Actualités :: Expulsés de Folombay en France : Dix ans après, Mohamed Doumi revendique ses (...)

Le 31 août 1994, un groupe de 26 Algériens furent accueillis sur le sol burkinabè pour des raisons humanitaires. Accusés d’être commanditaires d’actes de terrorisme en accointance avec des islamistes algériens, ces expulsés de Folombay étaient indésirables sur le sol français. Dix ans après, certains ont quitté le Burkina, seulement six autres attendent toujours. Mohamed Doumi, lui, s’est marié au Burkina et s’intègre dans le tissu socio-économique de son pays hôte. Il nous parle de leurs conditions de vie.

Sidwaya (S.) : En 1994, un groupe d’Algériens accusés de terroristes fut expulsé de la France. Le Burkina à l’époque a accepté vous recevoir dans un cadre humanitaire. Dix ans après, pouvez-vous nous dire la raison de votre séjour au Burkina ?

Mohamed Doumi (MD) : Nous sommes des citoyens algériens et français résidant à l’époque en France. Nous étions mariés en France, nos enfants sont des Français. Parmi nous, il y avait des étudiants, des commerçants, des avocats, des intellectuels, des entrepreneurs. Nous avons ainsi été expulsés arbitrairement. Charles Pasqua avait fait de nous, le thème d’une campagne électorale pendant les élections. Il nous accusait d’être d’accointance avec les intégristes algériens.

Pourtant, notre dossier est blanc. Nous avons été ramassés dans plusieurs localités de la France. Chacun de nous avait des papiers réguliers, payant des impôts pour le trésor public français. Le seul gouvernement africain qui nous a accueilli est le Burkina Faso, dans un cadre humanitaire.

Nous avons au Burkina Faso, la chaleur humaine. Il était difficile à l’époque de nous envoyer en Algérie car la situation était troublante. Nous avons été accueillis à notre arrivée par les autorités burkinabè avec la presse.

S. : Vous avez été logés successivement dans des hôtels au premier moment de votre séjour. Qui prenaient en charge les différents frais y afférents ?

M.D. : On a fait un mois à l’hôtel OK IN, un mois à l’hôtel le Provence puis enfin dans des villas à la zone du bois. Je crois que c’est la France qui prenait en charge ces frais. Jusqu’à présent, la France continue de nous doter de subventions alimentaires chaque mois.

S. : A l’époque, vous étiez une vingtaine. Certains sont repartis ailleurs. Combien sont restés au Burkina ?

M.D. : Nous sommes six compatriotes restés au Burkina Faso. Vingt autres sont repartis un peu partout en Europe. Il s’agit de la Suisse, la Belgique, la Hollande. Nous qui sommes restés avons la nationalité française parce qu’on est né sous le drapeau français.

Tous ceux qui sont restés ici se débrouillent parce qu’on ne peut pas rester inactif. En ce qui me concerne, je n’ai pas de grands moyens mais je participe un peu à ma façon à l’effort de construction nationale.

S. : Le groupe resté au Burkina continue-t-il a avoir des rapports avec les hauts responsables de ce pays, notamment, le chef de l’Etat ?

M.D. : On est au Burkina sous la responsabilité de la présidence du Faso. On est aussi pris en charge par les autorités burkinabè. Dans tous les cas, nous voyons de temps en temps, certaines autorités soit chez eux ou chez nous.

S. : Les charges retenues contre vous à l’époque sont-elles toujours d’actualité ?

M.D. : Aujourd’hui, nous avons formulé des requêtes au gouvernement français. J’ai même écrit au président français pour qu’il fasse des enquêtes approfondies sur notre situation. On n’a rien fait. Si on trouve des preuves contre nous, nous sommes prêts à aller en justice. Nous avons été renvoyés à la faveur d’une campagne électorale. C’était pour montrer à l’opinion publique française, qu’on a arrêté des terroristes.

Il n’y a rien dans notre dossier. Nous maintenons que les autorités françaises doivent résoudre le problèmes à l’amiable. La preuve, on est là depuis dix ans. Si nous étions des poseurs de bombe, les autorités burkinabè allaient le remarquer. Nous avons nos familles, nos liens en France et nous tenons à les voir.

S. : Vous êtes donc Persona non grata en France ?

M.D. : Oui, on ne peut pas rentrer en France malgré notre nationalité française. Nous sommes obligés chaque fois de joindre nos familles par téléphone. Certains arrivent souvent malgré leurs moyens modestes à nous rejoindre ici. Tous les expulsés qui étaient là ne se connaissaient même pas, même en France. Donc, chacun se débrouille à sa façon.

Les Français savent qu’ils ont fait une erreur. Mais comment la réparer ? Nous leur demandons de résoudre ce problème à l’amiable.

S. : Vous récusez les accusations faites contre vous ? Néanmoins n’avez-vous pas un goût pour la politique ?

M.D. : Depuis mon enfance, je suis politicien. J’aime la politique qui construit et non la politique qui détruit. J’ai participé avec des "frères" burkinabè à la marche de soutien au président lors de son déplacement pour Marcoussis. Cela veut dire que je suis démocrate, donc j’aime la liberté.

A l’époque de Boumedienne (ancien président algérien) j’étais dans le parti du Front de libération nationale (FLN), parti de tous les Algériens. On lutait pour une Algérie démocratique et populaire. Le parti avait commencé à se pourrir avec le décès de Houari Boumedienne. J’étais déçu et puis j’ai commencé à me convertir dans des affaires commerciales. Depuis 1986, j’ai arrêté de faire la politique, bien que le changement intervenait.

S. : La fin de "l’apogée" du FLN, ne vous a donc pas orienté vers d’autres structures politiques ?

M.D. : Il y a plusieurs partis politiques, mais j’ai décidé de raccrocher pour soutenir la paix. Mais cela n’empêche qu’on discute de politique intérieure avec certains compatriotes résidant au Burkina Faso.

En réalité, nous n’avons rien avec l’Algérie, c’est la France qui a sali notre dossier. Cela a fait qu’il n’y a pas de garantie pour nous, si nous rejoignons l’Algérie. Il n’y a pas d’amnistie générale.

Le président Bouteflika est muselé, il ne peut pas faire son travail. Il est tenaillé par des partis communistes, islamistes, démocrates etc. Donc on l’accule par des manifestations commanditées par certaines personnes.

S. : Pourtant Bouteflika avait proclamé la concorde civile en Algérie

M.D. : C’est une amnistie partielle. Vous savez, le Front islamique du Salut (FIS) a remporté les élections. Après ces élections ont été annulées. Les gens sont descendus à la rue pour manifester leur colère. Ils furent réprimés par les militaires. Le président Chadli aussi fut enlevé et des manifestants furent arrêtés.

On dénombre plus de 200 000 disparus dans le conflit algéro-algérien. Il fallait donner le pouvoir à ce parti (FIS) pour cinq ans pour voir s’ils feront un bon travail.

Mais non, on a préféré les balayer du revers de la main, en faisant sortir des armes. On peut se demander pourquoi ceux qui étaient dans les maquis n’avaient pas pris les armes à l’époque parce qu’ils étaient opprimés. C’est-à-dire avant les élections. C’est une légitime défense que ces gens pratiquaient

Ils ont simplement pris les armes pour rentrer dans les maquis parce qu’on a refusé de leur donner le pouvoir qu’ils ont acquis par les urnes.

Pourquoi avait-on donné alors un agrément à ce parti pour qu’il participe aux élections ? Ce qui s’est passé en Algérie est un coup d’Etat camouflé.

S. : Que peuvent faire les autorités algériennes selon vous, pour sortir du bourbier ?

M.D. : En Afrique, plusieurs chefs d’Etat africains ont proposé de faire une amnistie générale. Cela permettra de tourner la page noire.

S. : Même ceux qui ont leurs mains imbibées de sang ?

M.D. : Le pouvoir a tué, les militaires ont tué aussi. La seule solution, c’est de faire une amnistie impliquant toutes les parties prenantes.

Si on a envi de dissoudre un parti politique, il faut dissoudre tous les partis. On pourra penser à la réintégration des maquisards à leur poste initiale de travail.

Le problème, c’est que beaucoup de gens n’ont pas encore compris l’islam. L’islam prône la paix, l’amour.

L’islam prône la non-violence, le dialogue. Je suis musulman, je prie dans les mosquées aussi bien au Burkina qu’en France. Il n’est jamais enseigné la violence dans les lieux saints.

S. : L’Algérie est à l’heure de la fièvre électorale. Votre choix porte sur quel candidat au prochain scrutin présidentiel ?

M.D. : L’espoir reste permis en Algérie. Il y a plus de douze candidats. Il y a le président Bouteflika, des islamistes modérés, des démocrates, plusieurs candidats dans cette course. Je soutiens l’homme de paix, qui souhaite arrêter le sang. Pour former un bon président, il faut au minimum dix ans. On ne peut pas changer des présidents de cette façon.

Maintenant, il y a une prise de conscience en Algérie. Le réchauffement de la coopération franco-algérienne. L’Union européenne encourage le dialogue et souhaite beaucoup plus une ouverture démocratique. Nous avons été content de la visite de Chirac en Algérie. L’histoire montre que les deux peuples sont inséparables.

S. : Vous êtes marié à une Burkinabè. Maintenant intégré à la société avec une nationalité burkinabè. Pourrez-nous vous un jour diriger un parti politique ou être membre actif d’une formation politique ?

M.D. : Je vais répondre objectivement. Cette terre m’a donné asile. Je soutiens l’Etat, ses cadres. J’ai un bloc-note pour noter tous les déplacements du président du Faso. Je suis l’actualité nationale à la radio, à la télé et dans les journaux. Je ne peux vraiment pas un jour être au devant de la chose politique au Burkina.

S. : Est-ce qu’un jour, vous aurez envie de repartir chez vous ?

M.D. : Je suis installé au Burkina. Si Dieu a voulu que je reste ici, je serai là. C’est mon droit d’être binational. On attend que la France résolve notre problème pour que nous puissions bouger. Je pense vivre avec ce peuple qui m’a tout donné.

Entretien réalisé par
Emmanuel BOUDA
Sidwaya

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