Actualités :: La haine des maîtres : jusqu’où ira le délire ?

Cette réflexion du Pr Jacques Nanéma, enseignant-chercheur en philosophie de l’université Joseph Ki-Zerbo, met en garde contre le nivellement par le bas et à une meilleure considération des compétences.

Il se développe ces derniers temps une vague égalitariste, écume d’un ressentiment larvé, qui entend niveler les sociétés par le bas, refusant de reconnaître simplement les titres, les qualités, les compétences, les différences. C’est pourtant pas si difficile de faire la part des choses, de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.

De nos jours, peut-être en raison des TIC qui ont rapproché considérablement les savoirs, informations et la culture des gens ordinaires, il semble très difficile pour certains d’accepter qu’ils ont à apprendre, qu’ils doivent apprendre pour grandir et que cela ne peut se faire en ignorant ou en décapitant ceux qui se sont donné la peine d’apprendre et sont devenus pour ce faire des savants, capables de transmettre pas seulement des résultats, des savoirs mais aussi des démarches, des processus d’apprentissage expérimentés.

Alors, ils entrent en transe dans des envolées identitaires hystériques, en multipliant les injonctions morales à tour de bras juste dans la perspective de se donner l’illusion qu’ils n’auraient rien à apprendre de quelqu’un, qu’ils n’auraient aucun effort à faire pour sortir du boudoir enfumé de leur petit moi, de leur médiocrité in-assumée et aller vers plus de lumière.

L’humilité que certains exigent des maîtres, ils devraient d’abord l’exiger d’eux-mêmes au lieu de se balader avec le moralisme borné en bandoulière pour décapiter tout ce qui ne s’aligne pas sur les critères de la médiocrité grégaire ambiante, dernière idole de notre modernité ronflante.

Plus personne ne veut apprendre, chacun se gonfle de son ignorance ignorée qu’il prend comme l’aliment de sa suffisance.

Enfin, pourvu que l’immense minorité de ceux qui veulent grandir consente lucidement les sacrifices nécessaires pour se former, se forger, se construire une stature intellectuelle et culturelle digne des défis intellectuels, techno-scientifiques et culturels qui attendent les générations futures... ils pourront ainsi damer le pion à ceux et celles qui cherchent d’abord, par haine viscérale des savoirs et des sachants, à tuer ceux-là mêmes qu’ils devraient se soucier d’imiter, de seconder, considérer et reconnaître.

Avant de dépasser un maître, il faut sans doute d’abord passer par lui. C’est la loi de la dialectique, la vraie, celle qui est féconde, productive et créative, telle qu’elle se déploie dans la philosophie de Hegel (cf. La phénoménologie de l’Esprit) : on ne peut dépasser que ce par quoi on est d’abord passé.

Ceux qui, par esprit de paresse, de facilité, ignorant ou méprisant les médiations nécessaires au progrès croient entrer dans l’Absolu à coup de pistolet se trompent eux-mêmes, se mentent de manière sournoise sur leur propre misère. Inutile de rappeler qu’ils nagent en pleine illusion et que le réveil, s’il a lieu un jour, sera plus que douloureux...

Burkinabè, encore un effort ! Qui ne risque rien n’est rien, qui ne respecte pas ce qui le dépasse ne peut rien apprendre.

Pr Jacques Nanéma

PS. Être un maître : tutoyer l’Absolu !
Les maîtres sont ceux-là mêmes qui continuent d’apprendre, apprennent continuellement, ne se laissent jamais gagner par la suffisance des petits esprits médiocres qui se satisfont trop vite de peu. Les maîtres sont d’une certaine façon philosophes du fait d’un appétit insatiable de connaissance, d’un désir d’Absolu tandis que les ignorants ignorent même qu’ils ignorent et se satisfont ainsi de leur misère. On ne naît pas maître, on le devient en restant un éternel apprenant, un aventurier de l’esprit, un ami du doute qui est d’abord réflexion sur l’ignorance et son dépassement dans la connaissance.

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