Actualités :: Après Dieu, la famille : Leçons de vie à la suite d’une agression

Dans les lignes qui suivent, l’auteur de cet écrit relate l’agression dont il a été victime le 16 août 2021 à Dakar. Loin de penser que Dieu l’a abandonné, il se range à l’idée que le pire aurait pu arriver et que la main du divin a dû s’opposer. Il en tire donc bien des leçons.

Cette journée du 16 août 2021 avait quelque chose d’exceptionnel voire d’infernal que j’ignorais. Et pourtant, ce troisième lundi du mois d’août aurait pu être semblable à tous les autres que j’ai vécus ces dix derniers mois à Dakar, au Sénégal. Mais non, les pièges de la vie, l’incapacité à lire au-delà des apparences, l’inaptitude à sonder les desseins parfois lugubres de l’esprit humain, le caractère insaisissable du plan divin m’ont projeté dans une aventure tragique.

J’arrive en effet en fin de séjour et comme cela est devenu classique par ces temps de pandémie, un test Covid négatif est requis pour voyager. J’intègre cette disposition à mon agenda et prends rendez-vous avec un taximan logeant dans le même immeuble que moi.

Puisque Dakar vit depuis quelques temps une période de rebonds de la pandémie et qu’il est de notoriété publique que la demande est forte en matière de dépistage, il fallait se rendre très tôt à l’Institut Pasteur, l’un des sites dédiés à la réalisation des tests pour voyageur. Ne me doutant de rien, je propose 5h du matin comme heure de départ de la résidence.

Le rendez-vous est respecté à la lettre ce lundi à l’heure convenue avec le taximan déjà sur les lieux, faisant les derniers réglages sur son véhicule. Il est 5h du matin, une petite pénombre subsiste encore et entre-temps, mon compagnon (taximan) me fait part de son intention de remonter à l’immeuble pour récupérer un objet.

A peine disparait-il dans les escaliers que, brutalement, je sens une présence humaine dans mon dos et je n’eus pas le temps de réaliser le manège que déjà je suis étranglé, étouffé et brutalisé. Les agresseurs qui étaient en embuscade ont eu le champ libre pour opérer, emportant avec eux mon sac contenant mon passeport, mon billet d’avion, deux (2) téléphones portables et un ouvrage.

Quand je reprends mes esprits, c’est pour découvrir que j’avais l’œil gauche en feu, sanguinolent et le corps endolori par endroits. Mes appels au secours n’ont pas vraiment prospéré, sauf la promptitude d’un jeune cohabitant (M.C) qui vole à mon secours. Commence alors une folle journée traumatisante partagée entre l’Institut Pasteur au centre-ville, un cabinet de soins ophtalmologiques de la place et le commissariat d’arrondissement.

L’Homme, le remède de l’Homme

Dans ma mémoire résonne encore le diagnostic du médecin ophtalmo qui, par deux ou trois fois, s’est exclamé : « Vous avez eu beaucoup de chance, je m’occupe de vous en espérant que vous allez pouvoir voyager malgré la perte de vos titres de voyage ». Et oui, sa prière a été entendue ; j’ai pu voyager et regagner Ouagadougou assez mal en point, mais vivant ! A vrai dire, j’aurais tout imaginé sauf une fin de séjour aussi chaotique qu’affligeante.

Le plus désarmant est bien cette indifférence du temps, ce statut de pèlerin ignorant/aveugle dans lequel nous maintient l’opacité de l’avenir qui, finalement, sait si bien garder ses secrets envers et contre nous. On en arrive justement là au chapitre des regrets ; notamment celui de voir ce triste évènement contribuer à effilocher la belle toile que je me suis appliqué à tisser durant mes dix mois de mission professionnelle à Dakar.

Mon meilleur témoignage, je le rendrai à ce jeune (M.C) qui m’a assisté mieux que le ferait un frère jumeau. Sa présence, au-delà du soulagement, ma apporté un profond réconfort au milieu de la détresse. M.C a vraiment fait œuvre de fraternité agissante que je considère après toute analyse comme un « secours divin offert dans la détresse ».

Des provisions alimentaires à l’organisation sécurisée de mon départ de Dakar deux jours plus tard aux achats en pharmacie, il a tout assuré avec esprit de détachement et beaucoup d’humanisme. Mais j’aurai surtout éprouvé combien le sage africain avait eu raison d’enseigner et de prévenir que l’Homme est le remède de l’Homme.

Troublante volonté permissive du Père

Avec un peu de recul, que de questionnements fourmillent dans mon esprit au lendemain de cette agression. Le premier est en lien avec la volonté permissive de Dieu (Créateur). Je m’y attarde pour la simple raison que le croyant que je suis a mis ce lundi matin (jour de l’agression) un point d’honneur à prier et à implorer la protection du Tout-Puissant.

Ce même geste a été reproduit dès que j’ai franchi le pas de la porte. Cette dévotion n’a pas empêché que je sois la cible d’une agression dans les cinq minutes d’après. Mais, loin de penser que Dieu m’a abandonné, je me range à l’idée que le pire aurait pu arriver et que la main du divin a dû s’opposer au courroux et à la cupidité de mes assaillants. Tel un passereau, je n’ai pas pu échapper, dans l’absolu, au piège de l’oiseleur, mais le bilan aurait pu dépasser en gravité les blessures reçues. J’ai alors de bonnes raisons de proclamer que mon âme est reconnaissante à l’Eternel pour Sa miséricorde.

La sagesse africaine couplée à un certain esprit de fatalisme très prégnant dans notre rapport au divin, m’ont incliné à adhérer au discours de l’ensemble de mes parents, amis et consolateurs plutôt convaincus que « si ce qui est arrivé, arriva, c’est qu’il devait arriver ». Nombreux sont ceux et celles qui y ont ajouté ce grain de sel : « ça aurait pu être pire ». Mais oui, et c’est peu dire dès lors que l’on s’avise à donner un contenu à cette notion du « pire ».

L’essentiel : Dieu et les siens

Sans fioritures et pour tout dire, cette agression qui m’a infligé tant de douleur physique que psychologique était censée compromettre mon voyage-retour voire générer un handicap ou des préjudices sur la durée. Du coup, je mesure maintenant plus qu’avant, combien les « choses » sont fragiles, fugaces ; combien nos luttes pour l’accomplissement social et professionnel sont sujettes à la loi de l’inconnu et que même nos plus grandes fiertés et acquis n’ont pas plus de valeur que la grâce d’exister, d’être là avec ceux qui nous aiment, qui tiennent à nous et pour qui nous comptons.

Les sacrifices les plus lourds consentis dans une quête de mieux-être et de prospérité peuvent basculer ou s’effriter en une fraction de secondes. Tout peut devenir rien aux détours d’une agression, d’un péril. Rien n’a autant de valeur que la vie si tant est que le risque est partout et hélas susceptible d’inhiber le goût d’une aventure professionnelle pourtant utile.

En effet, l’enjeu c’est aussi là ; dans la quête de l’utile et de l’essentiel pour peu que l’on sache où ils se logent et en quoi ils consistent. C’est là une part de la terrible expérience que j’ai endurée durant les deux (02) minutes qu’a duré mon supplice sous la terreur de mes agresseurs.

Dans cet intervalle de temps si court, j’ai eu juste deux pensées, juste deux inspirations ; disons deux flashes qui m’ont traversé l’esprit : Dieu et ma famille. De façon instinctive j’ai sollicité le secours du Père et j’ai imaginé ma famille sans moi, soit une fin de parcours à mille lieux des miens. Pour de bon, j’ai été instruit et retenu la leçon : après Dieu, la famille !

Anicet Laurent QUENUM

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