ActualitésDOSSIERS :: Discours-bilan du président Damiba : Les experts de Crisis group livrent (...)

Suite au discours du président du Faso le dimanche 04 septembre 2022 sur la situation nationale, les experts de Cris group, Mathieu Pellerin et Rinaldo Depagne, ont livré leur analyse dans le "rapport international Crisis group sur la situation sécuritaire au Burkina Faso... 15 septembre 2022."

Dans le rapport mené par les experts de Crisis group, il a été dépeint le visage peu reluisant du Burkina Faso qui, jusque là, peine à se sortir du bourbier dans lequel il se trouve depuis plus de cinq ans. A ce titre, l’institution se pose mille et une questions dont la première tient à l’amélioration de la question sécuritaire depuis la prise du pouvoir par le lieutenant colonel Paul Henri Sandaogo Damiba. Pour elle, contrairement à ce que laisse croire le président, "la situation n’est guère meilleure depuis le coup d’Etat du 24 janvier 2022. Les violences jihadistes, qu’il s’agisse d’attaques contre les civils et les forces armées ou de destructions d’infrastructures, se poursuivent à un rythme quotidien."

Selon elle, certaines zones qui jusqu’alors étaient tranquilles subissent désormais avec amertume les dures lois de deux groupes armés que sont : "le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) et l’Etat islamique au Sahel (El-Sahel). " Leurs actions touchent désormais dix des treize régions du Burkina" souligne-t-elle. En plus des assauts répétés sur certaines zones du pays, les experts précisent que ces groupes empêchent fortement l’approvisionnement sur les axes principaux menant à Ouagadougou. Ils procèdent par le saccagement des infrastructures, notamment les ponts, afin d’isoler certaines localités, ce qui rend difficile leurs approvisionnements en produits de première nécessité (eau, électricités, carburant, etc).

Les raisons de ce manque d’amélioration sont diverses mais la plus résonnante est le problème de la remobilisation des troupes. En effet, les experts ont rappelé qu’ au moment de la prise du pouvoir, la situation militaire était exécrable. Pour reprendre du poil de la bête, la remobilisation sonne comme un impératif. "Le pouvoir de transition burkinabè doit en effet « remobiliser » une armée divisée, que les embuscades et les engins explosifs improvisés des jihadistes confinaient à ses casernes", expliquent-ils. Toutefois, même si certaines actions s’inscrivant dans cette dynamique sont perceptibles et que la tournure des évènements présage la conduite d’opérations d’envergure dans les mois à venir, les experts craignent que ces actions s’accompagnent de lourdes pertes civiles eu égard aux populations qui jusque-là n’ont pas quitté les zones interdites.

Par ailleurs, ils notent aussi la faiblesse des moyens humains à même d’opposer une résistance farouche et constituer un important contre-poids face aux jihadistes.
Aussi, cette constance dans le mal sécuritaire ne peut être justifiée sans évoquer le cas des volontaires pour le défense de la patrie (VDP). "La remobilisation des VDP s’est malheureusement accompagnée d’une augmentation des exécutions de civils et autres abus vis-à-vis des populations locales, principalement peuls" s’offusquent-ils. Selon les experts, ce massacre de la communauté peul continue de plus belle dans certaines zones, mais est passé sous silence.

En outre, pour ce qui est de la question du dialogue avec les groupes armés, Crisis group déplore le fait qu’en la matière, les résultats engrangés sont quasi-insignifiants face à l’ampleur du problème auquel le pays fait face. "Parmi les plusieurs milliers de combattants dans le pays, seuls quelques " dizaines"de jihadistes ont déposé les armes pour bénéficier d’un programme de "déradicalisation" dans des camps créés à cet effet" ont rappelé les experts.

Crisis group poursuit son analyse en évoquant le cas des personnes déplacées internes (PDI). Visiblement, le nombre ne fait que grossir car, entre décembre 2021 et avril 2022, le dernier recensement du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation, le pays a enregistré plus de 388.000 nouveaux PDI...Plus ou moins dix pour cent de la population sont aujourd’hui déplacées", relèvent plusieurs sources. En dépit du fort élan de solidarité des populations, les ressources naturelles qui déjà se posent avec acuité risquent à la longue de constituer un goulot d’étranglement. Les capacités d’absorption se font de plus en plus limitées et les terrains pour établir des sites daccueil avec. Tout cela pourrait contribuer à étouffer la cohésion sociale, selon les experts.

Au rang des innombrables problèmes égrenés par Crisis group, s’invite la question des tensions sociales dues à la crise économique qui sévit avec rage. Selon l’Institut national de la statistique et de la démographie, le taux d’inflation général au Burkina est passé de 7,2 pour cent en janvier 2022 à 17,8 pour cent en juin 2022. Si jusque là, le pouvoir en place peut tirer partie de la neutralité des populations qui n’expriment pas ouvertement leur mécontentement, les experts suggèrent que ce moment soit une occasion en or pour le président de rééquilibrer les choses. "Mais s’il n’arrive pas, dans les mois à venir, à apporter une réponse aux préoccupations matérielles des Burkinabè, il sera probablement rapidement confronté à une contestation sociale qui se traduira par des mouvements de protestation dans la rue " ont laissé entendre les experts.

Ces derniers dénoncent par ailleurs la politisation de la société civile qui de fil en aiguille remet en cause son essence de par ses apparitions médiatiques. Ils fustigent la marginalisation manifeste des acteurs politiques dans la gestion politique du pays. "Suite à la dissolution de la chambre des députés et au remplacement des maires élus par des délégations spéciales, ils n’ont plus de relais locaux élus, députés ou maires. Plusieurs figures de la vie institutionnelle ont ainsi quitté les grands partis pour créer leurs propres formations, ajoutant à la fragmentation d’un paysage politique qui compte près de 200 partis" ont regretté les experts.

Pour inverser la donne, les experts saluent les nombreuses réformes annoncées par le président. En revanche, le caractère opaque et evasif de ces réformes annoncées laisse grandement à désirer. Ainsi recommandent- ils qu’en plus de la réponse militaire, les autorités ne soient pas eux mêmes les instigateurs de la discorde, toute chose qui mettra à mal la cohésion sociale et la réconciliation tant réclamées avec ardeur. Aussi, " plutôt que de se limiter à condamner les exécutions sommaires, les autorités devraient sanctionner leurs auteurs afin d’enrayer une spirale dangereuse favorisant le recrutement jihadiste" ont ils suggéré.

Sur le plan économique, pour limiter les effets de la fronde sociale qui n’est qu’en phase de gestation, des mesures concrètes devraient être annoncées par le président afin de venir en soutien aux ménages qui tirent le diable par la queue. Sur le plan politique, la marginalisation des grands partis politiques risque d’affaiblir la transition plutôt que de la relever. "Les autorités de transition devraient quant à elles abandonner leurs à priori négatifs les concernant et leur laisser un espace dans la conduite d’une transition qui concerne l’ensemble des Burkinabè" rappellent les experts.

La question du retour concret à l’ordre constitutionnel n’est pas restée en marge. Crisis group propose que les élections municipales soient organisées avant la présidentielle de 2024.

Enfin, en attendant que les choses se rétablissent avec les partenaires tels que les États Unis dont les actions ont été refroidies avec le coup d’Etat et la France qui perd considérablement du crédit aux yeux des populations, les experts recommandent que soient accentuées les relations avec l’Union européenne sur les volets politiques et économiques.

Erwan Compaoré
Lefaso.net

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