Actualités :: « France-Afrique », Démocratie, Terrorisme et coups d’Etat : Le (...)

L’Afrique francophone amorce peut-être un tournant décisif de son histoire. Il est possible que soit en train de s’écrire en ce moment un important chapitre sur le redécoupage ou même la disparition de certains de nos états tel qu’on les connait fondamentalement aujourd’hui. Telle est l’opinion de ce citoyen qui développe ses idées dans cette tribune.

« Damned If You Do, Damned If You Don’t (Djen Weslah)

« France-Afrique », Démocratie, Terrorisme et coups d’Etat : le piège

L’Afrique francophone, les pays du G5 Sahel et le Burkina en particulier, est sans aucun doute à un tournant décisif de son histoire. Il est possible que soit en train de s’écrire en ce moment un important chapitre sur le redécoupage ou même la disparition de certains de nos états tel qu’on les connait fondamentalement aujourd’hui.

Pour l’essentiel, il n’est même pas certain que beaucoup s’en rende compte, y compris la classe politique. La volonté de se libérer du partenariat exclusif avec la France, imposé comme beaucoup le pense, ne doit pas nous faire perdre de vue la panoplie de solutions nuisibles dont elle reste capable, elle qui a pu « dominer » l’Afrique Francophone pendant toutes ces années depuis nos premiers contacts en 1364 ! Louis Faidherbe, Gallieni, Savorgnan dit de Brazza, la Conférence de Berlin, Jules Ferry le plus que maléfique, les génocidaires Voulet-Chanoine, le pogrom malgache, De Gaulle le fidèle disciple du mépris français à l’égard des africains…Pour se défaire de la mainmise française, il faudrait garder tous ses sens en alerte, ruser et user de pragmatisme plutôt que de se laisser emporter par l’arrogance infantilisante des autorités françaises (Président, Ministre des Affaires Etrangères et Ministre des Armées) actuelles ; leurs joujou et souffre-douleur est en grand risque de leur échapper. Comme disent les Mossi « Buumb weng zuur ganta wookoh ».

A ce titre la défiance du Mali à la communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) me semple mal à propos : on n’engage pas ce genre de combat noble et difficile tout en se mettant légitimement à dos ses voisins et alliés naturels. Personne ne peut prendre à la légère une transition qui affirme d’emblée vouloir rester 5 ans au pouvoir, pendant lesquelles les risques de déstabilisation ne vont que s’accroitre, y compris de coup d’Etat…légitime. Il faut se rappeler que même la Révolution, à l’origine, a adopté une démarche prudente envers les instruments de domination française comme le franc CFA ou la coopération civile et militaire.

La France est notre priorité absolue ; quand bien même elle devrait être notre partenaire naturel, l’arrogance de sa classe politique (pas tant la majorité de sa population) demande qu’on la punisse ne serait-ce qu’en diversifiant nos partenaires, même si pour cela il nous fallait traverser le désert un moment. On n’a pas besoin de disserter longtemps pour comprendre qu’elle se livre à un jeu trouble en Afrique avec un agenda à peine caché (pas besoin puisque nous sommes vus comme des enfants) : (i) Elle attaque la Lybie d’où parte un flot d’armements et d’hommes sans vergogne, foi ni loi ; (ii) lorsque la chance lui est offerte d’écraser la colonne de mercenaires et terroristes aux portes de Bamako, elle les laisse filer ; (iii) elle essaye de créer une force légitime dans le Nord Mali en s’appuyant sur des rebelles, dans le but de couper le Mali en deux (au moins) ; (iv) savez-vous combien de soldats et de contractants civils américains sont morts en Afghanistan en 20 ans de guerre ? 2448 et 3846, soit au total 6294 ou 3147 en 10 ans ; ce chiffre représente également 10% des forces afghanes (66000) tombées durant la même période. Paix aux âmes et notre sympathie aux familles des 93 soldats français tombés ces 10 dernières années pour le G5 Sahel.

Quant au coup d’état au Burkina, il n’est pas impossible que ce soit celui de trop qui finisse d’ouvrir à jamais la boite à pandores. Les pandores, les autres, qu’il faut saluer au passage, eux qui de toutes les forces de sécurité, semblent avoir subi le plus de revers à ce jour sur le terrain, mais qui auraient gardé le président jusqu’à la fin tout de même.

La suggestion d’une dictature éclairée pour les pays africains s’entend bien, et elle ne soulèverait pas de problème si dans l’Afrique d’aujourd’hui, un tel régime avait la capacité de s’imposer au pouvoir un nombre d’années critique nécessaire. Un coup d’Etat en appelle le suivant malheureusement, et les raisons n’ont pas toujours à voir avec l’intérêt suprême du pays ; de plus la fragilité de nos états en facilite l’occurrence téléguidée de l’extérieure. L’histoire d’ailleurs nous enseigne que les dictatures éclairées ont pour la plupart été civiles, s’appuyant sur une organisation impeccable et une idéologie forte, qui tout en intégrant l’armée prenant soin de tenir sa gâchette à distance.

Au plus fort du printemps arabe, alors que Ben Ali a déjà cédé le pouvoir en Tunisie et que la guerre fait encore rage en Lybie, un journal tunisien caricaturait deux cabots se croisant à la frontière l’un et l’autre fuyant son pays vers le second : (i) chien Libyen : Où vas-tu donc si pressé ? Ici il n’y a pas de liberté, tu ferais mieux de rebrousser chemin ; (ii) chien tunisien : Eh bien, toi-aussi car figures-toi, ici, il y a la liberté maintenant mais il n’y a plus à manger.

A-t-on vraiment donné toute leur chance à Rock et au Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP) ?

Il y a tellement de points d’entrée à ce sujet, que je peine à en choisir un ! Allons-y peut être donc par le petit rappel de l’histoire récente.

1) Sans Rock Marc Christian Kabore et le MPP, Blaise Compaoré serait très vraisemblablement encore au pouvoir !

Ce constat est sans concession, et son rappel très important pour tous ceux qui ont la vilipende facile aujourd’hui- Ni le Balai Citoyen, encore moins les marches de l’opposition d’alors, n’auraient pu avoir raison du régime CDP-pour cela, il suffit de se referrer au moment spécifique où Rock (RSS/Rock-Salif-Simon) se joint aux meetings de l’opposition et en mesurer et comparer la ferveur et la participation populaire accrue. C’est en ce moment précis que le citoyen, le fonctionnaire lambda, le père ou la mère de famille à l’apparence tranquille qui n’avait jamais laissé paraitre leur désarroi publiquement, se sont joints à la lutte. Si le régime de Blaise avait survécu à l’ère Obama, le nouveau décor de la politique internationale avec Trump en particulier, lui aurait permis de survivre…d’autres du reste d’ailleurs, comme Gbagbo.

Il convient donc de garder au Rocco, et au MPP leurs places dans l’Histoire (Non, Je ne suis pas du MPP). Au demeurant la rhétorique qui veut que pendant 6 ans Rock n’ait pas trouvé de solution au terrorisme, est un peu limite à mes yeux. Le peuple a renouvelé sa confiance au régime après les 5 ans, malgré les difficultés, preuve que ce peuple a certainement compris la complexité de sa tâche.

Il est déjà grave de mentir, mais ce qui est pitoyable, impardonnable et souvent fatale, c’est lorsque l’on se ment à soi-même. Aucun régime depuis les indépendances n’a probablement dû faire face aux défis que ce régime a dû affronter : un règne précédent très long, une transition piégée (salaire des juges), une ardoise judiciaire salée, une situation sanitaire mondiale inédite (COVID) et enfin des attaques tous azimuts du territoire national, avec un attentat dans la capitale en guise d’accueil. Et le Régime a tenté de faire de son mieux, s’appuyant sur l’expérience mais devant compter aussi avec un renouvellement demandé de la classe politique dirigeante :

« Burkina Faso : La tendance depuis le changement de régime inter- venu en 2014 indiquait un tassement des dépenses militaires ; celles-ci avaient connu une forte hausse en 2014 avant la révolte populaire. Les chiffres de l’institut international des études stratégiques (IISS) révèlent que les dépenses militaires de 2015 (151 millions USD) étaient en légère baisse par rapport à celles de 2014 qui atteignaient 159 millions USD. Depuis lors, l’insécurité a fait passer le budget du ministère de la défense nationale et des anciens combattants de 169, neuf milliards de F CFA à 209,7 milliards entre 2018 et 2019, soit une hausse de 23,41 % » ; ceci est l’extrait du livre de PHSD juste publié en 2021.

Alors, est-il seulement possible que ce soit le Burkina tout simplement qui n’ait pas été/ qui n’est pas à la hauteur de ses défis ? La corruption ? Il faut la combattre avec la dernière énergie et faire des exemples chaque fois qu’une occasion est offerte mais peut être que la propagande aurait mieux payé en ce domaine. Ceux qui prétendent qu’on peut la combattre comme du temps de la Révolution, soit n’ont pas vécu ou ne connaissent pas les circonstances de l’avènement de la Révolution, ou pensent à des sacrifices qu’ils s’illusionnent possibles mais dont le millième serait difficilement applicable aujourd’hui. Il est anecdotique de relever que la Révolution est même en quelque sorte coupable de nous avoir légué les 27 ans du pouvoir du Front Populaire/ Congres pour la Démocratie et le Progrès (FP/CDP), que beaucoup ont dits essentiellement corrompus.

Ce coup d’état finit aussi de donner raison à Blaise Compaoré que l’on accuse d’avoir affaibli l’armée au profit du seul Régiment de Sécurité Présidentiel (RSP), quand le reste des capacités militaires ne se préparait pas vraiment à une telle forme de défis. Damiba (et nous avec) risque de ne pas avoir le sommeil facile au moment où plusieurs unités sont lourdement armées pour les besoins de la défense du pays.

2) Aucun coup d’Etat, aucun, ne peut se justifier une fois que l’horloge de la Démocratie est enclenchée

Tous ceux qui commettent l’erreur et la forfaiture suprême aujourd’hui, d’applaudir le coup d’Etat, ne mettront pas longtemps à se mordre les doigts, ou se retourner dans leurs tombes un jour.

Il faut prendre en exemple le règne de Trump aux USA, et plus singulièrement les élections présidentielles américaines de 2020, qui ont testé l’enveloppe protectrice légale de la Démocratie américaine. Un règne qui a débuté par une fraude électorale, caractérisé par un népotisme et un amateurisme qui n’ont pas d’égale même au plus fort des dictatures en Afrique et en Amérique latine, une corruption rampante et couronnée par une tentative de coup d’état ! Et qu’a fait l’Armée Américaine, que plusieurs appelaient à prendre ses responsabilités ? Rien, ou presque rien, si ce n’est d’avoir contacté certains homologues de pays comme la Chine pour les sensibiliser sur les risques accrus d’une erreur d’interprétation des intentions belliqueuses des USA. Pourquoi ?

Plus proche de nous, et là encore j’affirme avec certitude, sur la base des données publiques disponibles que le Nigeria, le Ghana et le Sénégal, pris individuellement bien sûr, sont à des degrés de corruption dont les pays du G5 Sahel ne pâliraient pas ! Point de coup d’Etat dans aucun de ces pays (au Sénégal jamais, et au Ghana et au Nigeria depuis l’avènement de la Démocratie), ni même au Kenya qui a frôlé une guerre civile parce que tous ces pays j’espère, ont compris une chose : les seuls coups d’Etat qui sont naturellement justifiables, sont ceux contre un régime arrivé par un coup d’Etat lui aussi, et même là !

Il apparait contre toute attente des intellectuels, soutenant malgré tout qu’il faut inscrire le coup d’Etat salvateur dans la loi suprême ! Une hérésie dont on peut d’ores et déjà en économiser les efforts et le débat, puisque c’est exactement ce que le Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) vient de réussir à faire. Il va falloir juste observer, à défaut de regarder dans le rétroviseur. Les coups d’état en appellent d’autres tout simplement. Et maintenant, tout régime élu pourrait en être l’objet, pour peu que l’armée le décide…ou d’autres ; Rock, lui au moins, aura terminé un mandat, est-t’on tente de dire !

3) Le pouvoir de Rock, l’insécurité et la corruption

Les historiens auront le loisir de se pencher sans concession et avec objectivité, sur cette période de notre histoire, mais il y a plusieurs aspects qu’il convient déjà de discuter et relativiser.

A mon humble avis, le MPP a failli principalement au casting de ses Premiers Ministres qui se sont succédé ; pas tant qu’ils n’avaient pas la qualification nécessaire mais plus tenant au timing de leurs choix en rapport avec leurs profils. Cela étant dit, n’étant pas dans le secret des Dieux, cet avis qui n’est que mien n’aurait pas été plus éclairé au moment de leurs désignations, au même titre que si, sans vous connaitre vraiment je supputais sur le mauvais choix de votre époux ou épouse au moment de votre mariage, pour le motif que vous seriez entrain de divorcer aujourd’hui ! Ce qui est incontestable en revanche c’est la pression qui ne manque de s’exercer dans de telles situations, avec des paramètres la compétissant à la compétence, voulant par exemple que vous choisissiez quelqu’un en qui vous avez une confiance absolue, qui soit qualifié et expérimenté, qui soit du MPP ou qui en est proche au moins, à défaut d’être un insurgé autoproclamé ou un militant de la première heure…et un non-mossi ou autre compte tenu de la configuration de l’Assemblée, tout en résistant à la lutte des factions au sein du Parti ! La quadrature du cercle, avez-vous dit ?

Par ailleurs, l’autre problème sérieux qui aura nui au pouvoir, et le plus dommageable, au moins en perception, aux yeux de l’opinion, est sans doute le manque d’expérience, surtout administrative et la « génération spontanée » de leaders, qui soit dit en passant symbolisait aussi la volonté d’un changement générationnel progressif ainsi que la soudaineté de la chute du CDP - hélas, pour la plupart, le Burkinabè y a vu des gens sans mérite qui ont voulu très rapidement porter les habits ministériels du CDP. Aurait-il fallu consacrer le principe qui suggère « qu’il y aurait des gens dont on aurait besoin pour gagner les élections, et d’autres lorsque vient le temps de gouverner » ? Difficile de ne pas « récompenser » ceux qui vous ont rejoint au moment où beaucoup doutaient encore de votre sort et celui du nouveau parti. Il semble alors que c’est si facile pour les nouveaux venus de changer spectaculairement de conditions, de sorte que le dénigrement devient alors courant dans ces cas, interne au Parti et aux familles, aidé quelques fois par l’arrogance de certains, les qualifiant de parvenus.

Il faut aussi compter avec tous ces spécialistes autoproclamés qui défilaient/défilent dans les média ou sur les réseaux sociaux, qui disant que 1) le problème du Burkina c’est que c’est l’argent qui gouverne les élections ! Lol- Aventurez-vous en France où on sait comment Macron apparaît subitement à la tête de l’état, aux USA où la classe politique et la société civile conscientes cherchent un moyen pour réduire la place insolente de l’argent dans les élections ( une bibliothèque ne suffirait pas à décrire le pouvoir de l’argent dans la politique et la Justice aux USA, et ne me parlez pas de transparence) ; en dehors des pays nordiques dont je ne maîtrise par ailleurs pas le détail de la génération des élites et leur élection, je mets quiconque au défis de me designer un pays dont les élections ne sont pas polluées par l’argent (le pire est d’ailleurs à venir pour le Burkina si on n’y prend garde, avec tous ces nouveaux milliardaires qui apparaissent chaque jour) ; 2) le Pouvoir n’a pas de solution pour la crise sécuritaire, tout en oubliant de dire que c’est toute la sous-région ( voyez les statistiques plus bas)…et que peut être nos armées ne sont plus percutantes/adaptées tout simplement !

3) parlant de corruption, sans oser évoquer, à quelques exceptions près, la corruption monumentale dont est soupçonnée l’armée…qui durerait depuis 1960 au moins ! 4) Il faut juste désobéir à la France et c’est fini…trois fois ah, comme il suffirait tout aussi justement, je suppose, de désobéir à sa femme et rentrer tous les lendemains à 3h du matin, ce dont beaucoup rêvent peut-être ! et qui, 5) dénonçant des malversations sans toujours la moindre preuve…qui se sont alimentées il faut le dire, de bonne guerre, du levain des affaires constituées et que la justice n’a jamais mené à bout ; 6) s’il y a coup d’Etat, personne ne sortira pour protester : si ceci n’est pas l’apologie du coup d’Etat, alors rien ne l’est (c’est pas tout ce qui est vrai ou vraisemblable que l’on doit proclamer à la télé, surtout pour une nation en construction) ; avec plusieurs chats à fouetter, le gouvernement bien entendu ne pouvait se permettre le luxe de relever de telles choses.

L’inexpérience administrative n’est pas sans conséquences pour le pays mais elle a un autre effet pervers pour le commis voleur-en-devenir aussi ; l’administration étant l’antichambre par excellence du Noviciat de la méthode corruptible et de la malversation, les vols sont souvent bruts et enduits d’un magma nauséabond qui ne demande qu’à se répandre dans la cité. L’affaire du célèbre conseiller à la présidence de l’Alliance des Jeunes pour l’Indépendance et la République (AJIR) en est une illustration parfaite-Adama, on peut faire ça ?

La plus grande déception pour moi n’est cependant pas la qualité des hommes du MPP mais la justice dont l’inertie demeure à ce jour une énigme pour moi, et peut être un mystère, si ça n’est qu’on la dit corrompue...mais même, elle a eu les mains tellement libres sous ce régime ! A contrario, il faudrait peut-être inventer le coup d’état au niveau de la justice, et en définir les modalités dans la Constitution ; cependant il me semble qu’elle aussi, est juste à l’image de notre société, et qu’on y devrait y trouver des redresseurs de torts aussi.

4) L’échec comparatif de nos états face au terrorisme

Il faut se pencher sur les chiffres du terrorisme dans la sous-région pour vite comprendre une chose : le Burkina subit au même titre le terrorisme islamique coloré de banditisme et de dérives ethniques que le Nigeria, le Cameroun, le Tchad, le Niger et le Mali, et plus loin le Mozambique. Et paradoxalement à un degré moindre même comme l’attestent les données du START de l’Université du Maryland aux USA, disponibles gratuitement. Pas plus le nombre de morts, de victimes, que celui d’éléments des forces de sécurité tombés ne le place en tête, encore moins les violences du type d’Inata ou Solhan ! Que l’on ne me fasse pas dire ce qui est loin d’effleurer mon esprit ! Ces violences sont inadmissibles et très sérieuses et il s’agit bien d’une déroute aussi bien militaire que morale. Cela étant dit, il faut automatiquement admettre deux ou trois choses aussi :

1) le Burkina se singularise ces dernières années, plus particulièrement en 2019, par le taux de croissance le plus élevé du nombre de morts du fait du terrorisme, devant seulement le Sri Lanka, avec un pic de 590%, passant de 86 à 593 ; ce taux bien évidemment très élevé est aussi dû à la relative faiblesse du chiffre antérieur, mais il traduit certainement une cruelle réalité. 2) le nombre de déplacés internes et d’établissements scolaires fermés, est aussi relativement faramineux ; la densité des zones concernées en comparaison de celles des pays cités plus haut, en est une raison. Cet état de fait traduit une réalité triste, qui est celle de la tendance à la « normalisation » ou banalisation de ces actes comme dans les autres pays concernés mais cette tendance suggère aussi la faiblesse ou l’inadaptation des forces de sécurité dans tous ces pays. Je n’ose pas mentionner la méthode, car tous ces pays mis ensemble aucune des méthodes essayées ne semble avoir marché.

Le MPSR est donc prévenu- la méthode russe, me dites-vous ? Elles comportent ses limites certainement dont la moindre n’est pas le faible niveau d’intégration de nos économies avec la Russie, l’enjeu géopolitique renouvelé du fait de l’Ukraine et de Taiwan ainsi que le partenaire français qui est aux abois. La situation de la zone subsaharienne peut se complexifier du jour au lendemain du fait des intrigues des grandes puissances. Les peuples sont souverains et forts, mais tout comme l’étaient et le sont les peuples irakien, afghan, libyen, syrien et yéménite ! Il est stratégiquement illisible de vouloir se débarrasser du mépris français, tout en se mettant à dos la CEDEAO. La France est à la manœuvre pour faire de la région un problème russe, elle-même qui est à l’origine de nos difficultés depuis la Libye…Et elle est en passe de réussir ; ne soyez pas étonnés d’entendre les jours à venir que Wagner conduit ces coups d’état lui-même, dans le seul but de faire monter la tension et donner des raisons au bloc occidental.

5) Le chemin tortueux qui attend le MPSR

Ironiquement, le peuple n’a jamais donné de mandat au MPP pour s’occuper des problèmes dont le reproche lui est fait aujourd’hui, mais pas plus qu’il ne l’aurait donné à l’UPC ou tout autre parti qui eut gagné les élections. Et qu’on ne s’y méprenne pas, le MPSR ne l’obtiendra pas non plus ce mandat que ni le CNR ni le Front Populaire (FP) n’ont obtenu ; autres temps, autres mœurs, tacitement toléré alors, le CNR et le FP s’en étaient saisi tout de même ! Malheureusement, le MPSR ne pourra pas disposer des mêmes outils…que les temps ont bien changé ! Alors comment faire pour remettre sur les rails, un pays où plus personne ne semble craindre l’autorité ? Il est cent fois plus facile aujourd’hui de faire passer un fil quasi invisible dans le chat d’une aiguille que de licencier un agent de la fonction publique qui a fauté ! Et ça, au-delà de la politique, c’est la question du délitement de notre société, de plus en plus teintée par la décadence morale de notre grand voisin que personne ne veut regarder en face. La répression ou l’éducation : la première requiert un mandat et la seconde du temps que nous n’avons pas.

Mais quid de dirigeants comme Paul Kagame ? Et bien tout simplement, ils tiennent leurs mandats en général d’un évènement cathartique, à l’exemple du génocide rwandais. Mais ça n’est pas un mandat indéfiniment ouvert non plus, comme le future nous dira, mais suffisant dans le temps pour imprimer un changement. Et le modèle français donc avec De Gaulle au sortir de la guerre ? Evènement cathartique également, mais il vous serait apparu peut être la dextérité avec laquelle nous amplifions les tares du grand ami d’outre-mer ?

S’il faut condamner cette nouvelle aventure dans laquelle on vient d’être embarquée, avec tous les risques y attelés, il faut néanmoins soutenir le nouveau régime parce que la tâche est lourde et le pays a besoin de tous. Il n’y aura cependant jamais de coup d’état justifiable en démocratie, et ça l’avenir nous l’enseignera encore. Et abstenons-nous d’applaudir juste parce que ça serait des jeunes- tous ceux qui soutiennent que l’ancienne classe politique est entrée très jeune en fonction, oublient de faire le constat aussi que ce sont peut-être les gaffes de leurs premiers pas qui nous ont conduit là où nous en sommes aujourd’hui.

6) L’entrée en scène ratée du MPSR ?

En Physique, il est pratiquement impossible de connaitre directement et avec certitudes le comportement futur d’un objet, sa trajectoire, quand on n’a aucune information sur les conditions à l’origine ; l’adage qui veut que « il faille savoir d’où l’on vient pour savoir où on va » ne semble rien traduire d’autre du reste.

Le MPSR aurait-il tenté d’assassiner le Président Kabore ? Tout porte à le croire. Ce constat serait bien dommage quand on sait que Rock n’a jamais attenté ni cherché à attenter à la vie d’autrui. Du reste dans quel pays africain, arrête-t-on des officiers accusés de préparer un coup d’Etat sans les torturer pour qu’ils livrent les noms de leurs complices et leurs plans ? Ou sans prendre de mesures conservatoires excessives, du qui peut le plus peut le moins ? Au-delà, même avec son convoi mitraillé, le Président ne semble pas avoir pris la résolution de faire appel à de l’aide pour contrer ce coup et punir ceux qui ont cherché à attenter à sa vie.

Au surplus, j’ai la faiblesse de croire que les militaires auraient demandé gentiment que le pouvoir leur aurait remis la patate chaude amicalement, qui j’espère, ils sont conscients de détenir…et venant de Koupéla, qui à Zorgho aurait pu objecter ?

Le MPSR a-t-il signé ses conditions à l’origine en tirant donc sur le convoi présidentiel ? Cela n’augurerait rien de bon pour personne.

Je suis donc plus que surpris de lire que l’UNIR-PS féliciterait le MPSR pour sa fermeté ; laquelle donc à ce jour, Me Sankara ? Si ce n’est d’avoir été « ferme » avec le convoi présidentiel ! Un parti qui était au gouvernement ? Inqualifiable.

7) Le Mali et la Guinée en guise d’exemples ?

Il serait hasardeux pour le MPSR de prendre en exemples la gestion de la junte au Mali et de celle en Guinée. Le Mali et la Guinée regorgent de citoyens intelligents et talentueux, mais il faut admettre que ces deux états ont traversé des situations depuis leurs indépendances qui les ont rapprochés plusieurs fois de la quasi-faillite. L’approximation qui serait tolérée sous leurs cieux, ne le serait pas nécessairement au Burkina. Le Burkina a malheureusement un problème que ces deux pays n’ont pas nécessairement non plus : la culture du « couper et décaler » qui s’installe allègrement depuis plusieurs années ; je ne serais pas surpris que certains des jeunes qui ont participé au coup d’Etat, avec les danses qu’on a vu sur les réseaux sociaux, pensent qu’ils viennent de casser Fort Knox .

Le Mali est en train de réussir l’exploit de transformer la crise franco-Africaine, en la crise géopolitique que la France demande de tous ses vœux afin d’impliquer tout le bloc occidental…et tout cela tout en se mettant la communauté politique régionale à dos ! Quant au Colonel Guinéen, la récente histoire du General Guei avec l’équipe de Cote d’Ivoire aurait dû lui donner quelques enseignements, pour peu qu’il se consacre un peu à l’histoire.

Rappelons-nous que sans les USA, la France aurait été malmenée, peut-être même défaite en Lybie. En expulsant l’ambassadeur de la France, la population malienne et au-delà, se sent bien, mais avec l’approche des élections françaises, le risque de pousser Macron à la faute regrettable mais dommageable pour la sous-région n’est pas bien loin. Malheureusement il a le pouvoir de faire plus qu’un retrait simple. Et que dire de l’expulsion des danois ? Une autre erreur car ce pays dispose d’un capital de sympathie fort élevé dans le monde et est généralement perçu comme inoffensif. A l’image de la classe dirigeante française et de sa politique de toujours, l’objectif devrait être de diviser les européens sur la question malienne et du sud du Sahara ; cela est mal parti.

8) Et ensuite ?

Les économistes connaissent bien le principe/problème du principal-agent qui désigne un ensemble de problèmes rencontrés lorsque l’action d’un acteur économique, désigné comme étant le « principal », dépend de l’action ou de la nature d’un autre acteur, « l’agent », sur lequel le principal est imparfaitement informé (Wikipédia). Une théorie très intéressante à lire qui identifie trois problèmes majeurs : (i) l’antisélection ; (ii) l’aléa moral ; (iii) les « problèmes de signal ». Quand vous lirez cette théorie, pour ceux qui ne la connaissent pas encore, sachez que l’agent c’est l’armée et le principal, vous, nous le peuple.

Au regard des évènements liés aux coups d’Etat du CND et du MPSR, il faudra peut-être après la transition, sortir tous les camps militaires du périmètre de la capitale, les réaffecter à la Gendarmerie, recruter plus de gendarmes tout en leur donnant les moyens nécessaires pour protéger la Démocratie et préserver la ville ; il ne s’agit en aucun cas d’amoindrir la force de frappe de l’armée mais d’empêcher aussi que Ouagadougou ne soit à feu et sang un jour si on n’y prend garde. L’armée de l’air devra être ré-emménagé convenablement aussi.

Le MPSR ne va sans doute pas tarder aussi à rebaptiser la lutte contre le terrorisme en l’élevant à la Guerre pour enfin donner la latitude aux militaires de ce qu’ils entendent faire au front (tactique offensive contre défensive pratiquée maintenant semble-t ’il), et un peu plus de recul aux gendarmes. Ce schéma s’il marche, et on le souhaite, pourrait être bénéfique à plusieurs égards, au moment où le banditisme urbain ne cesse de prendre des gallons.

Pour ce qui est des modalités de la transition, s’il y en a une à l’image du CNT, mon conseil à 2 sous au MPSR, serait d’éviter le piège du bénévolat que certains commencent à appeler de leurs vœux ; à moins que la notion qui est derrière m’échappe complètement.

Finalement sur le plan intellectuel, rien qu’intellectuel bien sûr, il est bluffant de voir qu’un groupe d’entre nous, fusse-t-il armé, puisse suspendre et rétablir à souhait une constitution, mais ça bien sûr c’est un autre débat ! »

Kakouada a.k.a ZEUS/
kakonda@protonmail.com

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