Actualités :: Burkina / Politique : L’AJIR, un rêve éphémère, un espoir éteint, le MPP se (...)

Février2014-septembre 2021. C’est le temps qu’aura vécu l’Alliance des jeunes pour l’indépendance et la République (AJIR) qui a, à l’issue d’un congrès extraordinaire tenu du 3 au 5 septembre 2021 à Ziniaré, a décidé de sa dissolution, suivie de sa fusion avec le parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Sept années de vie, courte dans la vie des partis politiques, mais pleine, sans doute, d’enseignements.

Bon à prendre pour un MPP qui s’affaire à tenir son « hyper-congrès », du 24 au 26 septembre 2021, comme le qualifient certains de ses cadres (nous reviendrons spécialement sur l’enjeu de cette instance) et dans un contexte où sa rivalité avec le RPI (Rassemblement patriotique pour l’intégrité, né en décembre 2019) se vit (surtout dans cette région du Plateau-central). Bref… !

C’est en février 2014 que l’Alliance des jeunes pour l’indépendance et la République (AJIR) a été portée sur le fonts baptismaux. Soit quelques jours après la vague de démissions des 75 cadres (dont Roch Kaboré) du CDP (parti au pouvoir à l’époque) suivie de la création de leur parti, le MPP, le 25 janvier 2014.

Le nouveau-né est dirigé par Adama Kanazoé, figure connue des mouvements et événements estudiantins des années 2000. Une aventure politique commençait ainsi pour ce jeune entrepreneur qui a occupé des postes de responsabilité dans les compagnies de téléphonies mobiles au Burkina et à l’étranger. Le pays est déjà politiquement engagé par non seulement cette scission au CDP, mais également sur l’équation de l’alternance.

Vue partielle des congressistes.

En pleine période d’ébullition, de débats autour du projet de modification de l’article 37 de la Constitution, le parti va, le 20 mars 2014, déclarer son appartenance au Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF).

Dès le 16 octobre 2014, l’AJIR appelle le président Blaise Compaoré à relancer le dialogue politique entre l’opposition et la majorité sur la question de l’article 37 de la Constitution (rompu par défaut de consensus sur certains des points). « L’AJIR, tout en réaffirmant ses positions qui sont "non" au Sénat, "non" à la modification de l’article 37, non au référendum, appelle le chef de l’Etat à privilégier le dialogue pour une résolution pacifique de la crise politique au Burkina Faso », s’était positionnée la direction politique du parti.

Promesse d’une alternative pour la jeunesse burkinabè

Comme portée dans la dénomination, l’AJIR s’était positionnée comme une organisation politique qui veut « miser sur la jeunesse ». Le parti l’a clamé et affiché par moult initiatives, par la composition de son organe dirigeant, constitué dans la quasi-totalité de jeunes. La principale motivation, selon le président du parti, était que « régulièrement, la jeunesse est en marge des sphères de décisions ».
Avec son idéologie social-démocrate (ainsi que le MPP), l’AJIR a donc promis d’« accorder une place de choix aux jeunes et leur donnant la place qui aurait dû leur revenir depuis toujours ».

Comme pour donner le ton, l’AJIR avait, dès décembre 2014, aménagé un espace d’études (doté d’une connexion internet) pour élèves et étudiants au sein de son siège, sis au quartier Wemtenga. Ainsi lancée et ‘’entretenue’’, l’idée d’une alternance générationnelle avec en ligne de mire, l’élection de 2015 marquant la fin de la transition qui s’est ouverte à la suite de la chute, en fin octobre 2014, du pouvoir Compaoré.

Pour les dirigeants du parti, l’heure venait donc de sonner avec la « levée de l’obstacle » Compaoré. « L’AJIR met désormais le cap sur sa mission première ; celle du renouvellement de la classe dirigeante avec l’arrivée d’une élite jeune et l’implication de la jeunesse en amont et en aval de toutes les politiques de développement au Burkina Faso. (…). Nous allons demander à la jeunesse d’aller jusqu’au bout, en impulsant l’alternance générationnelle », proclamait Adama Kanazoé, lors de la rentrée politique le 20 décembre 2014 à Ouagadougou.

Dans cette ‘’détermination’’, le président Kanazoé est, à l’occasion du premier congrès ordinaire du parti, samedi 6 juin 2015 à Ouagadougou, investi candidat à la présidentielle d’octobre 2015 (il était le plus jeune candidat, 36 ans). L’AJIR et son candidat vont battre campagne face à treize autres challengers. Il arrive 10ème sur les quatorze candidats, avec 1,21 % (soient 37 911 voix).

L’allégeance à la majorité présidentielle laisse des fissures

A l’issue de ces échéances, le jeune parti opte pour la majorité présidentielle. En septembre 2016, le président du parti, Adama Kanazoé, est nommé conseiller spécial du président du Faso pour le secteur privé et les Objectifs pour le développement durable (ODD). C’est un tournant majeur pour le jeune parti, l’AJIR.

Mais cette option n’est pas du goût de tous les cadres du parti, certains estimant qu’il (le président Kanazoé) a trahi en s’alliant « promptement » à la majorité. L’on assiste donc (par ce fait et pour d’autres motifs) à des démissions, de proches et « inconditionnels » du président du parti (exemples d’Adama Doulkom, responsable du parti à Saaba et de Gara Dieudonné Diessongo, responsable du parti en France et dans la province du Boulgou).

A la faveur des 100 premiers jours du président Roch Kaboré, marquée par une conférence de presse et le dévoilement de l’Alliance des partis et formations poli¬tiques de la majorité présidentielle (APMP), c’est au président de l’AJIR, Adama Kanazoé, qu’a été dévolue la lecture de la déclaration liminaire. Ce qui n’est pas, politiquement, anodin.

Les tentatives n’ont pas pu maintenir la flamme

L’adhésion à la majorité présidentielle n’a pas produit les résultats escomptés (confère résultats des élections législatives et municipales). Comme nombre de partis politiques membres qui y végètent, l’AJIR semble avoir subi le poids de l’alliance à la majorité.

Mais, les initiatives n’ont pas manqué. On peut retenir, entre autres, la tentative de création, en décembre 2017, de l’Union pour la démocratie et le progrès (UDP) qui se voulait une formation politique regroupant, en plus de l’AJIR, le Front des forces sociales (FFS) dirigé par Edouard Zabré, le Parti du peuple républicain (PPR) dirigé par François Tambi Kaboré et le Rassemblement pour la démocratie et le socialisme (RDS) présidé par François Ouédraogo.

Cette idée de synergie d’action, bien que magnifiée par ses responsables comme un dépassement de soi pour « partager les mêmes valeurs et principes aux fins d’accroître l’efficacité et l’efficience pour la résolution des préoccupations des Burkinabè », n’a visiblement pas dépassé le seuil des intentions. Ce d’autant plus que le cap visé par l’UDP, c’était « d’arriver à une fusion pour former un seul parti politique ».

Dans la perspective des élections (présidentielle et législatives) de novembre 2020, l’AJIR recompose avec une autre alliance (toujours à l’intérieur de la majorité). C’est la Coalition AFA (AJIR, FFS : Front des forces sociales et AFD : Alliance des forces démocratiques).

Cette nouvelle organisation qui soutient le candidat Roch Kaboré à la présidentielle décide cependant d’aller à l’assaut des 127 fauteuils de députés en jeu. Elle sortira bredouille de cette dernière compétition. Et ce, malgré le lancement à quelques mois des élections, de la Génération Kanazoé Adama pour le Faso (GKA-F) qui se voulait un mouvement citoyen burkinabé engagé dans la lutte pour l’autonomisation des jeunes et des femmes à travers la formation aux métiers, aux activités génératrices de revenus.

Derrière cette organisation qui porte le nom du président de l’AJIR, certains y ont vu une branche société civile en soutien au politique et c’était de bonne guerre. Les moyens n’ont d’ailleurs pas fait défaut au GKA-F, dont l’imposant siège sis au quartier Ouidi et les activités sociales (distributions de kits et de diverses aides dans le cadre de la lutte contre le COVID-19, formations et appuis financiers à des jeunes et femmes dans l’entrepreneuriat, etc.).

Aboubakar Gansoré

L’affaire de la route a-t-elle eu raison de l’AJIR ?

En dépit de l’échec aux législatives de novembre 2020, l’AJIR avait néanmoins réussi a joué un rôle d’animation de la vie politique par les sorties de presse, ses activités de mobilisation, aidée en cela par l’offensive du GKA-F sus-évoqué. C’est dans ce contexte que fera irruption le dossier dit « deal autour du marché de construction de route ».

Dans un élément sonore, l’on croit reconnaître la voix d’Adama Kanazoé, réclamant une commission de trente millions à un entrepreneur supposé dans l’exécution d’un marché de construction de route. Une situation qui s’est révélée de trop dans l’entourage du président Roch Kaboré, après cette affaire d’audiences monnayées et l’affaire de faux ordres de mission au Groupement de sécurité et de protection républicaine (GSPR) à la présidence du Faso.

Cet épisode va pousser Adama Kanazoé à annoncer sa démission de son poste de conseiller spécial du président du Faso et ensuite de la tête de l’AJIR (8 juillet 2020).
L’intérim de la présidence du parti est assuré par Aboubakar Gansoré, vice-président du parti. Cette affaire semble avoir sonné l’AJIR, qui ne s’est plus fait entendre, en tant que tel.

En clôturant le congrès en cette soirée dominicale du 5 septembre 2021 par l’annonce de la dissolution de l’AJIR suivie de sa fusion avec le MPP, le président par intérim a soufflé sur la dernière flamme d’une organisation politique au rêve précocement terminé.

Oumar L. Ouédraogo
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