Actualités :: Burkina : « Les autorités de la transition doivent avoir le courage de (...)

Créé en mars 2019, le parti politique, La Marche pour la patrie (LMP), est dirigé par des jeunes qui croient aux valeurs de la société burkinabè et, partant, à un retour à la vocation même de la politique. Depuis sa création, La LMP a opté de marcher à son rythme, guidée par la vision et la conviction de ses dirigeants, et aux côtés de l’ex-Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF). Tégawendé Toussaint Ouédraogo, président du parti, a, à travers cette interview, analysé l’actualité nationale et parlé de la vie de la L.M.P.

Lefaso.net : Année de transition, année de parenthèse politique avec la demande des autorités aux partis politiques d’éviter « tout activisme débordant ». Comment le jeune parti LMP se porte-t-il aujourd’hui et se comporte-t-il face à cette situation ?

Tégawendé Toussaint Ouédraogo : Effectivement, nous avons tous pris acte du changement intervenu le 24 janvier. Mais quand on parle de « activisme politique », il va falloir qu’on dise ce qu’on entend par-là, à quoi s’en tenir. En dehors de cela, le parti LMP se porte bien, mène ses activités de formation et de conscientisation des militants et sympathisants. Et comme nous sommes dans une période de transition, nous essayons d’apporter notre contribution dans l’intérêt de la nation.

Vous êtes un des rares partis politiques à avoir son siège national hors de la capitale (le siège national se situe à Koudougou), cela ne vous handicape-t-il pas ?

Un parti politique est avant tout national. De ce fait, même si Ouagadougou est la capitale, les autres localités ne doivent pas rester en marge de la dynamique et du dynamisme politiques. C’est cela qui motive cette implantation hors de la capitale, pour aussi pouvoir parler directement aux populations de l’intérieur. C’est d‘ailleurs dans cet esprit que nous avons séjourné dernièrement à Bobo-Dioulasso pour pouvoir parler à nos camarades responsables du parti dans la localité, les encourager et échanger avec des militants et sympathisants à ce niveau. Le séjour s’est soldé par une conférence de presse sur l’actualité nationale, précédée d’une visite aux notabilités de la ville. Ce déplacement était important parce que ces derniers temps, on a enregistré de nouvelles adhésions au niveau de la section du Houet.

Le fonctionnement d’un parti politique demande beaucoup comme ressources financières. Un jeune parti, piloté par des jeunes, comment arrivez-vous à faire fonctionner la LMP ?

Effectivement, on peut le dire dans notre contexte. Mais quand on a la détermination, des ambitions pour son pays, on ne ménage aucun effort pour mettre en marche sa conviction. On ne dira pas qu’on a des ressources ou pas, mais on va avec nos moyens. La première ressource, ce sont les hommes, la conviction et la vision.

Les militants viennent chez nous pour défendre non seulement des idées nouvelles, mais également pour qu’on puisse aboutir aux résultats, en tenant compte de nos propres ressources. Tous ceux qui viennent chez nous n’ont jamais milité dans un parti politique et ils ne viennent pas également parce qu’on leur a proposé quelque chose. Ils viennent parce qu’ils croient en ce jeune parti, modeste, qui vient d’arriver sur la scène avec des valeurs qu’il entend défendre.

Comment voyez-vous les perspectives, pensez-vous déjà aux compétitions de fin de transition ?

A l’issue des échanges avec la CEDEAO, la date de juillet 2024 devra être l’aboutissement, la fin de la transition. C’est l’une des raisons qui font que nous accompagnons la transition pour qu’elle puisse réussir afin de revenir à une vie constitutionnelle. Nous irons aux élections et pour cela, nous souhaitons que la transition puisse inscrire dans les actions, les réformes autour des élections. Il faut revoir le code électoral pour que le futur président, les futurs députés, qui seront élus à partir de 2024 puissent être élus parce qu’en toute honnêteté, ils auraient eu un programme alléchant à proposer.

Il ne faut plus qu’on assiste à ce à quoi on a assisté en 2020, où l’argent a joué un rôle crucial. Il faut donc voir ces aspects pour permettre au peuple et aux populations de choisir librement et d’être dirigé par ceux qu’ils auront vraiment choisis. Même au niveau de la CENI (Commission électorale nationale indépendante), il y a des paramètres à voir. Nous devons vraiment avoir des élections irréprochables en 2024, de sorte qu’il y ait moins de grincements de dents.

Pourquoi avez-vous décidé, malgré la modicité de vos moyens, de ne pas répondre favorablement aux nombreuses offres de partis qui ont plus de moyens ?

Nous essayons au maximum possible d’être constants et logiques avec notre conscience. Lors de l’assemblée générale constitutive, on a remarqué que les membres du parti, aucun n’avait déjà milité dans un parti politique, à commencer par le président. Nous étions tous dans l’entrepreneuriat, chacun dans ses activités, jusqu’à ce qu’on se rende compte que la politique, si on ne la fait, nous allons la subir.

C’est pour dire que nous sommes dans la constance. Sinon, effectivement, depuis 2020, ça n’a pas manqué (les propositions : ndlr). Pendant les élections de 2020, nous avons eu des propositions de candidats à la présidentielle pour les accompagner, mais nous avons poliment décliné et nous avons préféré nous concentrer nous-mêmes sur les législatives, faire l’expérience de nous-mêmes. Nous avons beaucoup appris et c’était aussi cela notre but. Nous venons d’arriver sur la scène, nous voulons apprendre et voler de nos propres ailes.

Même jusqu’à ce jour, des approches nous sont faites, mais vraiment, nous avons une vision qui fait que nous ne pouvons pas décider d’aller en dehors de la vision pour laquelle, nous nous sommes engagés en politique et ce que les militants ont décidé ensemble depuis la création du parti, qui est qu’il est judicieux de faire notre chemin que de faire des alliances, parfois de contre-nature. En tout cas, pour le moment, nous essayons de faire notre petit bonhomme de chemin.

On a l’impression que vous tenez à des valeurs. Qu’est-ce que vous voulez qu’on retienne de vous ?

La loyauté, parce que dans le contexte actuel du Burkina, c’est une valeur qui manque. L’intégrité. C’est trop facile aujourd’hui de prêcher l’intégrité, mais la pratique est tout autre. L’honnêteté, envers soi, envers son entourage et envers son pays. Nous pensons que l’honnêteté est même la plus importante des valeurs à nos yeux. Quand on suit l’actualité nationale, on a l’impression que la vie burkinabè est bâtie sur le mensonge, on n’aime pas la vérité. J’ose même dire que tout ce que nous traversons actuellement comme difficulté est lié au fait qu’on a toujours fui la vérité, on n’aime pas la vérité.

Quand on va arriver à avoir le courage d’aller à la vérité, je pense que ça va résoudre beaucoup de difficultés qui nous assaillent actuellement.
Une certaine jeunesse semble être prise en otage par la vie de certains aînés politiques, à travers des affaires qu’elle n’a pourtant pas connues. Comment peuvent-ils faire pour s’arracher des griffes de cette classe, qui gère les affaires politiques depuis des décennies et qui semble manipuler à sa guise la vie politique ?

Effectivement, c’est une préoccupation majeure. Il y a malheureusement des jeunes qui, consciemment ou inconsciemment, de bonne foi ou de mauvaise foi, ont décidé de s’approprier des conflits de nos aînés. Si fait qu’ils ne sont même plus libres. Tout montre aujourd’hui que les crises que le Burkina a traversées depuis environ quarante ans maintenant, ont pratiquement les mêmes acteurs.

Aujourd’hui, nous, jeunes, vivons les séquelles des crises, de leurs actes. Voilà pourquoi, je ne manque pas d’occasion d’appeler la jeunesse burkinabè à se départir de ces conflits que traînent nos aînés entre eux depuis quatre décennies maintenant et qui veulent nous les laisser en héritage. Non, nous voulons vivre en paix, sans haine.

Qu’ils puissent trouver l’occasion de s’asseoir entre eux, régler ces problèmes et nous léguer un pays dans lequel on va travailler sans haine et pour le léguer à notre tour à la postérité. Il faut que les jeunes sachent faire la part des choses ; ce n’est pas parce qu’untel est mon mentor que je vais poser des actes tête baissée, sans réfléchir. Ces aînés-là, s’ils ont vraiment l’amour pour la patrie comme ils le prétendent, qu’ils se retrouvent et règlent les problèmes qu’ils ont créés depuis des décennies et nous léguer un pays stable.

Ce n’est pas évident que les jeunes aient cette vision des choses, fassent ce discernement. Que faites-vous donc, en dehors du cadre de votre parti politique, de ses militants, pour que les jeunes puissent entendre ce message ?

Nous avons une responsabilité, que nous n’ignorons pas. Pour cela, nous passons beaucoup de temps à la sensibilisation à travers les cadres informels de causerie, des cafés et thés-débats que nous organisons régulièrement. Il s’agit de se dire aussi où se situera notre responsabilité, si nous ne nous réveillons pas. C’est ce que nous faisons, et dans les jours à venir, nous aurons des activités de reboisement auxquelles vont se greffer des panels de sensibilisation autour de ces questions et comment se préparer à être des dirigeants responsables.

A l’issue des élections de 2020, vous avez choisi d’aller dans l’opposition, le CFOP-BF. Pourquoi cette option, alors que vous auriez dû aller à la majorité, avec les avantages que cela comporte ?

Nous sommes restés dans l’opposition parce qu’on veut apprendre et se former. Pour nous, la meilleure composante était donc le CFOP-BF. C’est vrai qu’en y allant, on se privait de beaucoup d’avantages et on perdait même des activités personnelles sur le terrain. Mais pour nous, la vie politique est une lutte de longue haleine ; pour réussir, il faut avoir une bonne formation et profiter de l’expérience de certains aînés. Ça nous fait manquer beaucoup de moyens, mais c’était un choix. Pire, ça a même joué sur mes activités personnelles, moi qui suis entrepreneur, les conséquences étaient l’asséchement de certains marchés. Ce n’était pas facile, mais c’est cela aussi l’engagement et pour le pays, aucun sacrifice n‘est de trop.

C’est vrai que la vie du CFOP-BF a été aussi écourtée par le coup d’Etat… Avez-vous néanmoins appris dans l’opposition ?

On a beaucoup appris avec nos camarades là-bas, nous avons participé à des combats démocratiques. La marche-meeting de l’opposition le 3 juillet 2021 par exemple, j’ai eu l’honneur de coordonner l’activité pour le compte de la localité pour porter la revendication à l’autorité compétente. Nous avons aussi participé au dialogue politique et à bien d’autres concertations sur des questions de la vie nationale. Nous avons apporté notre contribution, selon notre conviction. On a beaucoup appris et on ne regrette pas d’avoir opté pour l’opposition, le CFOP-BF.

Qui peut adhérer à la L.M.P et comment s’y prendre ?

L’adhésion est vraiment libre, comme dans une association, il suffit d’épouser les textes fondateurs et les valeurs défendues par le parti. Dès lors, vous pouvez saisir soit le bureau national soit la représentation locale du parti dans votre localité pour la conduite à tenir. Les instances habilitées du parti examinent et acceptent votre demande d’adhésion, si les conditions sont remplies.

La vie politique est quasiment pervertie au Burkina par certaines attitudes des acteurs politiques. Etes-vous confiants de votre marche ?

Nous sommes confiants parce que nous avons la conscience que nous allons refonder la vie politique. La politique est noble dans son essence. Aujourd’hui, elle a été pervertie par certains acteurs, mais pas eux tous, il y en a qui sont honnêtes, sincères et qui ont des ambitions meilleures pour les Burkinabè. Alors, ce n’est pas parce que l’idée générale est que la politique est sale que nous allons nous abstenir.

Au contraire, il nous appartient, nouvelle génération, de redorer le blason de l’acteur politique. C’est pourquoi, nous avons foi en cette refondation prononcée par les autorités de la transition. Il faut vraiment refonder la vie politique, c’est très important. Il faut travailler à réinstaurer la confiance entre le politique et les populations. Il faut que l’homme politique soit perçu comme celui-là qui vient, quels que soient ses moyens, proposer une alternative, dans le but d’améliorer la vie des populations. Il faut que notre génération soit pionnière de ce changement et nous fondons beaucoup d’espoir en la matière.

On assiste à une traite de création de mouvements et de fronts ces derniers temps, mais on ne voit la L.M.P dans aucune de ces coalitions. C’est quoi l’explication ?

Effectivement, mais vous vous souviendrez que nous sommes les premiers, la L.M.P avec deux autres partis politiques, à mettre en place une alliance, dès avril 2022 (l’Alliance politique pour le suivi de la transition, APST : ndlr). Nous étions pratiquement les premières structures et aujourd’hui, on en voit beaucoup ; ce qui est bien pour le dynamisme de la vie démocratique. Mais, dans cette démarche, les gens doivent être objectifs et de bonne foi, en ce sens qu’aujourd’hui, tous ces mouvements et fronts doivent avoir pour but, la réussite de la transition pour un retour rapide à la vie constitutionnelle.

Il ne faut pas venir dans ces mouvements parce qu’on a perdu des postes, des avantages qu’on veut rattraper. De toute façon, la jeunesse de 2014 n’est pas celle de 2022. Je suis sûr qu’aucun jeune ne sortira pour défendre des causes vaines, se faire utiliser, peu importe les meneurs. Les jeunes ont payé le prix lourd, ils ont payé de leur vie, mais jusque-là, on constate que c’est le statu quo pour eux.

Qu’avez-vous à dire en guise de conclusion à cet entretien ?

La transition est-là. On ne l’a pas souhaitée, mais elle est-là. Ce qui reste actuellement, c’est de tout mettre en œuvre pour qu’elle puisse réussir ; parce que nous n’avons pas le temps pour à chaque fois recommencer. La transition a deux ans (je dirai moins de deux ans), et si tout se passe bien que l’aspect sécuritaire est un peu contenu et que l’aspect humanitaire s’améliore, nous espérons aller aux élections dans moins de deux ans.

Que nous puissions donner aux Burkinabè au bout de la transition, de véritables élus. C’est pourquoi, les autorités de la transition doivent avoir le courage de recadrer certains agissements, certains acteurs de la transition. Nous voulons tous accompagner la transition pour qu’elle réussisse, mais nous ne pouvons pas non plus accepter les dérapages de sa part.

Donc, il faut recadrer certains dérapages et tenir compte des aspirations du peuple. La transition ne peut pas tout faire, il ne faut pas qu’elle croit cela. Nous l’attendons beaucoup aujourd’hui sur l’aspect sécuritaire, la réorganisation de l’administration…, il y a d’autres réformes qui peuvent intervenir plus tard, avec le nouveau pouvoir issu des élections. Donc, aujourd’hui, il faut aller à l’essentiel. Il faut rester figé sur les objectifs, ne pas déraper.

Que le Chef de l’Etat écoute. Si le 24 janvier, le peuple n’est pas sorti pour dire non, c’est parce qu’à un moment donné, il y avait un ras-le-bol vis-à-vis du pouvoir de l’époque. Donc, il ne faut pas venir adopter pratiquement les mêmes attitudes. Nous sommes-là pour travailler à ce que la transition réussisse. Mais si elle ne rectifie pas certains tirs rapidement, nous serons encore-là pour toujours rappeler cette nécessité de rectifier certaines choses.

Entretien réalisé par O.O
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