Actualités :: La logistique et la fonction Achats : Deux mines d’or pour le développement (...)

Ceci est une tribune d’Aboubacar Zerbo, spécialiste en Management de l’Achat International et doctorant en Management. Il est persuadé que la logistique et la fonction Achats sont deux leviers importants pour booster le développement du Burkina Faso.

Originellement d’essence et de vocation militaire, la logistique fut et restera l’apanage des armées jusqu’à la fin de XIX -ème siècle. En effet, depuis que l’homme mène ses activités guerrières, la logistique a toujours été un sujet de réflexion fondamentale pour les grands seigneurs de guerre.

Ainsi, de tout temps, en prélude de toute campagne ou expédition militaire, les fins stratèges prennent toujours le soin d’une part, d’identifier et sécuriser les bonnes sources d’approvisionnements, et d’autre part, définissent les méthodes et les techniques efficaces susceptibles de maximiser leurs ravitaillements. Ces ravitaillements concernent nourriture, armes, munitions et soutien pour les combattants ; fourrage et breuvage pour les chevaux ; et enfin, carburant et pièces de rechange pour les véhicules.

Et ce, dans l’objectif de toujours maintenir les belligérants en capacité physique et matérielle de poursuivre la guerre. Ainsi, la logistique reste jusqu’à ce jour un facteur décisif et un élément déterminant dans le triomphe des armées, puisque, c’est elle qui favorise la vélocité des troupes par la gestion du transport, assure l’approvisionnements en équipements, outils et accessoires de guerre, et assure le mouvement des blessés. A titre d’exemples, le général chinois Sun TZU (IV -ème siècle avant JC), auteur de l’un des premiers traités militaires de l’histoire, disait ceci : « C’est pourquoi, une armée sans chariots d’approvisionnements, ni céréales, ni provisions est perdue ».

Et le grand conquérant Jules CESAR, conscient de l’importance de la logistique pour la victoire de ses armées, créa une fonction dénommée logista, qu’il confia à un officier qui sera chargé de précéder les mouvements des troupes pour organiser les campements de nuits ou d’hiver. Et, dans un passé récent, le Général et écrivain militaire suisse d’origine italienne Antoine-Henri de Jomini (1779-1869), conseiller de Napoléon III et fondateur de l’académie militaire de Saint-Pétersbourg, affirmait ceci : « la logistique n’est au fond que la science de préparer ou d’assurer l’application de la stratégie et de la tactique ».

Le Général et homme d’Etat américain Dwight David EISENHOWER (1890-1969), qui dirigea pendant la deuxième guerre mondiale les débarquements alliés en Afrique du Nord, en Italie, puis en Normandie, disait ceci : « il n’y a pas de tactique sans logistique. Si la logistique dit non, c’est qu’elle a raison ». En outre, si la genèse de la pensée logistique est militaire, il est opportun de préciser qu’au cours de l’histoire, des éminents ingénieurs et autres virtuoses de la construction s’en sont servis avec dextérité, pour ériger des édifices gargantuesques qui émerveillent encore l’humanité. Nous pouvons citer entre autres, les pyramides d’Egypte, les sublimes cathédrales du moyen âge, les gratte-ciels et gigantesques tours d’aujourd’hui, les canaux de Suez, du Panama et de Vridi.

Au début du XXe siècle, dans la perspective d’optimiser les achats et approvisionnements de matières premières, de perfectionner la gestion des flux physiques et informationnels, de maximiser les systèmes et stratégies de production, et d’améliorer les opérations de distributions de produits finis de l’entrepôt fournisseurs aux magasins ou locaux des clients finaux, dans les délais escomptés, les gestionnaires d’entreprise et autres spécialistes de la science de gestion, ont transposé la logique de la logistique militaire en amont et en aval de leurs processus d’activités.

Ce qui est pertinent de leur part, puisque, autant une absence ou un retard dans le ravitaillement d’armes ou de munitions mettrait en péril des militaires sur un champ de bataille ; autant une absence ou un retard dans l’approvisionnements de matières premières ou de pièces de rechange mettrait l’entreprise dans une situation hautement inconfortable.

Ainsi, dans le milieu civil et dans l’univers de l’entreprise, la logistique pourrait être définit comme un processus d’activités minutieusement coordonnées et interdépendantes, réalisé par des métiers divers et variés, avec pour objectifs la planification et l’organisation des flux physiques, financiers et informationnels ; afin d’offrir au consommateur le produit ou le service souhaité, dans la qualité voulue, dans le délai contractuel, au moindre coût, avec le service, le support d’informations et l’assistance technique nécessaires.

Ainsi, si la logistique et la fonction Achats et Approvisionnements sont cardinales pour la victoire des armées et la rentabilité des entreprises, en quoi pourrait-elle contribuer fortement au développement du Burkina-Faso, et au soulagement de certains de ses maux comme le chômage, la corruption, la précarité des Achats publics, l’évasion fiscale et la détérioration de l’environnement. De prime abord, la fonction Achats, située en amont de la logistique, consiste à l’acquisition de tous les biens, services et prestations nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise.

Dans le cadre de l’Etat et l’ensemble de ses démembrements, un achat public est défini comme « toutes formes d’acquisition de biens, services, prestations au profit d’une collectivité publique sous forme de marchés publics, de lettres de commandes ou de bons de commandes ». Par analogie au monde de l’entreprise, où l’importance de la logistique et la fonction Achats et Approvisionnements est évidente, avérée et confirmée ; en quoi l’Achat public pourrait-il, à l’échelle nationale, être un outil performant aux mains de l’Etat burkinabè, qui contribuerait au développement socio-économique du Pays des Hommes Intègres ?

Au préalable, l’Etat burkinabè devrait impérativement repenser et restructurer intégralement ses méthodes, techniques et pratiques de ses Achats. De prime abord, toute entreprise qui voudrait être répertoriée dans la base de données générale des fournisseurs et prestataires de l’Etat burkinabè, devrait fournir obligatoirement une attestation prouvant son existence officielle. Et ce, d’une part afin d’éviter pour l’Etat la collaboration avec des entreprises fictives, et d’autre part, lui permettre de connaître et maîtriser la qualité de ses promoteurs, afin d’éviter tout conflit d’intérêts. Ensuite, l’entreprise doit présenter une fiche de régularité fiscale qui prouverait sa loyauté vis-à-vis du fisc burkinabè.

Par ailleurs, elle devrait présenter un document provenant de la CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale) qui certifie que l’intégralité de son personnel y est inscrite, et qu’elle est à jour de ses cotisations sociales. Aussi, l’entreprise désireuse d’intégrer la base de données des fournisseurs et prestataires de l’Etat burkinabè devrait fournir des documents prouvant sa parfaite maîtrise de son cœur de métier, sa capacité de production, sa capacité logistique, son niveau élevé de technicité, son expérience, ses clients (références), ses attestations de reconnaissance (agréments…). Ceci, afin de prouver son expertise, son sens hautement élevé de la qualité, du respect des délais, et de l’après-vente.

Enfin, elle pourrait fournir des documents non exigés, mais non moins importants, qui prouveraient son patriotisme et sa volonté de se conformer aux principes de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Par exemples, des documents mettant en exergue le nombre de salariés handicapés qu’elle emploie ; sa ligne budgétaire destinée aux dons aux orphelinats et autres personnes vulnérables ; les reçus de paiements d’un certain pourcentage de la scolarité des enfants de son personnel ; ou sa participation à des campagnes de reboisements…

Ces documents serviraient pour l’entreprise montrer à l’Etat sa volonté d’associer une dimension humaine et environnementale à ses activités, et qu’elle se tiendrait à ses côtés pour assurer le bien-être de la population. Une fois ce travail préalable effectué, l’Etat dresserait ses différents segments Achats (fournitures de bureau, matériels informatiques, travaux génie civil, prestations intellectuelles, quincaillerie, équipements et fournitures médicaux…) et affecterait à chaque segment les fournisseurs appropriés, sélectionnés par le processus susmentionné.

Ensuite, pour éviter les Achats tous azimuts qui augmentent les coûts et seraient susceptibles d’aiguiser les intentions opportunistes des gérants des marchés publics, tous les besoins de tous les services publics du Burkina-Faso seront identifiés au début de l’année. Ensuite, ces besoins seront consolidés et massifiés avec précision de leur volume et qualité respectives. Enfin, ils seront mutualisés, analysés, traités et exécutés par un seul service Etatique qui sera chargé de la réalisation de l’ensemble de toute la commande publique. Cette entité unique étatique aura des démembrements dans les 13 régions du Burkina-Faso, avec une décentralisation également de son personnel, ses entrepôts et magasins.

Ce service aura la responsabilité de définir clairement pour chaque segment Achats les spécifications techniques et fonctionnelles, les conditions et délais de livraisons, les conditions de paiements et les services associés. Pour ce faire, le service sera piloté par des fonctionnaires logisticiens, acheteurs et spécialistes en passations de marché, recrutés sur concours, qui travailleront en synergie avec entre autres des ingénieurs et techniciens pour les achats techniques ; les médecins et infirmiers pour les Achats de produits médicaux ; des nutritionnistes et diététiciens pour les achats agro-alimentaires ; les pharmaciens pour tout ce qui est médicaments…

Chaque segment achats aura ses interlocuteurs privilégiés et experts du domaine qui définiront aux Acheteurs le besoin exact à acquérir, et les contraintes et risques associés, afin d’optimiser l’achat et surtout, le service après-vente. Pour les éventuelles Achats qui nécessitent d’aller sur le marché international, la même logique de mutualisation serait maintenue, afin d’avoir un poids de négociation face aux fournisseurs internationaux. Par exemple, pour les véhicules de l’Etat, à l’issue d’un appel d’offre international, un à trois fournisseurs au plus seront retenus.

Ainsi, la massification Achats servirait de levier de négociation pour réduire excessivement les coûts, grâce à l’effet volume, car, plus on achète une quantité élevée de marchandises, plus le fournisseur réduit son prix de vente. Toujours à l’international, parmi les conditions gagnant-gagnant entre l’Etat burkinabè et le constructeur automobile ou de tout autre équipement, un contrat d’Achat sera signé que si et seulement si l’entreprise accueillerait des stagiaires et apprentis burkinabè dans son atelier, non seulement pour apprendre les techniques d’entretien et de réparation, mais aussi et surtout, les méthodes et secrets de fabrication.

Ainsi, seront envoyés en stage ou apprentissage entre autres chez Toyota, Mercedes, Peugeot, Dell, Sony, Caterpillar, Sanofi, Sinotruck ou Volvo par exemples des élèves du LTO (Lycée Technique de Ouagadougou), des étudiants de l’UJKZ (Université Joseph KI-ZERBO), de Nasso, du 2IE ou de l’EPO (Ecole Polytechnique de Ouagadougou) et des centres de formations….

Ils y seront envoyés dans une logique de transfert de technologie, afin que dans un horizon temporel à long terme, dans 20 ou 30 ans, des marques de voitures, d’ordinateurs, de motos ou des comprimés burkinabè « made in Faso », sortent des usines de Kosodo, Bobo-Dioulasso ou Koudougou.

Par exemple, des voitures « Faso-mobile, Yennega Motors, vitesse Yendabri » ; des ordinateurs « Fofo Computer, Dagnoko Pentium 12, Passoré Ecran tactile » ; des armes « Revolvers Naba Kango calibre 303 mm , Tindano BF puissance 83, grenade Rialé, bazooka Colonel Saye ZERBO » ; des chars d’assauts « Char Nézien portée 100 km, Blindé Guibi OUATTARA » ou des Groupes électrogènes solaires « Jo-Weder 3333 Volt, Gérard Kango 1000 KVA, ou Diabo LOMPO 2000 KVA) ; des médicaments, des sérums et des vaccins « Général LAMIZANA anti Covid 19 ; Tiefo Amoro anti paludéen ; Naba Yadega anti-douleur) et des motos (Thom Sank GP 125 ou JBO cylindre 275).

Enfin, pour prévenir toute corruption, des codes changeables chaque 6 mois seront attribués à tous les fournisseurs. Des auditeurs, contrôleurs de gestion, commissaires aux comptes et des maintenanciers seront associés à ce service pour un contrôle permanent du système, des Achats, des transactions, des procédures...

Des ingénieurs informaticiens et des spécialistes en réseau internet seront recrutés pour la dématérialisation des procédures et la numérisation au maximum du processus, afin d’éviter au maximum toute intervention humaine. Un réseau intranet sera confectionné afin de relier les fournisseurs, les collectivités territoriales demandeuses, la Direction des Impôts, la douane, Ouaga inter, le Trésor Public, les banques, le ministère des finances et autres parties prenantes dans l’Achat public.

Et ce, dans une volonté de transparence, de traçabilité et de partage équitable de l’information. Enfin, un système de paiement automatique sera institué entre le Trésor Public et les banques des fournisseurs et prestataires de tel sorte qu’une fois que le bien commandé est livré par le fournisseur, ou le service ou la prestation exécuté par le prestataire, et qu’après vérification, ceci est conforme aux besoins initiaux exprimés ou au cahier de charges formulé, le virement est automatiquement effectué vers le compte bancaire du fournisseur. Cela, d’une part afin que l’Etat soigne son image de mauvais payeur, et d’autre part, que les fournisseurs entrent rapidement en possession de leur argent, afin de soutenir leurs activités et honorer leurs engagements.

Enfin, comme résultats escomptés après application de cette stratégie étatique d’Achats-Logistique, nous avons :
-  Economies ou gains Achats considérables générés par la mutualisation des Achats et la négociation groupée. Les sommes économisées serviront à d’autres fins sociales utiles pour l’épanouissement des ressortissants du « Pays des Hommes Intègres »,

-  Hausse du niveau de la qualité des produits, services et prestations offerts par l’Etat à ses citoyens, puisque les cahiers de charges seront conçus et confectionnés de façon collégiale entre l’Acheteur et l’Expert du domaine. En aval de l’Achat, un suivi et un système rigoureux de contrôle sera réalisé pour s’assurer de l’efficacité du bien, du service ou de la prestation achetée.

-  Réduction du chômage grâce aux centaines de milliers d’emplois qui seront créés (acheteur, logisticien, ingénieur, auditeur, pharmacien, diététicienne, biologiste, transporteurs, juriste, chauffeur, transitaire, gestionnaire de stocks, qualiticien…) tout en ajoutant le gros contingent de start up et de sous-traitants qui verront le jour ;

-  Réduction de la corruption, de l’évasion fiscale, de la surfacturation.

-  Transfert de technologies et montée en compétence de fabricants locaux.
Fonction nouvellement répandue au Burkina-Faso, relativement prisée par les nouveaux bacheliers mais en réalité totalement méconnue du grand public, la logistique, cette discipline de la science de gestion, managée avec habilité, honnêteté et professionnalisme, pourrait faire monter en puissance non seulement les entreprises burkinabè, et contribuer fortement et stratégiquement au développement socio-économique du Burkina-Faso.

Aboubacar ZERBO

• Spécialiste en Management de l’Achat International de Kedge Business School de Bordeaux, et en Ingénierie logistique de l’ESTIA (École Supérieure des Technologies Industrielles Avancées) de Bayonne.

• Doctorant en Management UMEF SWISS GENEVE
• Secrétaire Général de REXALD (Réseau des Experts Africains en Achats et Logistique Durables)

• Enseignant en Management des Organisations, Logistique, Chaine Logistique Internationale, Fonction Achats et Approvisionnements, & Transports dans les Universités et Instituts de Ouagadougou.
wendin.aboubacar.zerbo@gmail.com

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