Actualités :: Inata ! : La grande honte de la grande muette !

On avait voulu croire jusqu’au bout qu’il s’agissait d’une fake news comme on en trouve tant sur les réseaux sociaux aujourd’hui. Les sources militaires contactées ne voulaient pas se prononcer clairement, se contentant de commentaires sibyllins quand ce n’était pas le mutisme tout simplement.

Vu le contenu du document, l’on se disait que c’était trop gros pour être vrai. Inimaginable en effet que des soldats burkinabè envoyés au front en soient réduits à faire la chasse aux animaux errants pour se nourrir. Et cela pendant plusieurs semaines. Car c’est ce que relatait ce télex à scandale. Pour l’histoire, reprenons l’essentiel du message qui a pour référence le 008/4 du 12 novembre 2021 et qui cite en référence un précédent message No 013/2TO du 27 octobre 2021 et dit ceci :

« 
SUITE MESSAGE RADIO CITE EN REFERENCE STOP RELATIF BESOIN URGENT RAVITAILLEMENT EN VIVRES DÉTACHEMENT INATA STOP HONNEUR VOUS RENDRE COMPTE STOP DÉTACHEMENT EN RUPTURE TOTAL PROVISION ALIMENTAIRE STOP PAR MESURE CONSERVATOIRE VIE DES HOMMES STOP OBLIGATION DE QUITTER SA POSITION DANS PROCHAINES HEURES STOP EN EFFET STOP DEPUIS 02 SEMAINES DÉTACHEMENT S’ALIMENTAIT GRÂCE ABATTAGES ANIMAUX ALENTOUR CASERNE STOP DÉTACHEMENT INATA POURRA EMPORTER MATÉRIELS STRICTEMENT MILITAIRES STOP ET FIN.
 »

Les premiers indices de confirmation sont venus de la présidence, précisément du plus proche collaborateur du chef de l’Etat. Dans un post rageur sur sa page Facebook, Seydou Zagré, le directeur de cabinet du président Roch Kaboré, condamnait sans ambages la diffusion de ce document insoutenable. Le ver est dans le fruit, assenait-il, s’indignant que « Les informations militaires sur la situation sur le terrain qui ne doivent pas filtrer sont relayées sur les réseaux sociaux, fragilisant ainsi l’action de nos forces, tout en démoralisant soldats et populations. » Car, explique-t-il « la lutte implacable que le Président du Faso mène contre le terrorisme a certes produit des résultats, mais force est de reconnaître que tout porte à croire que la quasi-totalité des revers subis par nos Forces de défense et de sécurité s’expliquent par le fait que le ver est dans le fruit. »

Ensuite, c’est le président Roch Kaboré lui-même qui a levé tout doute sur la véracité de ce scandale à travers une déclaration solennelle au sortir de la séance ordinaire du conseil des ministres du 17 novembre 2021. Son gouvernement en colonnes couvrées derrière lui, avec un air grave qu’on lui connaît peu et qui se voulait sans doute aussi menaçant, le chef de l’Etat a dénoncé de graves dysfonctionnements au sein de l’armée : « Il ne peut pas être normal en ce moment, que l’Armée qui doit être la structure la mieux organisée, que dans cette armée, nous ayions des dysfonctionnements à un niveau si important ; des dysfonctionnements concernant les questions de l’alimentation, des dysfonctionnements concernant les questions logistiques et autres. Cela est inacceptable et c’est pourquoi je comprends fort bien les différentes réactions de colère qui sont exprimées çà et là. »

Ce qu’on trouvait impensable n’était donc que triste et révoltante réalité ! C’est dont avec justesse que monte de la foule des citoyens colère, rage, honte. Une honte qui, au-delà de la grande muette recouvre tout le pays. Car aucun Burkinabè ne peut ne pas éprouver ce sentiment en entendant clamer à la face du monde que plusieurs dizaines de ses soldats ont été massacrés, le ventre vide, après avoir vainement résisté à des terroristes sans foi ni loi. On en a vus même dans certaines vidéos sur les réseaux sociaux se désaltérant avec l’eau d’une mare ! Des images qu’on aurait immédiatement classées dans la rubrique des fausses informations ; mais avec ce qui s’est passé à Inata, on en vient à dire que tout est possible !

Où vont donc nos impôts ?

Notre armée manque-t-elle de moyens ? Plus du tout, disent certaines sources informées. Car le budget du ministère de la défense a été conséquemment revu en hausse au cours de ces dernières années. Selon notre confrère Jeune Afrique, dès le début du mandat de Roch Kaboré en 2016, de gros efforts ont été faits pour augmenter le budget des forces de défense et de sécurité. « Le montant alloué au ministère de la Défense est ainsi en constante augmentation depuis cinq ans : 95 milliards de francs CFA en 2016, 170 milliards en 2018, 222 milliards en 2020 » rapporte l’hebdomadaire dans une édition du 18 novembre 2021. Selon certains spécialistes, les forces de défense et de sécurité n’arriveraient même pas à consommer les montants mis à leur disposition. Et pendant ce temps, les soldats au front n’ont rien à consommer, jusqu’à se rabattre sur des animaux errants. Où vont donc nos impôts ?

Alors qu’on n’a pas fini de parler des questions alimentaires d’Inata, un groupe de gendarmes jette un autre pavé dans la mare. Dans une lettre ouverte non datée, mais manifestement publiée au lendemain du drame auquel ils font allusion, ils réclament au chef suprême des armées qu’est le président du Faso des primes d’alimentation et des frais de mission.

Le groupe qui se présente comme les « gendarmes de la mission Dablo/Foubé » révèlent qu’ « avant le mois de mars 2021, tous ceux qui ont effectué des missions dans ces deux zones n’ont reçu que la moitié des primes. Aucune prise en charge sanitaire ». « Pourquoi ? » exclame le groupe qui dit n’avoir eu que des promesses de la part de ses supérieurs qui sont responsables de ces coupures. En prenant au mot la déclaration du chef de l’Etat qui a averti qu’il ne doit plus y avoir de problèmes de primes d’alimentation dans notre armée, ils l’invitent à faire la lumière sur cette autre affaire. Une deuxième affaire qui vient souligner que les langues commencent à se délier et que la boîte de Pandore (il faut le dire ici !) est désormais ouverte.

Des galons vont-ils tomber ?

Des voix dénoncent depuis longtemps l’absence des galonnés burkinabè sur le front des opérations. Une absence qui peut sans doute se justifier par les stratégies militaires que les citoyens lambdas ne maîtrisent pas. Mais une stratégie de moins en moins justifiable aux yeux de l’opinion publique. Surtout, si en plus, les rumeurs se font récurrentes et assourdissantes sur les pratiques peu martiales des galonnés qui, en plus de se cantonner dans des bureaux climatisés à Ouagadougou, auraient comme sport favori, derrière les portes capitonnées, des soustractions sur les primes des soldats au front et autres pratiques mafieuses.

Dans sa déclaration du 17 novembre, le président Roch Kaboré, chef suprême des armées a annoncé que des sanctions vont tomber à la suite des enquêtes qui ont été diligentées. « D’ores et déjà, nous avons pris un certain nombre de mesures, et je dis et je répète, qu’au terme de l’enquête, l’ensemble des personnes qui seront concernées dans cette question relative à Inata feront l’objet de sanctions disciplinaires sans exception. Je le précise très bien, sans exception », retient-on de ses propos comminatoires. Peut-on le croire ?

Il y a eu tant de scandales dénoncés dans son entourage et qui sont restés sans suite que l’opinion a de la peine à prendre ses menaces au sérieux. Des éléments de la sécurité présidentielle ont été accusés de trafic dans la gestion des ordres de mission à des fins d’enrichissements illicites ; on n’a pas entendu qu’il y a eu sanction. Pire, il a été reproché à son cabinet de monnayer les demandes d’audiences présidentielles. Sans suite. Que peut produire une telle tradition d’impunité si ce n’est des scandales à répétition ? Peut-on croire que cette fois-ci il en sera autrement ?

L’Assemblée nationale s’est rapidement saisie du dossier et après une visite d’une délégation conduite par son président aux malades, il est annoncé une interpellation du gouvernement dès ce mardi 23 novembre 2021, voire une mission parlementaire. L’activisme parfois débordant de Bala Sakandé en tant que président de l’Assemblée nationale est à saluer. Mais s’il en reste aux débats stériles et missions parlementaires sans suite, il pourra difficilement faire oublier qu’il reste « le bon petit » de Roch Kaboré et que ses initiatives ne visent simplement qu’à désamorcer la bombe sociale ou à noyer le poisson…

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