Actualités :: Djibo : Former le poing et le maintenir haut et ferme

Djibo, chef-lieu de la province du Soum, l’une des quatre provinces de la région administrative du Sahel constituée de neuf départements, est une ville martyrisée. Depuis 2016, cette province est particulièrement menacée par la violence politique (au sens de Bosi, 2012). Depuis peu de jours, il s’y déroule une situation inconfortable.

Des voix de détresse, des cris stridents s’élèvent pour appeler à la rescousse face à cette situation de confinement et de prise en otage. Cette attitude humaine de crier au secours est de bon ton. Toutefois, la communication autour de cette situation malheureuse est surannée car elle ne fera qu’exacerber la psychose. Dans cette tribune, l’auteur de cette réflexion escompte, d’une part, fouetter l’amour propre des djibolais et en particulier celui des djelgobè afin qu’ils puisent dans leurs ressorts psychologiques et leurs résiliences légendaires pour tirer les ressources nécessaires pour continuer à vivre d’autant que ceux qui menacent leur quiétude ont peur de vivre.

D’autre part, il invite les uns et les autres à arrêter de se faire réciproquement peur. A l’autorité centrale et aux leaders d’opinions locaux, l’auteur les interpellent de jouer leurs partitions en prospectant les axes ci-dessous énumérés tirés de ses résultats de recherches empiriques. Jusque-là, nous avions progressivement assisté à une victimisation jamais égalée eu égard au pourrissement du contexte sociopolitique national ainsi que des excès langagiers de pêcheurs en eau trouble qui ont opté manifestement pour une agression idéologique.

La peur est un sentiment humain et comme pour tout sentiment, la peur peut prendre des proportions inquiétantes, et démesurées dans la vie d’une personne, et se transformer en une émotion paralysante comme la phobie, ou la frayeur, devenir obsessionnelle et virer au cauchemar ou à la paranoïa. La stratégie des groupes armés consiste à : « infliger des dommages matériels, psychologiques et symboliques à des individus et/ ou à leurs biens dans le but d’obtenir le soutien ou l’opposition de publics variés à des changements politiques, sociaux et/ou culturels (Bosi, 2012) ». La rhétorique martiale en tant que réponse a montré ses limites en ce que la violence alimente toujours la violence. Le point de la situation a été suffisamment documenté, il nous reste qu’à former le poing. Que faire face aux assauts répétés des gens de la brousse ?

Mille poussins réunis font quand même peur à l’épervier

Les résultats d’une recherche que nous avons publié en 2018 montraient que plus généralement lorsque dans une région administrative, une .personne sur deux, au moins, affirme n’avoir pas peur des attaques armées, cela réduit de 7,3% la propension à la peur dans cette région et ce comparativement aux régions où le taux de sérénité (n’a pas peur des attaques armées) n’excède pas les 49% (taux de sérénité au plan national). C’est peu de dire que la débandade actuelle n’est pas la solution en ce que tant que le mur n’est pas fissuré, le lézard n’y entrera pas. Ce premier niveau de mobilisation est un impératif, une condition nécessaire avant toute intervention militaire attendue par plus d’un.

2- Positionner les forces de défense et de sécurité auprès de populations
On le sait qu’il existe un désamour entre FDS et populations. Nonobstant que les rapports de confiance entre la population et les FDS sont contrariés dans cette partie du pays, il est intéressant de faire observer que la présence des forces de défense et de sécurité (police, gendarmerie) réduit de 13 ; 6%
la propension à avoir peur des attaques armées (BEMAHOUN, 2018). La situation actuelle commande que stratégiquement que les forces de défense maintiennent des positions avancées motorisées afin de maintenir très haut la ligne de front d’une part ; et pister de plus près les gens de la brousse.

S’il est évident que les forces de défenses et de sécurité doivent impérativement intervenir pour lever cet état de siège, accepterons nous enfin d’assumer les conséquences des dégâts collatéraux, les pertes en vies humaines pour ne citer que cet exemple qui a suscité de la clameur dans un passé récent. L’adage est bien clair, on ne fait pas des omelettes sans casser les œufs. C’est dire également qu’on ne peut vouloir le pain et l’argent du pain à la fois. C’est incohérent, abracadabra.

Aide-toi, et le ciel t’aidera

Des hommes de valeur on en a connu de par le passé, des hommes d’honneur, il en existe toujours. C’est connu, « Djelgowo dôgata, mourra o maya (lire en fulfuldé) », littéralement un ressortissant de l’espace culturel du Djelgodji (Djelgowo en fulfulé) ne prend pas ses jambes au cou même s’il doit mourir. Alors dans cette entreprise, nos responsabilités individuelles et collectives sont questionnées avant une quelconque intervention militaire.

En définitive, nous sommes fondés à croire que l’implémentation des trois (03) axes ci-dessus cités pourrait ramener la quiétude. Il y a pire qu’échouer, c’est de ne jamais essayer. De par le passé, dans les années 93- 94, les populations ont courageusement affronté la situation insécuritaire occasionnée par les mouvements touaregs du nord du Mali d’alors. C’est connu que les valeurs (courage, ténacité, honneur) du « Djelgowo » ont été des adjuvants qui ont permis d’affronter des situations similaires. Si nous voulons rester dignes de nos ancêtres, ce n’est pas en se faisant peur réciproquement en relayant via les TIC des messages de psychose. Pour sûr, nous vaincrons ceux qui nous endeuillent et menacent de prendre en otage Djibo par un blocus.

« La patrie ou la mort, nous vaincrons ! ». Il n’y a pas d’alternative crédible que de résister ou de périr lâchement. Cette dernière attitude ne nous ressemble pas ! C’est pourquoi soutenons-nous avec le politologue états-unien Dwight Macdonald ceci : « Don’t agonize, organise ! ». Car c’est de notre responsabilité citoyenne, en effet. Et aussi, en raison du fait que la « peur est mauvaise conseillère ». Résidents des communes de Djibo, Barouboulé, Nassoumbou, Diguel, Tongomael, Pôbé-Mengao, Koutougou, Arbinda, formez le poing aujourd’hui, et la postérité jugera de sa pertinence plus tard.

BEMAHOUN Honko Roger Judicaël
Statisticien-économiste, analyste politique
Ouagadougou, le 16 Mars 2022

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