Actualités :: Nomadisme politique au Burkina : « J’avais proposé qu’on frappe d’indignité (...)

En marge de la rencontre que la direction politique de son parti, l’Union pour le progrès et le changement (UPC, 4e force politique du pays) a eue, samedi 26 mars 2022 à Ouagadougou, avec ses représentants provinciaux et anciens élus, Adama Sosso, 2e vice-président chargé des affaires politiques, a bien voulu se prononcer sur des éléments de l’actualité politique. Dans cette interview, il parle également du passage de son parti dans le dernier gouvernement Kaboré.

Lefaso.net : La direction politique de votre parti vient de sortir d’une rencontre avec les représentants provinciaux et les anciens élus du parti, la première sortie publique après le coup d’Etat. Quel était l’objet ?

Adama Sosso : Effectivement, nous avons rencontré ensemble, les secrétaires généraux provinciaux du parti, les anciens députés depuis la création du parti, les anciens maires et les anciens présidents de Conseils régionaux obtenus lors des différentes consultations. L’objectif principal était de remercier les uns et les autres, les encourager. Vous savez que pour beaucoup, le mandat passé a été écourté, les gens se sont sacrifiés, ils se sont battus pour le parti. Et lorsqu’une situation de ce genre arrive, il est indispensable que le parti les rencontre et leur traduise sa solidarité envers eux et en même temps, leur faire comprendre que le combat, la lutte politique est ainsi faite. Il faut se réorganiser pour pouvoir rebondir. Nous avons donc appelé à la solidarité, à l’unité au sein du parti et surtout au respect de la discipline du parti.

Etes-vous satisfaits du niveau de participation ?

Pratiquement tous ont répondu ; je n’ai pas le chiffre, mais presque tous étaient là. En dehors de quelques exceptions (absences excusées) pour cause de santé ou causes sociales. C’est pour donc dire que les gens ont véritablement répondu à l’appel.

Une telle rencontre était-elle une demande de ces cadres du parti, des militants à la base ou de la direction politique de l’UPC ?

C’est la direction politique qui, lors d’une réunion du bureau exécutif central, a pris la décision de les rencontrer. Nous savions aussi que les gens attendaient cela, parce qu’individuellement, ils nous appelaient pour en savoir davantage sur la situation et avoir le message à tenir aux militants. L’un dans l’autre, la direction politique du parti a décidé donc de convoquer cette rencontre.

Quelle est la préoccupation majeure qui vous est remontée par ces représentants provinciaux et anciens élus du parti ?

La principale préoccupation, c’est « que faire ? » Les gens ont eu une information qui n’était pas vraie, parce que pour beaucoup, c’est comme si avec l’avènement du MPSR (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration), les partis politiques devaient suspendre leurs activités. Nous les avons rassuré que ce n’est pas ce que les nouvelles autorités ont demandé. Les organes (de la transition, ndlr) sont en train de se mettre en place et même les partis politiques y participent. Donc, il n’a jamais été question pour les partis politiques d’arrêter leurs activités. Nous leur avons dit qu’il faut que cette information soit partagée pour que les gens se mettent au travail. Nous avons également un congrès à venir, d’ici à la fin de l’année (2022). Donc, c’était aussi une occasion d’échanger avec ces cadres sur cette instance statutaire à venir ; parce que, quand vous êtes député ou maire, vous êtes celui-là qui porte le message du parti.

Quel est désormais le mot d’ordre de la direction politique à ses représentants provinciaux et anciens élus, pour l’ensemble des militants à la base ?

C’est de continuer la mobilisation ; parce que nous avons un travail d’implantation du parti à faire. Vous avez constaté qu’après les élections de novembre 2020, l’UPC a chuté. Nous étions la deuxième force politique, nous sommes passés à la troisième place. Donc, le mot d’ordre, c’est de travailler à surmonter ces difficultés. Ce qui passe forcément par l’implantation du parti et la formation de nos militants.

On assiste depuis le coup d’Etat, surtout ces derniers jours, à une vague de démissions de cadres au sein de plusieurs partis politiques, avec le grand nombre au sein de l’ex-parti au pouvoir, le MPP. Quel est l’état des lieux à l’UPC ?

On s’attendait à cela. Dans tous les pays du monde, pas au Burkina seulement, quand un parti perd le pouvoir, c’est automatiquement une refondation. C’est ainsi parce que, malheureusement, dans nos partis politiques, la formation n’est pas de mise. Donc, nous nous attendions plus ou moins à cela. En ce qui concerne l’UPC, vous l’aurez constaté, sur les listes qui circulent, on n’enregistre qu’une seule démission. A ce sujet, j’ai expliqué tout de suite aux camarades que la démission que nous avons enregistrée n’est pas liée à cette vague de démissions. C’est vrai que c’est maintenant que c’est connu, mais avant même la chute du pouvoir, le camarade en question avait déposé sa lettre de démission et il avait même signifié à l’Assemblée nationale qu’il quittait son poste de député. C’est un homme d’affaires, il a estimé qu’après une année de travail à l’Assemblée nationale, il était bon qu’il continue ses affaires. Donc, ce n’est pas lié à cette actualité de démissions.

Comment analysez-vous cette situation de démissions de cadres au sein de l’ex-parti au pouvoir, moins de deux mois après la perte du pouvoir et au moment où un, du trio meneur du parti, l’ex-président du Faso, Roch Kaboré, est toujours dans des liens de détention ? On parle d’un nouveau parti politique en gestation et c’est quasiment une ruée pour le positionnement !

Il faut d’abord attendre de voir, parce qu’après un coup d’Etat, les cartes sont toujours à rebattre. Chacun a son ambition, l’objectif, qui l’amène en politique. Deuxio, il y a, en politique, tellement d’attachements à des personnes, de sorte que lorsqu’elles ne sont plus à la manœuvre, des gens se disent aussi que leur adhésion au parti ne sert plus. Ils étaient là-bas à cause de X ou de Y ; à partir du moment où la personne n’est plus là, ils préfèrent partir. C’est cela qui explique, de mon point de vue, tous ces mouvements. Même demain, on aura encore des démissions, c’est sûr. Pour nous, ce qui est important, c’est ce qu’on a dit à nos camarades : donner une autre image de l’homme politique.

Il ne faut pas que l’image qu’on colle à l’homme politique continue de nous être collée, c’est-à-dire comme si on courait derrière des avantages et autres. Non ! On doit avoir un idéal et des ambitions. C’est ce message que nous avons partagé avec nos camarades, tout en reconnaissant le droit pour chacun d’adhérer librement à un parti et de partir librement, si à un moment donné, il estime que ses intérêts ne se trouvent plus dans ce parti. Nous n’en faisons vraiment pas un problème. Nous rappelons simplement qu’à un moment donné, il y avait des camarades qui avaient démissionné, le parti avait réagi, mais c’est parce que nos mandats étaient entre leurs mains (crise née de la création de deux groupes parlementaires UPC à l’Assemblée nationale sous la législature 2015-2020, ndlr).

Si vous êtes élus sous la bannière d’un parti politique et qu’à un moment donné, vous décidez de quitter le parti, il faut avoir le courage de remettre le mandat. C’est cela l’objet de notre lutte, ce n’était pas la démission en tant que telle qui nous posait problème. J’en profite également pour dire que lors d’une rencontre entre membres de l’APMP (Alliance des partis et formations politiques de la majorité présidentielle), j’avais proposé justement qu’on frappe d’indignité politique, tout homme politique qui se hasarderait à faire cela. Si vous êtes élus sous la bannière d’une formation politique, vous avez utilisé ses moyens, ses relations, son image…, le jour où voulez partir, ayez le courage de partir en lui laissant sa propriété. Mais si vous vous cachez derrière la loi et vous partez avec ça, vous avez trahi tous ceux qui vous ont élu à un moment donné. Ce qui n’est pas normal. Malheureusement, ça n’a pas prospéré à l’époque. Mais petit-à-petit, on comprendra qu’en tant qu’hommes politiques, nous avons une obligation de respect vis-à-vis de ceux qui nous ont élus.

Vous évoquez la question des valeurs en politique, l’idéal. L’actualité de défection au sein du MPP, dans le contexte socio-politique actuel, ne vient-elle pas renforcer le regard péjoratif des populations vis-à-vis du politique, lui qui perdait déjà son capital de confiance auprès de l’opinion ?

Effectivement, vous avez raison. C’est pour cela, si j’ai un appel à lancer à ceux qui ont démissionné, c’est qu’ils doivent travailler à expliquer leur acte. On doit pouvoir entrer librement et ressortir librement d’un parti politique. Donc, une démission ne devrait pas être un problème. Mais, il faut bien qu’on l’annonce. Il faut expliquer pourquoi vous avez démissionné. Vous savez, tout dépend de comment on est arrivé en politique. Il y a des gens qui y sont, comme je l’ai dit plus haut, à cause d’individus, si fait que s’ils ne sont pas là, eux aussi sont partis. Ce n’est pas l’idéal, mais on ne peut pas les condamner pour cela. Mais il faut qu’ils expliquent clairement qu’ils étaient venus à cause de telle ou telle autre personne et comme elle n’est plus là, ils s’en vont. C’est pourquoi, nous nous attendons à ce que ceux qui sont en train de partir, avec probablement le parti qui est en train de vouloir se créer (à ce qu’on dit), expliquent au peuple burkinabè, les raisons pour lesquelles ils sont partis.

Transition de trois ans, la politique dans un rôle secondaire. N’est-ce pas fatal pour les partis politiques ?

A quelque chose, malheur est bon. Il faut reconnaître que 80% des partis politiques au Burkina Faso sont créés autour d’un pouvoir en place. Ce qui fausse le jeu politique. C’est ce qui fait que je dis qu’à quelque chose, malheur est bon. Ces trois années de transition vont permettre une décantation, parce que tous les partis qui sont créés autour du pouvoir vont disparaître ; ils n’auront pas les moyens (pourtant, le fonctionnement d’un parti politique nécessite beaucoup de moyens).

Nous espérons donc que cette période soit mise à profit pour décanter le terrain politique. Dans un pays comme le Burkina Faso, a-t-on vraiment besoin de 200 partis politiques ? Ils cherchent quoi ? Au lieu de se regrouper pour chercher des idées fortes, on préfère créer un parti politique comme moyen pour se faire de l’argent. Si vous faites le point, vous vous rendrez compte que les partis politiques qui sont à mesure de fonctionner, d’investir dans la formation, l’éveil des consciences et autres éducations, vous n’en trouverez pas assez.

Il y a des partis qui ne peuvent même pas tenir une assemblée générale, le parti se résume à une ou deux personnes. Ça ne sert pas le pays. C’est ce qui fait que l’homme politique est souvent raillé, considéré comme celui-là qui ne connaît pas de valeurs morales, alors que non ! Voilà pourquoi, je souhaite que cette période serve aussi à assainir le milieu. Il faut que les partis politiques forment leurs militants, parce que si vous n’avez pas de gens formés, vous n’aurez que des sujets.

Vous avez rejoint la majorité présidentielle à l’issue des élections de novembre 2020, votre mandat s’écourte avec le coup d’Etat. Regret d’avoir fait un mauvais casting ou d’une bonne foi interrompue ?

On n’a pas fait un mauvais casting. Seulement, ça nous fait mal que toute la bonne volonté qu’on avait n’ait pas été prise en charge. Nous sommes passés à la majorité avec uniquement notre volonté, parce que vous avez vu le portefeuille ministériel qu’on nous a donné, ce n’est donc pas, comme certains le pensent, comme si on partait ‘‘manger’’. Il n’y avait pas de postes à pourvoir, c’était juste un cabinet. Mais, nous avons accepté, parce que nous nous sommes dit que pendant la campagne, nous avons mis l’accent sur le volet réconciliation, et le Burkina Faso est en crise.

On s’est donc dit que c’est un moyen pour nous d’apporter notre contribution, expliquer aux gens et ils comprendront, au moins pour une fois, qu’il y a des partis qui sont sérieux, qui acceptent d’aller sans attendre beaucoup de choses. Ce qui me fait un peu mal, c’est vraiment cette volonté qu’on avait et qui a été gaspillée par une mauvaise gestion du pouvoir. Ça, il faut le reconnaître, il y a eu une défaillance dans la gestion du pouvoir. On est aussi comptable. Mais ça ne cause aucun problème, parce qu’on n’avait aucun autre objectif en y allant. Si on avait un autre objectif que celui de servir l’intérêt des Burkinabè, peut-être qu’on allait souffrir plus. Mais, le seul objectif qu’on avait en allant, c’était de contribuer à résoudre les problèmes du pays. Les nouvelles autorités poursuivent dans cette lancée de la réconciliation, je pense que nous avons fait œuvre utile.

On parle de refondation. Que doivent faire les partis politiques dans cette parenthèse de transition pour se repositionner et répondre à leur vocation, en se détachant des clichés ?

L’homme politique doit être un développeur. Il n’y a pas dix mille solutions. Il faut que l’homme politique soit un développeur, c’est-à-dire quelqu’un qui a une vision pour son pays. Ce temps de transition doit permettre à chacun de faire une introspection, se demander ce qu’il fait dans l’arène politique. Si ce n’est pas pour des intérêts du pays, si c’est pour gagner de l’argent, c’est mieux d’aller faire des affaires ou autre chose. Mon souhait est qu’à la fin de la transition, on ait une nouvelle génération d’hommes politiques développeurs. Quand je dis nouvelle génération, je ne parle pas d’âge ; la nouvelle génération n’a rien à avoir avec l’âge. Une nouvelle génération, c’est une question de mentalité.

Interview réalisée par Oumar L. Ouédraogo
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