Actualités :: Capitaine Ibrahim Traoré, président du Faso : Et si la remise à plat des (...)

Refondre tous les partis politiques et réécrire les textes pour aboutir au maximum à deux ou trois partis équilibrés au Burkina Faso. Le cas échéant, il faut mettre des barrières pour qu’on n’ait pas une pléthore de partis politiques. C’est ce que propose Dr Dibi Millogo, par ailleurs écrivain, dans cette tribune. Pour lui, cela comporte des avantages.

Tout Burkinabè digne épris de paix et soucieux de l’avenir de ce pays était au moment de votre prise de pouvoir dans une foison d’émotions et de sentiments où la déception se mêlait à l’espoir : découragement et encouragement cadencés dont on ne sait lequel prend le pas sur l’autre, sentiment de révolte et de résignation qui s’entrechoquent, colère qui s’évanoui parfois dans l’impuissance. Entre l’amour tous azimuts et la vengeance pure, on a l’embarras du choix.

Pour les honnêtes citoyens, la grande majorité des Burkinabè, les questions déferlaient, se succédaient et se répétaient : Qu’est-ce qui arrive à mon pays ? Allons-nous nous en sortir ? Comment ? A quel prix ? Sommes-nous maudits ? L’insécurité récurrente qui sévit, est-ce juste une épreuve pour nous montrer la vraie voie ? Y a-t-il un homme-providence où une nation providentielle qui viendra nous sortir de cette situation ? L’homme providentiel est-il le capitaine Traoré ou faut-il attendre encore ?

Burkinabè, le capitaine Traoré Ibrahim ne peut pas être la solution sans toi
A ces questions, je réponds nettement : « Et si c’était notre dernière chance ? Et si cet homme providentiel c’était toi ? Que ferais-tu ? Et si cet homme providentiel c’était aussi l’autre, et si c’était nous ? Ce sont les grandes questions que chacun doit se poser maintenant. Pour sûr, individuellement ou collectivement, nous constituons la solution. Oui, la solution est en toi qui aimes ce beau pays, la solution est là, implacable, en chacun de nous, collectivement ou individuellement.

Je ne connais vraiment pas le capitaine Traoré, même si je salue son courage, sa bravoure. C’est peut-être bon - bien loin de moi l’idée d’encourager les coups d’Etat, même « légalisés » par le Conseil constitutionnel - mais, comme cela se dit au Burkina Faso, ce n’est pas arrivé. Le capitaine Traoré ne peut pas être la solution sans toi. Si chacun de nous ne décide, avec lui, d’être la solution, la deuxième phase du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR2) peut venir avec les meilleures intentions mais ne pourra pas faire grand-chose.
Allons-nous encore rater une opportunité dont le monde peut être fier ?

Depuis l’insurrection populaire de 2014 nous sommes en train de rater occasion sur occasion d’affirmer notre identité de peuple spécial, de peuple authentique et, surtout, d’hommes intègres, travailleurs et courageux. Nous tournons en rond sans vraiment bouger positivement. Trop c’est trop, nous ne pouvons pas nous permettre de rater encore cette opportunité.

Je vous entends vous demander : « De quoi parle-t-il ? On est en crise et il parle d’opportunité ! » Oui, cette crise est la énième opportunité que le Dieu d’Amour nous donne pour que nous puissions redevenir le pays des hommes intègres avec tous les attributs qui vont avec. Opportunité de vaincre le terrorisme et d’unir les filles et fils du Burkina Faso dans un élan de patriotisme et de construction véritable d’un Etat-nation. Opportunité de nous rendre compte de notre richesse et de nous y concentrer au lieu de tendre la main en permanence. Opportunité de faire le nettoyage en nous pour révéler l’homme intègre que les autres nations veulent bien admirer. Enfin, opportunité d’instaurer une gouvernance vertueuse à tous les niveaux de l’administration privée et publique y compris l’armée.

Nous pouvons relever les défis, pour peu que nous nous donnions vraiment à fond
Le déterminant pour relever ces défis n’est ni l’ethnie, ni la religion, encore moins l’âge : c’est juste la capacité pour le premier responsable de fédérer les énergies vers un objectif commun, en l’occurrence la défense de l’intégrité du pays.

Alors mon Capitaine, il faudra être irréprochable, il faudra que vous ayez le courage de manager par l’exemple. Il ne s’agira pas de dire aux gens d’aller dans un sens pour vous retrouver vous-même à l’opposé. Vous devrez être un Président d’une droiture sans égal, l’incarnation de toutes les valeurs d’intégrité qui caractérisent le Burkinabè authentique. Vous devrez être un Président qui n’ait pas peur de sanctionner quiconque ose aller à l’encontre des principes édictés : un fautif, fusse-t-il un membre du gouvernement ou un proche du capitaine Traoré, devrait être puni comme tel. La loi et la justice doivent être les mêmes pour tous. Ce dont les Burkinabè ont besoin, c’est de quelqu’un qui montre l’exemple, le bon exemple et ils suivront. Je ne suis pas en train de dire que c’est facile ou que ça sera facile. Non ! Ça sera difficile et même très difficile, mais cela est à votre portée.

Votre mission mon Capitaine : restaurer l’intégrité du territoire national
Si l’on demandait à chaque Burkinabè de définir la mission de la transition, tous répondraient en cœur : LA SECURITE, L’INTEGRITE DU TERRITOIRE. C’est sans doute pour cela que vous êtes là. C’est l’espoir placé en votre capacité à restaurer l’intégrité du territoire national qui a conduit les Burkinabè à faire une deuxième insurrection pour soutenir votre coup d’Etat.

Il ne fait aucun doute que pour cette deuxième phase du MPSR, comme pour la première, la priorité des priorités est la sécurité : faire en sorte que nous puissions reconquérir l’intégralité du territoire et que l’ensemble des populations puisse vivre en paix. Ceux qui seront les acteurs majeurs de cet exploit devront indubitablement être élevés aux rangs de héros nationaux à jamais. Ce seul résultat peut, en réalité, contenter les Burkinabè dans leur grande majorité.

Mon Capitaine, il semble que la mal-gouvernance soit l’une des causes de notre crise sécuritaire

Mais, pour dire vrai, si nous nous contentons de reconquérir l’intégralité du territoire national, nous n’avons aucune garantie que nous ne tombions dans la situation de départ ou une crise du même genre : les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Et les causes de cette crise sont multiples et multiformes, mais j’estime que si nous nous attaquons à la mal-gouvernance, si nous travaillons à retrouver notre intégrité d’antan en développant notre patriotisme, la pauvreté peut reculer, le bon-vivre-ensemble peut s’inviter à notre table, la solidarité peut s’instaurer et, dans l’union et la solidarité, nous pourrons régler le problème du chômage avec plus d’équité dans le partage des ressources de notre pays - parce que le chômage est l’autre bombe qui nous attend au tournant.

Le problème de la mal-gouvernance, l’un des ferments de la crise actuelle, est que certains pensent être des privilégiés qui ont droit à tout, même à ce qu’ils ne devraient pas avoir, pendant que les autres, la grande majorité, est laissée pour compte. Ce problème, quand il atteint son summum, emporte à la fois et les privilégiés et les laissés-pour-compte. Le problème de la mal-gouvernance, j’insiste, est que personne ne peut échapper au déluge, les plus futés comme les plus doctes, les plus riches comme les plus pauvres. Il est donc inutile de s’enfermer dans une bulle et de croire que « ça n’arrive qu’aux autres ». Si vous pensez être le seul illuminé digne des bienfaits de l’opulence dans un océan de misère, détrompez-vous : c’est peut-être juste pour un moment, le temps pour les ‘’ misérables ‘’ de dire : « Non, ça suffit ! » Et cela suffira pour vous confondre à la misère vous aussi, si vous avez la chance de vivre.

Contre la mal-gouvernance, je ne demande pas de faire la chasse aux sorcières qui serait un autre problème aux conséquences incalculables. Mais nous pouvons prendre un bon départ en trouvant des mécanismes pour que l’argent et les biens mal acquis soient redistribués autrement. Plus jamais, nous ne devrons permettre l’impunité.

Et si notre organisation politique était également le ferment de la mal-gouvernance, mon Capitaine ?

Pour dire vrai, c’est une question sensible, et je n’ai l’intention ni de juger ni de blesser quiconque. Je sais qu’il s’agit aussi d’une question hautement d’intérêt pour des individus et pour des groupes d’individus que je voudrais vraiment respecter. Mes propos ne sont juste guidés que par l’intérêt général, et là aussi, en tant qu’humain, je peux me tromper. C’est pourquoi, je présente mes excuses par avance si je heurte des sensibilités.

Cependant, notre contexte politique est marqué par près de deux cent partis dont quelques-uns font et contrefont les alliances, peu importe qu’elles soient bien à propos ou contre-nature, pourvu qu’ils aient l’argent, le pouvoir ou les deux. Quand on perd les élections ou quand on sent le vent du changement venir, on démissionne d’un parti pour aller en créer un autre, soutenu par un ou plusieurs milliardaires et par des hommes du pouvoir du moment. Ou encore on part faire allégeance à un autre parti qui semble plus avoir le vent en poupe ; sans compter que chaque parti peut avoir son ou ses OSC (Organisation de la société civile) qui crieront à tue-tête pour le défendre contre vents et marées à tort ou à raison. Et après, on dira que c’est comme ça la politique : oui, la politique qui sert nos intérêts égoïstes, mais pas la politique au sens noble du terme qui a pour ambition le développement de la cité. Cette pratique n’honore ni la politique ni le politique.

Ou alors, même quand on gère le pouvoir politique, on crée un parti satellite « au cas où… » Ces pratiques rendent impossible toute stabilité politique véritable. Pire, un tel système montre que personne ne vise un idéal pour son pays mais plutôt pour sa propre personne. Ce même phénomène va influencer toute l’administration et, malheureusement, même l’armée et la justice comme c’est le cas maintenant. Quand on en arrive à la politisation de l’administration, le mal devient si profond qu’il faut des mesures draconiennes pour en arriver à bout. Le fait est qu’aujourd’hui, on gouverne non par l’éthique ou la déontologie du métier, mais juste parce qu’on a un « grand haut placé », qu’on est protégé depuis là-haut quelles que soient les gaffes qu’on commette.

Alors bonjour la mal-gouvernance avec toutes ses conséquences dévastatrices : les bonnes personnes ne sont plus à la bonne place, les répartitions de nos biens ne respectent plus les normes d’équité ; ainsi, là où notre constitution prône l’égalité pour tous, on voit naitre des privilégiés, des laissés-pour-compte aussi, l’injustice devient criarde, l’homme commence à se méfier de son frère, puis à le craindre et ensuite à le prendre pour ennemi et, enfin, vient un jour où le frère prend l’arme contre son frère. Voilà où l’on peut arriver, que dis-je, voilà là où on en est.

Refonder les partis politiques et créer deux (02) à trois (03) grands partis politiques me semblent un mal nécessaire, mon capitaine

C’est pourquoi, il nous semble que cette façon de mener la politique de multipartisme tous azimut ne nous arrange pas, tout comme le parti unique d’ailleurs. Notre proposition est de refondre tous les partis politiques et de réécrire les textes pour aboutir au maximum à deux ou trois partis équilibrés au Burkina Faso. Le cas échéant, il faut mettre des barrières pour qu’on n’ait pas une pléthore de partis politiques, parfois aussi nuisibles qu’inutiles.

Cela aura pour avantages d’occuper les politiques à un travail de réflexion intellectuelle nécessaire et utile en cette période de transition, d’éviter que les autorités de la transition ne prennent position pour telle formation politique, puisqu’elles ne savent pas à l’avance quelle sera la configuration de ces deux ou trois nouveaux partis. Cela pourrait également éviter le nomadisme politique qui vide la politique de sa noblesse.

L’autre gros avantage de cette refondation des partis politique est qu’il permet d’éviter que des partis se sentent vainqueurs ou vaincus. Il ne faudra pas qu’on donne l’impression qu’un camp a pris le dessus sur l’autre, sinon les perdants vont avoir tendance à toujours se venger et ce sera un cercle infernal.

Le corollaire est que, si ces principes étaient respectés, la réconciliation commencerait de fait puisque les ennemis d’hier devront travailler côte à côte et pourraient se retrouver, dans le futur, dans un même nouveau parti. La limitation du nombre de partis politiques permettra de mieux assainir la vie politique, de sorte que ceux-ci aient des programmes plus conséquents et une plus grande activité sur le terrain. Elle permettra aussi à certaines personnes dites « vertueuses » de s’y intéresser car, ainsi, même des intellectuels d’un certain niveau (qui ont été juste dégoutés de cette manière peu recommandée de faire la politique) pourront faire leurs armes dans les partis politiques.

Cette limitation règlera de facto, la limitation du nombre des « Organisations de la Société civile (OSC) » créées et installées par des politiques et partis politiques
Les forces armées, pendant ce temps devront se concentrer sur la guerre car ils n’ont pas à travailler discrètement pour tel parti ou tel autre. Leur rôle, durant cette période de transition, est de conquérir l’intégralité du territoire aider à asseoir un jeu politique plus sein pour les élections à venir et assainir le jeu politique avec une certaine stabilité.

Il s’agira aussi d’entamer la dépolitisation et la réforme progressive de l’armée avec des carrières suffisamment claires et stables pour nos forces armées. En fait, il s’agira de faire de notre armée, une vraie institution républicaine qui n’envie plus le pouvoir politique mais entièrement consacrée à la protection et à la défense de la patrie.

Si entre-temps, vous voulez dépolitiser l’administration, ce sera véritablement salutaire pour un pays qui veut se mettre sur la voie du développement

Vous voulez dépolitiser l’administration ? L’effet devrait être positif sur la bonne gouvernance. Il ne s’agit pas de remplacer l’équipe des uns par l’équipe des autres. Cela ne nous fait pas avancer mon capitaine. Il s’agit d’un éternel recommencement un peu trop luxueux pour notre pays et son administration. Ce qu’il faut, c’est de faire en sorte que les postes de Directeur généraux et les autres fonctions stratégiques ne soient pourvus que sur la base de concours, avec des contrats d’objectif que l’on évalue à mi-parcours et en fin de contrat pour décider de l’éventualité de leur renouvellement. Seules les compétences (et non le parti ou le clan auquel l’on appartient) ne doivent compter Cela aidera à avoir une stabilité dans l’administration et permettra le développement que nous attendons de tous nos vœux.

Enfin, il faudra demander au peuple de se mettre au travail. Oui, le travail mon Capitaine, le travail et encore le travail intelligent et bienfait.

Si entre-temps vous deviez tout oublier, je voudrais juste que vous vous rappeliez une ancienne chanson du chanteur Alpha Blondy qui disait ceci : « O bi tԑgԑrԑ fᴐ k’i layԑlԑ sãfԑ, ka tԑgԑrԑ fᴐ k’i lajigi ». Pour dire que « ceux qui applaudissent pour te hisser au sommet sont les mêmes qui applaudiront pour te descendre aux enfers ». Je souhaite pour vous élévation sur élévation. La condition, c’est la sécurité et l’intégrité du pays.

Il semble que les présidents n’aient pas assez de temps pour beaucoup lire ; aussi vais-je m’arrêter ici. Dieu Bénisse et élève le Burkina Faso.

Dr Dibi MILLOGO,
Ecrivain, auteur entre autres du livre « mon rêve pour le Burkina Faso, les défis d’un pays post-insurrectionnel »

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