Actualités :: Tribune : Retour vers le futur

Pour certains Africains, des concepts comme la lutte contre le changement climatique, le genre, la protection sociale, la santé environnementale et l’approche Onehealth, sont des modèles de développement importés, or il n’en n’est rien. C’est plutôt l’inverse qui est vrai. Que proposaient nos sociétés traditionnelles africaines et nos leaders éclairés en matière de genre, protection de l’environnement, protection sociale et santé ? C’est la question à laquelle répond Aïcha Yatabary, titulaire d’un Master en santé publique et d’un DU en affaires humanitaires et coopération international et Consultante en santé publique axée sur les questions de durabilité et de genre.

Genre

La femme a toujours occupé un rôle de pilier de la famille dans les sociétés traditionnelles africaines, elle qui joue un rôle de procréatrice et d’éducatrice lorsqu’elle est jeune, et de conseillère discrète et ciment de l’unité de la famille quant elle prend de l’âge. Elle jouait aussi un rôle économique majeur dans la famille traditionnelle africaine, par ses activités liées à l’agriculture, au commerce ou à l’artisanat. Cela est vérifié dans les sociétés matriarcales aussi bien que les sociétés patriarcales.

D’abord les sociétés matriarcales.

Chez les Lobis et les Gans (que certains rattachent aux Lobis) du Burkina Faso, le matriarcat est la règle ou prédomine. Chez les Lobis, la transmission du pouvoir économique (richesses) se fait selon le mode matriarcal. La femme transmet aussi son nom aux enfants.

Chez les Moagas, la première femme du chef joue le rôle de conseillère politique et juridique et la première fille du chef assure l’intérim du pouvoir à la mort de celui-ci.
On trouve aussi des sociétés matriarcales au Ghana. En pays Ashanti, la Reine-mère, qui connaît bien la généalogie de la famille royale et n’est pas forcément la mère du roi (elle peut être une grande tante ou une grande cousine), joue un rôle majeur dans le choix du souverain. C’est donc la faiseuse de rois, disposant de sa propre cour composée de dignitaires. Son siège est souvent en or au même titre que le siège royal. C’est la conseillère du souverain sur les questions politiques, sanitaires, celles liées aux femmes et à l’éducation.

Concernant les sociétés patriarcales, la Charte de Kuruga Fuga promulguée par Soundiata Kéita, à la tête de l’empire Mandingue dont sont issues beaucoup de Nations d’Afrique de l’Ouest, illustre bien la place qui était dévolue à la femme au sein de celles-ci. Cette Charte, qui constitue l’une des premières déclarations universelles des droits de l’Homme ne stipule t-elle pas ceci :

"N’offensez jamais les femmes, nos mères. " (article 14)
" Les femmes doivent être associées à tous nos gouvernements." (article 16)

Environnement

Dans l’Afrique traditionnelle, les sages étaient imprégnés des notions d’écologie et de protection de l’environnement, c’est pour cette raison qu’il existait des forêts sacrées et qu’il était interdit de se rendre à la rivière, au fleuve, ou de chasser certains jours de la semaine. Tout le monde devait balayer devant sa case le matin et le faisait. Les villages étaient toujours propres.

Thomas Sankara est un héros moderne africain et nous ne manquerons jamais de le citer chaque fois qu’un exemple de leadership et de vision nous est nécessaire pour illustrer la nécessité de penser un développement dévolu au bien-être des populations. Un développement qui ne compromet pas la préservation de l’environnement, par ailleurs, pour notre génération et les générations futures.
En plus de ses efforts pour promouvoir l’agroécologie au Burkina Faso, Thomas Sankara s’est illustré par ses efforts pour la protection de l’environnement, comme nous l’avons décrit dans notre article précédent le concernant.

La protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique ne sauraient être un modèle importé de développement puisque de notre environnement dépend survie. Cela est encore plus vrai dans les pays africains qui ne participent que de l’ordre de 4 % à l’émission de GES et en subissent les conséquences les plus graves, comme la menace sur la sécurité alimentaire du fait de la réduction des terres cultivables, de la sécheresse et des inondations.

Protection sociale

Des systèmes de solidarité existaient déjà dans l’Afrique traditionnelle, que l’on pourrait assimiler à un système de protection sociale reposant sur la famille, les plus vigoureux et les plus riches et visant le bien-être de la société, ainsi que l’assistance aux plus vulnérables.

Dans sa lutte contre les inégalités sociales, Thomas Sankara a voulu reproduire le modèle traditionnel de protection sociale burkinabé de l’échelle de la famille à l’échelle de la société.

Sa vision n’était-elle pas assise sur une économie centrée sur les besoins des populations (agroécologie avec une prédominance de l’agriculture vivrière, de la petite manufacture), et sur le dynamisme du monde associatif ? Ainsi, on a vu sous sa présidence, la stratification de la société burkinabé en plusieurs couches : la Paysannerie, le Prolétariat ou les Ouvriers, la Petite Bourgeoisie et les Eléments Déclassés sans Formation et sans Emplois.

La paysannerie, qui était autrefois exclue du jeu politique et économique, jouait à présent un rôle de premier plan, devenant un « agent puissant » du développement économique et social dont elle profiterait pleinement, selon les termes du capitaine visionnaire. L’objectif était que ces paysans puissent se prendre en charge, sortir de la pauvreté et regagner leur dignité.

Les modèles traditionnels de protection sociale doivent nous inspirer, à l’heure où on parle de plus en plus d’instauration de la Couverture Santé Universelle en Afrique, et que l’on cherche les moyens de financer cette politique de protection sociale dédiée à la santé.

Santé

Pour le volet santé, alors que la santé environnementale et l’approche Onehealth (basée sur la prise en compte des interactions entre animaux, hommes et environnement en matière de santé) font l’actualité au sujet des politiques de santé publique, l’on devrait savoir que les sociétés traditionnelles africaines reposaient déjà sur cette approche basée sur l’interconnexion entre la santé et l’environnement.

En effet, la conception de la maladie dans l’Afrique traditionnelle est le résultat d’un déséquilibre entre l’homme et son milieu. La médecine traditionnelle prend donc en charge l’homme dans sa dimension psychologique, biologique, sociale, et même spirituelle. Elle prend aussi en compte les interactions de l’homme avec son environnement physique. On peut dire que cette approche de la santé, basée sur la conception holistique de l’homme africain, est parfaitement en adéquation avec la définition moderne que les Nations Unies lui donnent, à travers l’ODD3 : « un état de bien-être physique, mental et social » qui prend en compte des déterminants comme l’environnement, les politiques en matière de santé, la démographie, l’économie, etc.

Alors que les modèles classiques des siècles passés en matière de développement sont en train d’être remplacés par de nouveaux paradigmes, il est important de souligner à quel point les ODD liés à la santé, à l’environnement et au genre, sont alignés avec nos modèles traditionnels de sociétés, tout en offrant des perspectives intéressantes pour le futur.

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