Actualités :: Demande de pardon de Blaise Compaoré : « Ils sont en train de gaspiller (...)

Ce mardi 26 juillet 2022, l’ancien président burkinabè Blaise Compaoré a, à travers une lettre lue par le porte-parole du gouvernement, demandé pardon à la famille Sankara et au peuple burkinabé pour tous les crimes commis durant ses mandats. Lefaso.net s’est entretenu avec Abdoulaye Diallo, le coordinateur du Centre national de presse Norbert Zongo, concernant cette demande de pardon.

Lefaso.net : Dites-nous, à chaud, comment avez-vous accueilli cette demande de pardon adressée par l’ex président Blaise Compaoré « au peuple burkinabè et à la famille de Thomas Sankara » ?

Abdoulaye Diallo : A chaud, cette demande de pardon ne me fait honnêtement ni chaud, ni froid, parce que j’ai l’impression que c’est quelque chose qui vient un peu tard. Cela aurait pu avoir son importance bien avant, il y a quelques années, quand l’occasion lui était donnée, vu qu’il était au pouvoir, il pouvait le faire à travers une lettre, cela aurait pu encore avoir son impact, notamment cette phrase qui est dans la lettre ou il demande pardon au peuple burkinabè et particulièrement à la famille Sankara. J’ai le sentiment que c’est quelque chose d’un peu forcé, qui vient au mauvais moment

Comment jaugez-vous la forme mise pour cette demande de pardon ? (Envoi d’une délégation, dont sa fille et un ministre conseiller spécial du président ivoirien)

A-t-on vraiment besoin d’une délégation avec un ministre ivoirien ? J’imagine qu’ils sont venus en jet privé. A-t-on besoin vraiment de dépenser l’argent du contribuable ivoirien pour venir remettre une lettre ? Je pense qu’il y a des canaux pour ça, la lettre aurait pu passer par l’ambassade du Burkina Faso en Côte d’Ivoire et elle serait parvenue à Paul-Henri Damiba le même jour. Pourquoi mettre toute cette forme ? J’ai l’impression que cela cache des choses. Il y a une fébrilité, on sent une activité au niveau du régime ivoirien pour sauver « le soldat Blaise Compaoré » condamné à vie par la justice de son pays. Et j’ai l’impression que cela cache d’autres raisons.

Selon moi, ce n’est pas seulement la demande de pardon ou les propositions d’unité. Tout le monde sait que pour venir à bout du terrorisme on doit s’unir. Et pour qu’on puisse s’unir, il faut qu’on ait un leadership sincère et fort. Un bon leadership, c’est ce qui nous pose problème aujourd’hui. Nous n’avons pas de leadership de qualité sincère, patriotique qui va mobiliser toutes les intelligences burkinabè contre ce qui nous arrive. Est-ce que c’est une lettre de demande de pardon de Blaise Compaoré amenée par sa fille et un ministre ivoirien qui va changer notre situation ? Non, je ne le pense pas.

D’après vous, les conditions sont-elles réunies pour que cette demande soit acceptée par le peuple et la famille Sankara ?

Moi je ne suis pas bien placé pour répondre à cette question. Il faut d’abord poser cette question à la famille Sankara. Je crois que la famille Sankara a montré sa volonté, ainsi que celle de Norbert Zongo d’ailleurs. C’est la vérité et la justice et après le reste vient.

Aujourd’hui, la famille Sankara est un peu apaisée parce qu’elle sait au moins ce qui s’est passé, elle connaît le coupable elle sait tous ceux qui ont comploté pour assassiner leur époux, fils, père et enfant, etc. Ils sont dans la position où ils ont refusé les indemnisations en demandant le franc symbolique. Et pour cela, j’estime qu’on peut leur poser cette question. Mais moi j’ai l’impression que c’est incomplet de demander simplement pardon au nom des crimes commis sous son mandat. Il ne dit pas lesquels lui-même à commis.

En attendant, la justice l’a condamné comme étant le principal responsable de l’assassinat de Thomas Sankara. Et la justice a eu la main lourde, ce qui veut dire que les faits sont très graves. C’est donc à la famille Sankara de répondre. Maintenant quant au peuple, il est toujours disposé à pardonner à condition que la demande de pardon soit sincère. On ne peut pas forcer le peuple à accepter un pardon. Si vous forcez, il va vous dire oui mais sans que ce ne soit un oui sincère. Or là, nous avons besoin d’un pardon sincère.

Quand on dit qu’il faut être dans le triptyque vérité-justice-réconciliation, c’est pour le pays lui-même. Et c’est pour cette raison que quelqu’un ne doit pas avoir l’impression qu’il y a des gens pour qui on doit aménager les choses, juste pour eux. Il y a bien d’autres personnes qui n’ont pas eu cette chance. Quand il était au pouvoir, le commandant Boukari Lingani et le capitaine Henri Zongo ont été accusés d’un complot monté de toutes pièces. Ils n’ont pas eu un procès équitable, ils n’ont pas eu droit à des avocats. Ils ont été passés par les armes.

Un journaliste a posé la question à Blaise Compaoré pour savoir s’il n’a pas de regrets ? Il a dit qu’il n’avait aucun regret, que c’est le sort qui est réservé aux traîtres, qu’il faut les tuer et ils ont été tués. Blaise Compaoré a la chance qu’il vit et il peut avoir la chance de soulager sa conscience en disant que c’est moi qui ait commis telle erreur, c’est moi qui ait mal analysé ici, qui ait laissé tuer telle personne, qui ait laissé piller le pays. Au moins, il peut dire ça de façon sincère. Et s’il fait tout cela, moi je suis persuadé que le peuple burkinabé est prêt à lui pardonner.

Que faut-il faire pour parvenir à un pardon et une réconciliation véritables ?

Les gens doivent avouer leurs crimes, comme cela se fait déjà dans d’autres pays. Ils doivent avouer, dire ce qu’ils ont fait de mal. A ce moment, on convoque la victime ou la famille de la victime pour lui demander s’il lui pardonne ou pas ? On ne demande pas pardon dans le vide. On demande à des gens précis.

On peut dire qu’il a causé du tort au peuple burkinabè en le privant d’un leader comme Thomas Sankara. Il faut qu’il demande pardon au peuple burkinabè parce qu’il l’a privé d’un leader comme Thomas Sankara. Là, il peut avoir le pardon de quelqu’un comme moi. Quand c’est précis comme cela, nous nous sentons concernés.

Dans toute la lettre lue aujourd’hui, la famille Norbert Zongo n’a pas été évoquée. Il y a bien d’autres crimes aussi importants : les assassinats de Oumarou Clément Ouédraogo, de Dabo Boukari, pour ne citer que les plus emblématiques. L’une des victimes les plus emblématiques, c’est Norbert Zongo, mais il n’a pas été cité. En attendant, il peut demander à son petit-frère François Compaoré de venir répondre à la justice et cela sera déjà un grand pas dans le processus de demande de pardon.

Propos recueillis par Patricia Coulibaly
Lefaso.net

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