Actualités :: MPSR II, 100 jours de ballotage défavorable : Apollinaire Joachim Kyelem (...)

Mohamed Traoré dresse, dans cette tribune, un bilan peu reluisant des cents jours de pouvoir du président Ibrahim Traoré.

Le Burkina a frôlé un troisième coup d’Etat en un (01) an, ce 30 décembre 2022. En effet, pendant qu’un mouvement d’humeur de soldats était signalé dans la garnison de Pô en fin de matinée, un renforcement exceptionnel du dispositif de sécurité en début d’après-midi était visible autour de la primature, devenue le bureau du Président de la Transition, ainsi qu’à proximité de sa résidence officielle et des studios de la Radiodiffusion télévision du Burkina (RTB). Au même moment s’achevait un conseil des ministres auquel n’a pas pris part le capitaine Ibrahim Traoré que les rumeurs annonçaient absent de Ouagadougou.

Quelque quarante-huit (48) avant ces mouvements de troupes, le parquet militaire a communiqué qu’il instruisait un dossier de tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat impliquant le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, arrêté la veille dans une ambiance de contestation de certains de ses partisans à Pabré. Avant lui, Aristide Zoungrana, le président du Rassemblement des patriotes pour le renouveau (RPR), a été lui aussi arrêté ainsi que deux (02) autres soldats, présumés proches de l’ex-président, Paul-Henri S. Damiba.

Pénurie de produits pétroliers, attaques terroristes et massacres sur la base du faciès

Toutes ces arrestations se sont déroulées dans un contexte de pénurie de carburant et de gaz butane qui a mis les nerfs des Burkinabè, particulièrement des Ouagavillois, à rude épreuve dans les queues interminables devant les essenceries et les magasins de dépôt de gaz butane. Pendant ce temps, les groupes armés terroristes se faisaient menaçants dans les localités environnantes de Kaya et de Yako, dans le Centre-nord et le Nord, entrainant hélas d’autres errements de personnes déplacées internes.

La récente attaque terroriste du 25 décembre 2022 sur l’axe Fada N’Gourma-Kantchari, dans la région de l’Est et le massacre de pauvres populations civiles (soupçonnées de pactiser avec les terroristes probablement à tort) survenu le 30 décembre 2022 à Nouna (Kossi/Boucle du Mouhoun), pour ne citer que ces deux (02) cas, ont fait au moins trente-huit (38) victimes civiles ; parmi lesquelles, des citoyens et citoyennes qui ont « payé » pour le faciès dans ce qui s’est passé à Nouna.

Une diplomatie spectaculairement puérile

Tous ces faits confirment malheureusement la situation ‘’déjà alarmante, volatile et très précaire’’ dont a fait état le cardinal Philippe Ouédraogo dans son message de Noël et donnent des indications qui confirment les préoccupations du système des Nations unies au Burkina. Ces préoccupations ont valu que le secrétaire général adjoint chargé du Département de la sureté et de la sécurité (UNDSS), Gilles Michand, ordonne le 22 décembre dernier, l’évacuation du Burkina des membres éligibles des familles du personnel du système des Nations unies. Cela signifie que le Burkina, cent (100) jours après l’avènement du MPSR II, est temporairement placé par l’ONU à un niveau 3 sur une échelle de 4 en matière d’alerte sécuritaire.

L’expulsion de madame Barbara Manzi, ci-devant coordonnatrice du Système des Nations unies au Burkina est venue confirmer les tendances à la dérive d’une diplomatie qui, depuis le 30 septembre 2022, est en mode spectacle. En effet, avant l’application illégale et inopportune de la doctrine de ‘’persona non grata’’ contre madame Barbara Manzi, on a noté le rappel de l’ambassadeur du Burkina au Ghana, l’expulsion de deux (02) Français soupçonnés d’être des espions, la suspension des émissions de RFI, le voyage en tapinois du Premier ministre Apollinaire Joachim Kyélem en Russie et la demande de rappel de l’ambassadeur français Luc Hallade par la diplomatie burkinabè.

Les errements d’une gouvernance préjudiciable à tous

Sur le front social, le refus de l’Union d’action syndicale de s’associer à l’ « effort de guerre » décrété par le gouvernement, la grève des transporteurs des produits pétroliers, le rejet par l’Assemblée législative de transition du projet de loi sur le code du travail et de celui sur la ‘’dépolitisation de l’administration’’, la publication très tardive et au compte-gouttes des concours de la Fonction publique sont des signaux forts des errements du gouvernement Joachim Kyélem.

Il y a une insuffisance de dialogue social, une mauvaise maîtrise de la philosophie administrative, une indolence dans la coordination de l’action gouvernementale, marquant ainsi un net recul dans le suivi des projets publics, l’approvisionnement des marchés en produits de première nécessité et énergétiques. Cela favorise les ruptures récurrentes et l’inflation non maîtrisée, 19 %, la plus sévère dans la zone UEMOA.

En matière de bonne gouvernance, le volontarisme du président de la transition, chef de l’Etat, et l’offensive visible de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE /LC) sont entachés par les affaires des 400 millions non parvenus aux VDP, les 350 millions volatilisés à la police de l’aéroport, les difficultés à auditer le ministère chargé de la défense, l’opacité des négociations présumées avec l’entreprise privé de sécurité russe Wagner, etc. L’image d’intégrité du président Thomas Sankara dont veut se revêtir le nouveau pouvoir est quotidiennement altérée et la refondation des institutions républicaines reste un vœu pieux.

100 jours marqués par un « néo-anti-impérialisme » aux contours religieux suicidaires

Au total, les cent (100) premiers jours du capitaine Ibrahim Traoré à la tête de l’Etat ont été marqués par une euphorie puérile de certains groupes de jeunes anti-occidentaux, particulièrement anti-français. La volonté de diversification des pays-partenaires, véritable épouvantail souverainiste, a conduit à une diplomatie non conciliante, à la limite de la légalité avec le droit international.

La victoire de l’armée dans la bataille de Solenzo dans les Banwa ne doit pas cacher la triste réalité d’un pays dont les villes sont en train d’être assiégées par les groupes armés terroristes (GAT) qui règnent quasiment en maîtres dans les campagnes tandis que les arrestations pour atteinte présumée à la sureté de l’Etat ne contribuent pas à la cohésion des forces armées. Pire, des discours frappés d’intolérance et aux accents religieux tenus parfois par des leaders religieux de premier plan qui expriment péremptoirement leur soutien au président du MPSR pourraient donner lieu à des conflits politico-interreligieux. Dans un tel contexte, le sursaut national tant recherché ne peut que demeurer timide sinon chimérique.

Un mauvais casting dans le choix du Premier ministre

La réconciliation nationale, l’appel au désarmement volontaire des GAT lancé sous le président Damiba, le retour des exilés politiques, les élections de sortie de la transition… semblent être renvoyés aux calendes grecques au profit du tout militaire face à cette crise sécuritaire. Les insuffisances criardes dans la coordination de l’action gouvernementale auxquelles s’ajoutent un dilettantisme dans le traitement des dossiers et une cachoterie communicationnelle ne permettent pas une visibilité des perspectives sur ces questions importantes, ni sur les grandes orientations de l’Etat en rapport avec l’avenir du pays. Il y a donc eu un mauvais casting dans le choix du chef du gouvernement dont l’étoffe et l’énergie nécessaires pour redresser la barre gouvernementale sont quasiment inexistantes. Au président Ibrahim Traoré d’en tirer les conséquences de droit et de fait ! S’il en a le pouvoir et la volonté.

Mohamed TRAORE

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