Actualités :: Burkina : Les dessous de la demande d’extradition de M. François Compaoré, (...)

Par cette tribune parvenue à notre rédaction, Moustapha Tiendrébéogo revient sur le dossier Norbert Zongo et s’attarde sur ce qu’il croit être « les dessous de la demande d’extradition de M. François Compaoré ». Nous vous proposons ci-dessous, l’intégralité de son analyse.

Ce qu’il faut savoir sur la demande d’extradition de M. François Compaoré émise depuis octobre 2017 par le Burkina Faso à la France.

Monsieur François Compaoré est, faut-il le rappeler, le frère cadet du Président Blaise Compaoré qui a dirigé le Burkina Faso de 1987 à 2014. Son lien de sang avec son grand frère est le « crime » qu’il a commis, car c’est ce qui lui vaut le courroux, l’inimitié et la vaste et machiavélique campagne de dénigrement orchestrée contre lui depuis le 13 décembre 1998, date à laquelle, Norbert Zongo et ses trois compagnons d’infortune ont été assassinés en rase de Sapouy.

Politiquement, l’assassinat d’un journaliste aussi célèbre que Norbert Zongo juste un mois après la brillante réélection de Blaise Compaoré, et à une semaine de son investiture qui devait avoir lieu devant un parterre de Chefs d’Etat, est un non-sens. Or, les frères Compaoré sont connus pour leur sens politique inné, leur qualité de stratèges et leur légendaire prudence de Sioux. Par conséquent, ils ne peuvent être ni concepteurs, ni les commanditaires de cet odieux assassinat.

Certains de leurs proches avouent aujourd’hui que les écrits de Norbert Zongo étaient un vrai baromètre pour les frères Compaoré, car ses investigations permettaient de mettre à nu certaines dérives du régime. Ils en avaient besoin en dirigeants avisés pour recadrer les fautifs et améliorer la gouvernance du pays. La preuve qu’ils « encourageaient » ce type de journalisme, aucun Burkinabé n’a été emprisonné pour ses idées ou pour avoir exprimé ses opinions, ni avant ce lâche assassinat, ni après.

Pour revenir à l’assassinat de Norbert Zongo, l’hypothèse la plus plausible retenue par la commission d’enquête, semble être celle d’un acte isolé, une initiative de quelques éléments zélés du Conseil de l’Entente, dans le but de faire taire un journaliste qui les empêchait de dormir, du fait d’une bavure dont ils étaient l’auteurs et qui avait coûté la vie au chauffeur de François Compaoré.

En effet, Norbert Zongo écrivait sur la mort de suites de tortures de ce chauffeur au départ accusé de vol chez les Compaoré, et par la suite d’une supposée tentative de coup d’Etat. Sans nul doute qu’ils pensaient en plus rendre service au pouvoir parce qu’ils estimaient qu’il gênait le système. Ils n’avaient visiblement pas le bagage politique pour comprendre que non seulement, ce n’était ni le moment, ni la manière , mais que Norbert Zongo était même très utile pour le système …

Cette thèse tout à fait plausible est bien connue des commanditaires de la campagne d’intoxication contre M. François Compaoré. Mais, voyant en François Compaoré un potentiel successeur de son frère. , ils ont sauté sur l’occasion inespérée pour tenir son image, le jeter en pâture à l’opinion publique afin de le mettre hors-jeu dans la course à la succession. L’absence d’une communication appropriée sur le sujet a fait le reste.

Heureusement que les journaux tels que l’Opinion de Issaka Lengani et l’Hebdo de Zephirin Kpoda étaient-là pour donner un son de cloche différent, plus équilibré et plus pertinent que celui des organes de presses acquis, et qui écrivaient systématiquement des articles à charge contre M. François Compaoré.

A ce stade, il est important de rappeler certains faits marquants qui montrent le caractère politique de la demande d’extradition de M. François Compaoré.
Face à la pression de la rue, le pouvoir pour montrer sa bonne foi, a mis en place une commission d’enquête indépendante pour mener les investigations sur l’assassinat de Norbert Zongo en lieu et place d’un simple juge d’instruction.
Monsieur François Compaoré a été entendu comme témoin. Tous les témoignages disent qu’il est celui qui a été le plus « cuisiné » par la commission.

Il a été ainsi entendu par deux fois des heures durant, pour au bout du compte ressortir sans aucune charge. On peut être certain que ce n’est pas faute d’avoir cherché, car Robert Ménard, secrétaire général de Reporters Sans Frontières, qui était membre de la commission, s’était fait fort d’épingler François Compaoré, pour justifier ainsi ses prises de positions farouchement hostiles au Président Compaoré.
La commission d’enquête et le juge d’instruction ont produit plus de 560 procès-verbaux. Ils ont entendu Monsieur François Compaoré par deux fois, et n’ont rien retenu contre lui, faute de faits à charges.

En 2015, suite aux événements de octobre 2014, le dossier Norbert Zongo, qui était frappé par la prescription après le non-lieu accordé au seul inculpé dans la procédure, est rouvert par le président de la Transition, Michel Kafando, par le truchement du « fait du prince ».

Une demande d’extradition est envoyée par l’État burkinabè à la France. M. François Compaoré est arrêté en octobre 2017 à Paris, à l’aéroport Charles De Gaulle en provenance d’Abidjan, où il avait dû s’exiler pour échapper aux meneurs du coup d’Etat qui avait renversé son frère, et qui ne faisaient pas mystère de leur désir de lui mettre la main dessus, pour des règlements de comptes. En coulisses, il se dit que c’est suite à une interview qu’il aurait accordé à Jeune Afrique que la demande d’extradition a été lancée pour le contraindre au silence, et aussi le tenir loin de son frère qui est à Abidjan, et donc loin du Burkina Faso.

Pourtant, conforment aux termes de l’accord de coopération judiciaire entre le Burkina et la France, vingt jours après une demande d’extradition, les documents et preuves qui étayent le dossier judiciaire devraient être transmis à la France. Six mois après la demande d’extradition, le juge d’instruction français n’avait reçu aucun élément pour soutenir la demande d’extradition, car le dossier était vide. Il aura fallu de multiples rappels de l’administration judiciaire française, avec des reports d’audiences à la demande de l’Etat du Burkina Faso, et des délais complaisants accordés par le juge pour lui permettre d’apporter des réponses à ses interrogations, pour arriver à un verdict pour le moins tiré par les cheveux.

Entre temps le président français, Macron en visite officielle au Burkina avait publiquement fait la promesse aux autorités burkinabè, par l’entremise des activistes qui ont pris le dossier en otage, que la France ferait tout son possible pour satisfaire leur vœux. Incontestablement, cette déclaration va peser lourdement sur la procédure, au point qu’il était devenu évident que la justice faisait tout pour donner satisfaction à Macron.

Le fait le plus ubuesque aura été que le juge français se déclare incompétent pour statuer sur un faux en écriture du juge burkinabè, qui a falsifié des procès-verbaux d’audition de témoins, alors qu’il va justement se fonder sur les déclarations de ce même juge pour se prononcer sur la demande d’extradition. La suite on la connaît : la chambre de l’instruction a rendu, tout naturellement, un avis favorable à l’extradition, la Cour d’appel saisi a botté en touche et la Cour de cassation a poursuivi dans la même logique.

Devant les évidences d’une décision politique de la justice française pour servir les intérêts de l’Etat français, qui avait des difficultés face aux activistes qui ont pris le dossier en otage, et qui étaient au cœur du pouvoir, François Compaoré a dû se résoudre à porter l’affaire devant le Cour européenne des droits de l’Homme.
On est en droit d’espérer que le droit y sera enfin dit, car ce déni de droit n’a que trop duré et n’honore ni le Burkina Faso, ni la France qui se retrouve à jouer dans la cour des républiques bananières.

Cerise sur le gâteau du mensonge et de la délation, le seul témoin qui prétendait avoir des preuves de l’implication de M. Compaoré dans l’assassinat de Norbert Zongo, le sieur Didas Yaméogo, un repris de justice du reste, s’est rétracté. Il a avoué dans les colonnes du journal le Courrier Confidentiel numéro 212 du 25 septembre 2020, un des journaux d’investigation les plus crédibles du Burkina Faso, avoir été appâté par la somme de 50 millions pour son faux témoignage à charge contre M. Compaoré. Il décrit le manège dans les moindres détails avec des faits pouvant attester de la véracité de ses propos.

Ainsi, c’est pour n’avoir pas reçu la totalité du montant promis, et aussi peut-être par acquis de conscience, que Monsieur Yameogo a décidé de se rétracter et de libérer sa conscience. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Autre fait troublant, courant avril 2015, soit 6 mois après les événements des 30 et 31 octobre 2014 le domicile de M. Compaoré à été scellé pour les besoins de l’enquête. Sachant que la maison a été vandalisée, pillée et transformée en musée après le 31 octobre 2014. Pourtant, c’est dans ce domicile que des nouvelles preuves semblent avoir été trouvées. Vraiment ridicule.

Six ans plus tard, et en l’absence de preuves irréfutables, M. François Compaoré n’est toujours pas libre de ses mouvements. Quelle injustice. C’est le comble du paradoxe quand on sait que ce déni de droit se déroule en France, la patrie des droits de l’hommes.

Vous l’aurez tous compris, la cabale médiatico-politico-judiciaire montée contre M. François Compaoré depuis 24 longues années, a pour seul et unique but, de l’écarter de la scène politique burkinabè. Rien d’autre ! Tout autre argument relève de l’affabulation.

Ce qui est profondément dommage et regrettable, c’est que des organisations de défense de droits humains ont fait de l’affaire Norbert Zongo un Fonds de commerce. Au regard de la grave crise que traverse notre pays du fait de l’insécurité, l’heure devrait être à la recherche de l’unité et de la cohésion nationale. Le MPSR 2, pour accroître ses chances de succès dans la gestion du pays devrait faire de l’unité nationale la seconde priorité, après les questions sécuritaires. Car, il sera difficile, voire impossible de vaincre l’hydre terroriste dans la division, la haine, les rancœurs et les règlements de comptes …

Moustapha Tiendrébéogo

Un authentique et impartial militant soucieux de la promotion équitable des droits humains.

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