Faut-il attendre jusqu’au prochain coup d’État et ainsi donner l’opportunité aux djihadistes de se saisir de tout le territoire, ou faut-il anticiper et restaurer la continuité de l’État telle que voulue par la constitution ? La question ne se pose même pas pour les vrais patriotes. Nul ne peut être assis sur un siège éjectable, et consacré toute son attention à la lutte antiterroriste. Au moins, c’est une situation qui se résout assez facilement.

2/ Reformer la défense de notre nation

La question de la défense de notre pays, est une question qui se pose depuis un certain temps. C’est un sujet que j’ai moi-même évoqué à plusieurs reprises. Déjà en 2016, (Koudraogo Ouédraogo, 2016) je concluais que la menace la plus pertinente vis-à-vis de nos États, était celle d’une insurrection, d’une guerre civile, et que nos armées conventionnelles n’étaient pas équipées pour gagner ce type de guerre : les cas du Mali et du Nigeria, étaient à mon avis, des cas d’école. Aujourd’hui, la piètre performance de notre armée nationale face à l’insurrection djihadiste, vient renforcer cet argument !

Le Burkina, risque-t-il d’être attaqué par l’un de ses voisins ? Cela est plausible, mais reste presqu’impossible dans un contexte sous-régional marqué surtout par une intégration toujours plus avancée des pays de la CEDEAO.

Si le Burkina n’a pas de risque de se retrouver dans une guerre conventionnelle contre un autre pays, alors, il n’a pas besoin d’une armée conçue et entretenue uniquement dans ce but ! Le Burkina n’a pas besoin d’une armée lourdement armée de chars et de pièces d’artillerie et d’avion de chasse ! La menace contre le Burkina est d’un autre genre, et requiert une grande armée qui maintient la paix sur le terrain dans chacun des 8000 villages que compte ce pays. Parce que reconquérir le territoire, ce n’est pas chasser les djihadistes d’une localité. C’est aussi et surtout mettre des bottes sur le terrain pour empêcher tout retour de l’ennemi et permettre le retour des services de l’État. Tant que nous n’aurons pas compris cela, nous perdons notre temps.

Pour cela, il nous faut des soldats, et il nous en faut beaucoup : 125 000 à 250 000. Une armée légèrement équipée, parce que très mobile (Michael Shurkin, 2022) et en mesure de pourchasser l’ennemi jusque dans les terrains les plus hostiles aux moyens roulants conventionnels. Une armée hautement entraînée qui est en mesure de prendre le dessus 90 % du temps lorsqu’elle se retrouve en combat face à face avec l’ennemi. Une armée hautement motivée pour la cause de la nation. Une telle armée, on ne peut pas la payer ! Une telle armée ne peut pas venir de gens dont c’est le métier, de gens que nous payons pour effectuer un travail ! Une telle armée ne peut venir que de chacun de nous, citoyens, qui nous dévouons à la tache pour notre pays et non pour un salaire.

L’armée doit être un service, et non un métier ; un service que tout jeune burkinabè, femme comme homme est appelé à rendre à la nation ! Si chaque citoyen en âge est appelé à rendre service à la nation, alors nous n’avons plus besoin de volontaires et d’autres groupes d’autodéfense. Et il y a environ 5 millions de citoyens entre 19 et 34 ans au Burkina, en âge de servir.

Les VDP et autres groupes d’autodéfense étaient peut-être une bonne idée il y a quelques années lorsque le MPP et Roch les avaient conçus et promus. Le contexte national à évoluer depuis, et VDP et autres groupes ne sont plus vraiment une solution, en fait, ils sont même devenus une partie entière du problème dans beaucoup de cas. Il faut comprendre que les solutions ne sont pas immuables dans le temps. Les choses évoluent, et l’on dit que l’histoire ne se répète jamais. Alors, vouloir faire du Roch, après 4 ans, ou du Sankara 30 ans après sa mort, révèle simplement d’une turpitude.

Je ne soulignerai jamais assez la nécessité de bâtir une armée républicaine et citoyenne, une armée au service du citoyen. Une armée par et pour le citoyen, car celle que nous avons aujourd’hui ne mérite simplement plus d’être. C’est une bande de voyous armés et non une armée. C’est pourquoi elle échoue devant l’ennemi. C’est du reste pourquoi Wagner n’a eu aucun impact dans la lutte antiterroriste au Mali. Les nombreuses exactions des mercenaires, accompagnés par les FAMa n’ont provoqué que de la rancœur au sein des populations victimes. Nous le savons tous, depuis la prise du pouvoir par les militaires, la situation s’est empiré.

Pourquoi ? Parce que la lutte contre le terrorisme ne passe pas par les humiliations quotidiennes des populations (Rémi Carayol, 2023), cela ne fait que pousser les populations dans les bras des terroristes. Lorsque les FDS tuent autant de civils que les djihadistes, il n’est pas étonnant que les populations ne sachent plus à quels saints se vouer (Rémi Carayol, 2023).

Pour gagner contre le terrorisme, l’armée doit gagner les cœurs, les esprits et la confiance des populations (Michael Shurkin, 2022). Pourtant, tous les signes nous portent à croire que nous nous enfonçons comme les Maliens avant nous, dans une voie sans issue, avec une armée humiliée qui cherche à prendre sa revanche. Ce n’est pas ainsi que nous ramènerons la paix au Faso !

3/ Ouvrir un dialogue franc avec les communautés

Vous ne seriez pas étonné si je vous disais que le Burkina-Faso n’est pas le premier pays qui connaît une insurrection djihadiste. Avant le Burkina, en France, en Angleterre, en Belgique, etc., des jeunes femmes et hommes ont succombé aux charmes de la guerre sainte et on prit les armes contre leur propre pays.

Pour puiser dans mon expérience, le 7 juillet 2005, si je n’avais pris un congé ce jour-là, j’aurais bien pu être l’une des victimes de l’attentat sur la « circle line », entre Liverpool Street et Aldgate East à Londres. C’était mon itinéraire pour aller et venir du boulot.

Après le 7 juillet en Angleterre, une conservation que tout le monde savait difficile à tenir, s’est quand même tenue ! Une conversation avec la communauté musulmane ; avec les leaders de cette communauté.

Le Burkina, depuis le premier attentat islamique, est toujours dans le déni ! On répète à qui veut l’entendre qu’il ne s’agit pas d’un problème avec l’Islam. Pourtant, ceux qui meurtrissent les populations ne se réclament pas d’une autre religion ! On répète à qui veut l’entendre, qu’il ne s’agit pas d’un problème ethnique ! Pourtant, ceux qui meurtrissent les populations sont majoritairement Peulh ! Et bien sûr, les victimes de Yirgou, Tanwalbougou, Djibo, Nouna sont peulhs.

Bien sûr, des musulmans sont leurs victimes, mais cela n’empêche en rien que les auteurs eux aussi soit musulmans, dans leur entièreté. Bien sûr, des Peulhs sont leurs victimes, mais cela n’empêche en rien que les auteurs de ses actes odieux soient eux-aussi Peulh, dans une forte majorité !

Mais soyons clairs : tous les terroristes sont musulmans, et beaucoup d’entre eux soient peulhs ! Personne ne dira que tous les musulmans du Burkina sont des terroristes ! Que personne alors ne dise que tous les Peulhs le sont, puisque d’ailleurs, ils ne sont même pas la totalité des terroristes tandis que les musulmans le sont !

Quand je dis que nous avons un problème au sein de la communauté musulmane, je ne dis pas que la communauté musulmane est le problème ! Que l’on s’entende clairement ! La communauté musulmane a en son sein des brebis galeuses ; personne ne peut le nier. Nous avons donc un problème avec la communauté musulmane, ou si vous préférez, de la communauté musulmane émane un problème qui nous touche tous ! Voilà qui est dit. Que celui qui n’a pas compris relise, avant de me faire dire ce que je n’ai pas dit.

Si nous sommes d’accord sur mon précédent propos, il devient alors évident que toute solution à notre problème passe par la communauté musulmane. En effet, c’est bien au sein de la communauté musulmane que naissent, grandissent et se radicalisent ces jeunes djihadistes. Ces jeunes ne se radicalisent pas en écoutant le prêche d’un pasteur ou d’un prêtre. Ils se radicalisent en écoutant le prêche d’iman, eux-mêmes radicalisés. Ces prêcheurs de la mort sont bien connus dans la communauté. Ce fut le cas en Angleterre en son temps, où des imans ont assisté, impuissants à la radicalisation de jeunes gens.

C’est le cas aujourd’hui au Faso, où des imans assistent impuissants à cette même radicalisation, jusqu’à ce que les jeunes disparaissent pour rejoindre les bandes djihadistes. À ce moment, leur communauté et l’État auront manqué l’occasion de les sauver et cela est bien malheureux. Il est grand temps que les communautés et les forces de police établissent un dialogue franc et sincère qui permet d’arrêter la chaîne de radicalisation des jeunes, d’arrêter et de mettre en prison ses prêcheurs de la mort qui poussent les jeunes dans les bras des djihadistes.

Au Mali voisin, on a vu des responsables religieux sortir pour réclamer l’instauration d’un État islamique ! Au Burkina, les réseaux sociaux foisonnent de vidéos de dignitaires islamiques, qui font sans honte aucune, l’apologie des mouvements salafistes. Ces chefs religieux devraient être mis en prison sans ménagement. La communauté musulmane doit rejeter sans ambages le djihadisme, et dénoncer les prêcheurs radicaux qui existent en son sein ! Elle doit aussi livrer aux services sociaux, les jeunes en phase de radicalisation pour que ceux-ci s’occupent de leur déradicalisation. Autrement, c’est en vain que nous luttons.

Il n’est de l’intérêt de personne de nier que la communauté Peulh a des griefs envers l’État ! Il faut nouer le dialogue et aller à l’écoute de cette communauté, qui a tort ou a raison ne trouve plus ou pas son compte dans la nation que nous essayons de bâtir (Le Monde Afrique, 2017). Le tout militaire ne suffit pas. Le programme d’urgence pour le Sahel doit être pleinement exécuté. Les populations et communautés bénéficiaires doivent y être associées afin de restaurer l’État aux yeux de ces communautés qui ne croient plus en lui.

La décentralisation devrait être accélérée, pour justement permettre aux populations de résoudre localement leurs problèmes au lieu de tout attendre d’un État central. Les jeunes Peulhs qui dynamitent écoles et dispensaires, seraient sans doute moins enclin à le faire s’ils étaient plus impliqués dans la création et dans la gestion de ceci, suivant des normes qui satisfassent les croyances et traditions des uns et les règlements et lois de l’État de droit.

La cohésion sociale ne peut exister que là où la vérité et la justice existent. Plus, nous refusons de nous parler franchement, plus nous refusons de reconnaître que notre communauté musulmane a un problème de radicalisation et plus nous mettons cette cohésion sociale en danger !

Koudraogo Ouedraogo
Blog : https://koudraogo.blog/

Références
Koudraogo Ouedraogo, Réformes de l’armée : Et si nous supprimions l’armée ?
16 Septembre 2016, https://koudraogo.blog/2016/09/10/reformes-de-larmee-et-si-nous-supprimions-larmee/

Michael Shurkin, Strengthening Sahelian Counterinsurgency Strategy, 25 Juillet 2022, https://reliefweb.int/report/mali/africa-security-brief-no-41-strengthening-sahelian-counterinsurgency-strategy

Le Monde Afrique, Burkina Faso : confessions d’un ancien djihadiste, 10 décembre 2017, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/12/10/confessions-d-un-djihadiste-du-burkina-vu-ce-que-font-les-forces-de-securite-a-nos-parents-je-ne-regretterai-jamais-leur-mort_5227587_3212.html

Rémy Carayol, Le mirage sahélien : la France en guerre en Afrique, La Découverte, 2023

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