Actualités :: Burkina, les 100 premiers jours du MPSR : Entre mimétisme sankariste et (...)

Le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration a fait plus de trois mois au pouvoir. C’est le 24 janvier2022 que la junte a pris le pouvoir à Ouagadougou avec pour objectif de sauvegarder l’intégrité du territoire en luttant contre l’insécurité pour permettre aux personnes déplacées internes de regagner leurs villages occupés par les groupes terroristes. Quelle est la voie empruntée par les putschistes qui ont renversé le régime du président Roch Marc Christian Kaboré ? Quelle analyse peut-on faire de la conduite des affaires du pays ? Quelle est l’image que le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration envoie au peuple à travers ses discours et l’action du gouvernement de transition ? Que dit le MPSR au monde et à nos voisins de ses ambitions ?

Le Burkina Faso n’a pas des institutions fortes mais des hommes forts. Le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration a fait la preuve de cette assertion par son coup d’État du 24 janvier 2022 qui a été accueilli par l’allégresse de certains et l’indifférence et la résignation d’autres.

On aurait pensé que ce pays, qui a connu une insurrection qui a chassé un pouvoir dictatorial de 27 ans qui cherchait à se maintenir par une révision constitutionnelle, ne connaîtrait plus de coup d’État et ne se ferait pas d’illusion sur le pouvoir messianique de quelques hommes. Mais l’histoire se répète et un nouvel homme fort a pris le pouvoir et cherche sa voie entre les faits et les discours de deux anciens hommes forts, amis et camarades qui se sont retrouvés aussi dans une junte qui a renversé le pouvoir du commandant Jean Baptiste Ouédraogo il y a presque quatre décennies.

Le Conseil d’orientation et de suivi de la transition pas encore installé

La nouvelle junte au pouvoir est constituée de militaires dont certains sont connus, affichés et d’autres pas. Le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration ne devrait plus avoir d’existence légale après la mise en place du gouvernement de la transition et de l’Assemblée législative de transition ainsi que du Conseil d’orientation et de suivi de la transition. Ce dernier organe, mais deuxième en rang dans la liste des organes de la transition dressée par la charte, n’est pas encore fonctionnel. Une loi organique devrait fixer sa composition, son fonctionnement et son organisation, étant entendue que sa présidence a déjà été dévolue au président de la transition par la charte.

L’Assemblée législative de transition est en session ordinaire, peut-être qu’elle permettra avec le vote de cette loi de boucler l’architecture institutionnelle de la transition. Du fait que c’est une loi organique, elle passe nécessairement devant le Conseil constitutionnel, ce qui rallonge le délai de sa publication si tout va bien. La publication des membres de ce dernier organe renseignera le peuple sur qui sont les hommes de la transition, ceux qui ont décidé de se mettre à son service.

Une transition révolutionnaire ou restauratrice ?

Les mots ont une charge symbolique très forte et peuvent réveiller des plaies. En lançant un « La patrie ou la mort nous vaincrons » pour signifier son patriotisme et son esprit d’abnégation dans un de ses discours, le lieutenant-colonel Damiba a paniqué ceux qui ont vécu douloureusement l’expérience du CNR. Certains ont crié à la « révolution » qui revient et avec son lot d’exactions et de brimades.

Le président de la transition s’est senti en devoir de rassurer ceux qui ont peur d’un retour au Conseil national de la révolution et les autres qui ont peur d’une restauration du pouvoir de Blaise Compaoré. Le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba a publiquement renié les deux hommes forts qui l’ont précédé en disant que ce ne sera ni la révolution ni la restauration d’un quelconque ancien pouvoir. Mais cela reste des proclamations, des intentions et des discours.

Dans les faits, le gouvernement de la transition a lancé une opération mana mana le 30 avril 2022 comme le faisait le régime du CNR, sans même prendre le recul de l’analyse de cette expérience pour voir les acquis et les insuffisances face au contexte actuel. Est-ce que l’assainissement et l’hygiène à Ouagadougou se posent dans les mêmes termes qu’en 1983 ? Avec une population de moins de 500 000 habitants en 1985 selon l’INSD, Ouagadougou compte aujourd’hui selon https://worldpopulationreview.com/world-cities/ouagadougou-population 3 055 788 habitants. Est-ce avec une vision vieille de quarante ans que l’on doit voir ce problème, avec une population qui a été multipliée par six et plus et une ville qui s’est étalée sur plusieurs kilomètres ?

Le gouvernement de transition avec cette opération mana mana ne recherche ni l’assainissement de Ouagadougou, ni son embellissement, ni l’hygiène pour les Ouagalais. Si ces objectifs étaient prioritaires ce sont les ministères en charge de l’assainissement, de la ville et de l’hygiène qui conduiraient cette opération et rechercheraient des solutions techniques pour l’atteinte des trois objectifs.

Mais c’est le ministère de la Jeunesse qui est au-devant pour mobiliser les jeunes et faire du régime un pouvoir qui mobilise, qui a la confiance et l’amour de la jeunesse. C’est une erreur de s’engager dans de telles voies conseillées sans doute par les entrepreneurs politiques qui veulent se servir de la transition.

La transition a réorganisé le commandement de l’armée qui a vu l’arrivée de bon nombre d’anciens du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui protégeait le dictateur déchu Blaise Compaoré, ce que certains interprètent comme une volonté de restauration du pouvoir chassé par l’insurrection.

Les militaires savent maintenant que la politique est binaire avec des mécontents que génèrent toujours ce que vous faites. Et les bienheureux que suscite votre action cachent souvent leur joie. En trois mois personne ne voit quelle direction et quel sens prendra la tournure des évènements. Le fait le plus grave est que le président de la transition a demandé d’attendre cinq mois pour avoir des résultats des actions de lutte contre le terrorisme. Ce délai de cinq mois court-il à partir de janvier ou de la date du discours en avril ?

Les 100 premiers jours du MPSR ont été consacré à asseoir le pouvoir au niveau de l’armée et l’accompagner des oripeaux de l’Assemblée législative de transition et du gouvernement. Il n’y a pas de visibilité sur les succès de la lutte contre le terrorisme. On peut même dire qu’elle s’est dégradée depuis le coup d’État. La volonté de dialoguer avec les groupes terroristes a été annoncée par l’État publiquement mais il charge les autorités locales coutumières et religieuses de le faire.

Avec nos voisins et la CEDEAO, le régime semble être sur la bonne voie du dialogue et de la concertation. Le MPSR a dû se rendre compte que les questions sur la refondation de l’État que les entrepreneurs politiques ont introduit dans les objectifs de la transition auront du mal à se concrétiser quand ceux qui sont chargés de les promouvoir n’ont pas renoncé à se mettre à la mangeoire du Trésor public.
L’Assemblée législative de transition doit revenir sur le contenu de la Charte et décider de travailler bénévolement (primes de session seulement) pour confirmer qu’elle veut changer les règles du jeu et promouvoir les valeurs de la transition pour refonder l’État.

Sana Guy
Lefaso.net

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