ActualitésDOSSIERS :: Crise sécuritaire au Burkina : « Ceux qui nous attaquent aujourd’hui sont (...)

« Pourquoi des Burkinabè prennent-ils des armes contre des Burkinabè ? » C’est cette préoccupation qui a été au centre d’une conférence publique le samedi 11 juin 2022, à Ouagadougou. L’activité, organisée par le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), avait pour but de mener des réflexions afin de proposer des pistes de solution pour une sortie de crise au Burkina Faso.

Pour mieux comprendre les tenants, les concourants et les aboutissants de la crise sécuritaire qui frappe le Burkina Faso depuis plus de sept ans, trois spécialistes ont été conviés pour décortiquer le thème. Il s’agit de Pr Augustin Loada, qui a communiqué sur le sous-thème « Regard des chercheurs sur la question du terrorisme et les solutions pratiques » ; Atiana Serge Oulon, journaliste investigateur, qui a abordé le sujet « Comprendre les attaques armées, le profil et l’itinéraire des terroristes » ; enfin, le magistrat Antoine Kaboré qui s’est attardé sur le rôle que joue la justice burkinabè pour faciliter la compréhension du phénomène des attaques armées et la répression ou la prévention prévue en gestation ou en action. Les échanges étaient modérés par l’ancien diplomate Ismaël Diallo.

Il ressort des communications des trois panelistes que ceux qui sèment la terreur et la désolation au sein des populations sont majoritairement des Burkinabè, d’où la pertinence du thème du jour : « Pourquoi des Burkinabè prennent-ils des armes contre des Burkinabè ? » Ouvrant ainsi le bal du panel, l’homme politique et spécialiste de droit public et sciences politiques, Pr Augustin Loada, a alimenté le débat sur trois points.

« La dissolution du Régiment de sécurité présidentielle a affaibli la capacité de riposte militaire du gouvernement à faire face aux groupes armés terroristes », selon Pr Augustin Loada

Mais avant tout, il a rappelé que la crise sécuritaire au Burkina Faso n’est pas surprenante et ne devrait pas être vue uniquement sous l’angle militaire. Selon lui, bon nombre de rapports produits par des chercheurs tiraient déjà la sonnette d’alarme, invitant les autorités d’antan à s’intéresser sérieusement à la question. C’est le cas de ce rapport paru en 2012 et intitulé « Plan sécuritaire dans le nord du Burkina Faso : ce n’est pas alarmant mais elle est préoccupante » et un autre paru en 2014 du chercheur américain sur la prévention de l’extrémisme violent Burkina Faso. Là, l’auteur Peter Romanuc prévenait que « le Burkina Faso est vulnérable à la menace, mais la menace n’est pas imminente ». Malgré ces alertes, les politiques, dont le rôle est de réguler les conflits sociaux, sont restés dans immobilisme, dans l’inertie jusqu’à la première attaque perpétrée en 2015.

Serge Atiana Oulon, journaliste investigateur à « L’Evènement », panéliste

Abordant son premier point en lien avec les principaux acteurs de ce phénomène, Pr Augustin Loada a expliqué qu’il existe deux acteurs à savoir les locaux et les externes. Le premier groupe armé terroriste endogène né au Burkina Faso était dirigé par Malam Dicko ; et après sa mort, beaucoup d’autres insurgés sont apparus soit pour des raisons économiques, soit pour se venger. L’implication de l’Etat dans ces zones à travers la présence des FDS et des VDP accusés parfois par une partie des populations de perpétrer des violences contre des civils, entraîne aussi des réactions au niveau des civils et leur réticence à coopérer avec les forces armées nationales. Aussi, certaines populations ont tendance à percevoir les groupes armés comme des « sauveurs ».

« Nous devons relever le défi du rapport de l’Etat avec les populations, aussi bien dans la sécurisation du territoire que dans son administration », Antoine Kaboré, magistrat

En sus, il y a les bandits et les trafiquants qui se mélangent au premier groupe pour semer la violence au sein des populations. Selon l’analyste, la plupart des rapports publiés montrent que le gouvernement est aussi un acteur de la crise, car ses réponses ont été souvent inadaptées. Les conclusions révèlent une impréparation des élites pour faire face à la crise et la faible capacité de riposte militaire du gouvernement avec la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle (RSP).

Pr Augustin Loada a axé son deuxième point sur les motivations des groupes armés terroristes au Burkina. A ce niveau, il a souligné que la motivation est généralement d’ordre politique et individuel. En effet, il a précisé que l’échec des politiques de décentralisation peut offusquer et frustrer les populations des zones en proie au terrorisme qui ne se sentent pas intégrées dans l’Etat-nation. En termes de perspectives, le premier communicateur dira qu’« au lieu de penser la terreur djihadiste comme un problème exogène affectant la région, il est plus fructueux de la concevoir comme une infection opportuniste dans un corps malade, à savoir l’Etat sahélien ».
Le second intervenant, Serge Oulon, tout en souscrivant à la présentation de son prédécesseur, s’est plutôt contenté de proposer des voies et moyens pour sortir de cette crise qui hante les populations burkinabè.

A l’entendre, il faut que l’Etat parvienne à construire un véritable Etat de droit sur toute l’étendue du territoire national : bâtir l’Etat-nation pour éviter des conflits intercommunautaires (ethniques, religieux).

Le public

Le magistrat Antoine Kaboré, quant à lui, a évoqué la question du jugement des terroristes et la collaboration entre l’unité judiciaire et celle combattante que sont les forces de défense et de sécurité. Il a laissé entendre que la collaboration entre les deux entités pour avoir du renseignement afin de relever les preuves contre les présumés terroristes appréhendés est mitigée, ce qui fait qu’à la date d’aujourd’hui, beaucoup de personnes sont mises aux arrêts mais ne peuvent pas être jugées.

Aussi, il a fait savoir que le jugement traîne par faute de moyens financiers, puisque les détenus doivent être accompagnés par un avocat, selon les textes. Pour terminer, il a invité l’ensemble des Burkinabè à travailler à soigner les relations entre la population et l’Etat, afin de mieux lutter contre l’hydre terroriste. « Nous devons, dit-il, relever le défi du rapport de l’Etat avec ses populations aussi bien dans la sécurisation du territoire que dans son administration ».

Dofinitta Augustin Khan
Lefaso.net

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