Actualités :: Transition au Burkina : « Il faut éviter l’erreur de 2014, à savoir une (...)

Après le meeting de soutien (19 février 2022) au Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) de la Coalition des forces-vives du Burkina Faso, l’heure est au bilan et aux perspectives. Lucien Zié, secrétaire général du Mouvement le Faso, ma patrie (MFP), une des coalitions organisatrices dudit meeting, se prononce sur des contours de la transition et interpelle les acteurs de la société civile.

Lefaso.net : Quel bilan faites-vous du meeting de soutien aux nouvelles autorités du 19 février 2022 ?

Lucien Zié : Grâce au travail de toutes les commissions mises en place, l’objectif fixé a été atteint. Le jour du meeting, nous avons constaté la forte mobilisation des populations. De nombreux artistes ont apporté leur voix à la cause et la presse également. La Place de la nation était remplie jusqu’aux axes qui la jouxtent. Nous avons pu livrer le message que nous avions et on a demandé aux participants de relayer ce message de sensibilisation à leurs bases. Nous sommes satisfaits donc de la mobilisation, car le meeting, nous n’avons eu que seulement deux jours pour la mobilisation.

Qui parle de ce meeting, parle aussi de l’actualité qui l’a entouré. On a ouï-dire qu’il y a eu des convoyages des participants et des personnes sont mêmes venues de l’intérieur du pays. Qu’en est-il exactement ?

Nous sommes dans un pays où la politique a une certaine expression, chacun veut donner son opinion. Il faut dire que nous avions lancé un appel à toutes les localités, à la mobilisation de toutes les filles et tous les fils pour participer au meeting au plan national, à la Place de la nation. Plusieurs provinces se sont organisées et ont décidé de trouver leur modalité de déplacements. Les gens n’ont pas voulu se déplacer avec des motos et autres, ils se sont associés, avec le soutien, dans certaines localités, de bonnes volontés, ils sont parvenus à louer des véhicules pour venir à Ouagadougou. Les localités étaient libres de leur organisation.

La société civile à sa manière de mobiliser ses ressources pour mener ses activités ; il y a des personnes de bonnes volontés qui ont soutenu l’action. C’est l’ensemble des efforts qui ont permis à certains de rejoindre Ouagadougou en groupes.

Ce n’était donc pas une initiative planifiée au niveau des organisateurs que vous êtes ?

Nous n’avons même ces moyens ! Ce que nous avons fait, c’est simplement d’avoir dit à la commission chargée de la logistique, de prendre attache avec les leaders au niveau des provinces afin de voir comment ils pouvaient échanger avec les filles et fils de leur localité, de bonnes volontés pour le déplacement, si possible. D’une manière ou d’une autre, vous verrez que dans l’organisation, c’est un appel à la mobilisation des ressources que nous avons lancé et tous ceux qui pouvaient apporter quelque chose l’ont fait.

Il n’y a donc pas eu un apport quelconque des autorités du MPSR ?

Si vous vous rappelez, avant même notre meeting, le MPSR avait déjà ouvert un compte au niveau du trésor public et il demandait à ce que les filles et fils du pays puissent contribuer à la solidarité avec les déplacés internes. Le MPSR ne peut donc pas venir encore financer la société civile pour mener des activités ! Je pense que ce n’est pas la bonne manière et ce n’est pas ce qui a été fait. Mais, comme nous sommes dans un Etat où c’est la libre expression, la spéculation se comprend. Je pense qu’elle est alimentée et véhiculée par ceux-là qui ont perdu le pouvoir, des mécontents, dans le but d’influencer l’opinion. Ça se comprend donc. Je ne pense pas que le MPSR s’engage dans de telles logiques.

D’aucuns estiment que ce genre d’activités sont de vieilles pratiques, décriées, qu’elles ne rendent pas service aux nouvelles autorités qui entendent faire une refondation en rompant avec ces pratiques également.

Je ne pense pas que ce meeting soit pris de cette manière. Mais, en réalité, ceux qui regardent ainsi la chose, sont ceux-là qui ont été là depuis plus d’une décennie, à mobiliser les gens de cette manière. Notre mobilisation était désintéressée et les gens ont effectué le déplacement pour la cause nationale et par patriotisme. Le reste, ce sont simplement des spéculations et il faut les considérer comme telles. Ce que nous avons fait n’a rien à avoir donc avec ce qui se passe pendant les grandes mobilisations, où on fait venir des gens, on leur donne des billets de banque et on remplit des stades ou des salles emblématiques.

Ce n’est pas ce qui s’est passé. Il y a eu de bonnes volontés ; des gens qui ont donné par exemple des sachets d’eau. Notre meeting visait simplement à apporter un soutien au MPSR pour le courage qu’il a eu de prendre le pouvoir pour sauver la patrie. De toute façon, nous, société civile, étions déjà dans cette dynamique en demandant la démission du président (Roch Kaboré). Dès lors que cela est arrivé, ce que nous pouvons faire, c’est vraiment cette activité de soutien à ceux qui sont arrivés pour sauver la mère-patrie. Pour nous, c’est un soutien nécessaire de la part de tout le monde.

Depuis lors, il y a des actes posés par les autorités, notamment les assises nationales sur la Charte de la transition, la nomination d’un Premier ministre et la mise en place d’un gouvernement. Comment votre mouvement a-t-il assisté à tout cela ?

Le Mouvement Le Faso, Ma Patrie, dont je suis le secrétaire général, n’a pas pris part aux assises. La participation au niveau de la société civile a connu des actes qui ont mis dans une situation inconfortable certains mouvements de la société civile. Le Mouvement Le Faso, Ma Patrie n’a pas été impliqué dans les assises, il n’y a pas participé.

Aucun militant à notre niveau n’a participé à ces assises. Quand nous avons cherché à comprendre pourquoi, les mouvements qui ont participé, on dit que ce sont les autorités qui ont invité leurs militants à participer. Nous n’avons pas caché notre mécontentement face à cette façon de faire. Nous avons dit aux leaders des mouvements qui ont participé qu’il ne revenait pas aux autorités d’appeler les militants des mouvements, individuellement, pour prendre part aux assises. Elles devraient nous informer et nous (coalitions), à notre tour, désignons les personnes aptes à participer. Nous avons donc touché les autorités en charge de la question, qui ont dit que ce n’est pas vrai.

Elles nous ont simplement fait comprendre qu’elles n’ont pas appelé les militants individuellement ; elles ont simplement appelé des leaders d’organisations qui devaient relayer l’information au niveau des différentes coalitions pour s’organiser et désigner les participants aux assises. Ces leaders se sont donc assis sur l’information et ont simplement placé leurs militants. Si fait qu’il y a eu des coalitions qui ont eu plus de dix représentants tandis que d’autres en avaient un seul et les autres, comme nous, n’ont eu aucun participant. Mais, comme les autorités nous expliqué, nous avons compris que c’est un acte de mauvaise foi de la part de certains leaders de la société civile. Nous avons donc tu la question, car nous pensons que la société civile doit agir avec une certaine crédibilité et honnêteté.

Ce qui voudrait dire que même la désignation des représentants de la société civile au sein de l’Assemblée législative de la transition va poser problème !

Oui, ça va poser un grand problème, parce qu’il faut dire que des membres ont été déjà désignés et une liste a été remise au MATD (ministère en charge des libertés publiques). Cette liste comporte les noms et adresses de mouvements.

Malheureusement, sur cette liste, lorsque j’étais au MATD, le lundi, 7 mars, ils m’ont fait savoir que notre mouvement n’y figure pas. J’ai fait un retour à ma base, informé les militants et ils m’ont dit qu’il n’y a pas de souci. Néanmoins, nous avons tenté de comprendre cela auprès des autorités chargées de la question, et elles ont dit ne pas savoir.

Mais pour nous, cela n’est pas un problème parce que notre vision, c’est d’apporter notre contribution à la construction de la nation, quel que ce soit le lieu où on se retrouve. Nous mettre à l’écart, ce n’est pas un problème, cela ne nous empêche pas de travailler. C’est malheureux que les choses se passent ainsi, parce qu’avec cette façon de désigner, je me demande ce que certains vont représenter au sein de l’Assemblée législative de la transition. Il y a eu des mouvements qui ont mené depuis longtemps des luttes pour le pays, tandis que certains sont nés dans le sillage de la transition. Mais cela n’enlève en rien l’engagement du mouvement Le Faso, ma Patrie sur le terrain et dans la vision qu’il prône.

Nous n’avons pas pour vocation de nous battre pour des postes, mais plutôt pour un idéal commun au Burkina Faso. Par exemple, si nous étions aux assises, nous aurions donné de la voix pour que les syndicats soient clairement pris en compte dans la Charte à travers les quotas. Il n’y a pas de quota donné aux syndicats. Pourtant, ils sont une frange importante qui devait être prise en compte. Les syndicats font certes partie du grand ensemble de la société civile, mais ce sont des partenaires sociaux très importants dont le quota devait ressortir clairement dans le document. Pour moi, le document n’est pas suffisamment inclusif.

Comment avez-vous apprécié la désignation du Premier ministre, Dr Albert Ouédraogo ?

Je ne le connais pas, personnellement. C’est avec le dévoilement de son visage et de son curriculum vitae qu’on a cherché à savoir davantage sur lui. Je pense qu’il est une personne ressource, à en croire les témoignages et les écrits sur lui. Je me dis qu’il est une personne neutre (quand bien même, personne n’est si neutre) ; le fait qu’il ne soit pas connu dans la politique active est une bonne chose. Il peut ne pas entrer dans les considérations politiques et cela va l’aider dans son travail. On espère vraiment qu’il travaille selon les attentes du peuple. Actuellement, c’est la sécurité et les conditions de vie des populations qui préoccupent.

Et la composition du gouvernement ?

Là où j’ai encore été très fier, c’est le fait qu’on ait dédié un département entier au volet solidarité nationale et à l’action humanitaire. C’est important, parce que l’arrivée des nouvelles autorités se justifie aussi par la généralisation de l’insécurité et la situation humanitaire occasionnée par les lots de déplacés internes qui ne cessent d’accroître. C’est donc très important.

Au niveau du département de la Fonction publique, on prend aussi un monsieur, que j’appelle le « général », qui a servi pendant huit ans au niveau de la CGT-B, pour mettre comme ministre. Je trouve que ça a été bien pensé ; parce que Bassolma Bazié a toujours décrié et combattu les mauvaises pratiques des gouvernants. Il est une ressource importante. C’est donc dire que les autorités ont travaillé à ce niveau également. Bassolma Bazié est un homme de principes et je pense qu’il va travailler à corriger certaines injustices au niveau du monde du travail. Quant aux autres membres également, il n’y a rien à dire, c’est un gouvernement de combat et notre souhait, c’est qu’il réussisse à ramener rapidement la sécurité et une paix aux populations.

A cette étape de la transition, qu’avez-vous comme message à vos membres, à la société civile et à l’ensemble des Burkinabè ?

A nos membres, je dirai qu’en tant que mouvement de la société civile, le combat que nous avons engagé depuis 2021 ne peut en aucun cas cesser avec l’avènement des nouvelles autorités de la transition. Nous devons toujours continuer le combat, veiller à ce qu’il n’y ait pas de dérives. S’il y a des dérives, il faut les dénoncer. Nous ne pouvons pas nous taire, en nous disant que ce sont de nouvelles autorités. Non, la transition ne veut pas dire qu’il faut fermer les yeux ; il faut continuer à dénoncer, interpeller pour la bonne marche des choses. S’il y a aussi des actes des autorités qui méritent d’être encouragés et accompagnés, il faut le faire et nous n’hésiterons pas. Ceux qui ont pris le courage de venir sauver la patrie méritent d’être félicités et accompagnés pour qu’ils puissent atteindre l’objectif.

A la société civile, je dirai de tenir compte du contexte, qui est que notre lutte actuelle est celle de la survie de notre pays. On ne doit donc pas s’agripper aux considérations égoïstes. Il faut se mettre au-dessus des intérêts personnels et des intérêts de groupes et ne pas commettre l’erreur de 2014, à savoir une société civile qui s’est laissée entraîner par les autorités de l’époque. Nous devons donc rester lucides et toujours continuer le combat que de se laisser perdre dans des guéguerres. Nous, nous avons notre objectif et la lutte se poursuit à notre niveau.

A l’ensemble du peuple, c’est également un message à la mobilisation derrière ces nouvelles autorités. Nous ne devons pas observer, nous devons nous mobiliser pour les soutenir, car c’est la patrie qui est en jeu. Les nouvelles autorités font partie du peuple et c’est ensemble que nous irons à la victoire. Notre pays est dans une situation critique, qui a besoin du concours de tout le monde. Donc, nous devons nous unir autour des autorités de la transition. C’est à ce prix-là que nous allons pouvoir atteindre l’objectif commun et faire le bonheur de notre pays, le Burkina Faso.

Entretien réalisé par O.H.L
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