Actualités :: Lutte contre les mariages précoces au Burkina Faso : Une pratique à la peau (...)

Se fondant sur des rapports d’Organisations non-gouvernementales (ONG) internationales et d’organisations nationales de défense des droits des enfants et des femmes, des personnes ont, individuellement ou en groupes, interpellé le Président du Faso, via l’Ambassade du Burkina Faso en Autriche, sur la problématique des mariages précoces et forcés dans notre pays. La Mission permanente, qui a transmis le message à qui de droit, voudrait remercier toutes ces personnes pour l’intérêt porté au Burkina Faso et les rassurer que des efforts sont entrepris pour combattre ce problème.

Selon une analyse publiée le 8 mars 2021 par l’UNICEF, 100 millions de filles dans le monde étaient exposées avant la pandémie du COVID-19 au risque d’être mariées pendant leur enfance durant la prochaine décennie, malgré un recul considérable de la pratique ces dernières années dans plusieurs pays.

Dans un rapport antérieur, l’UNICEF indiquait que les mariages d’enfants sont fréquents en Afrique subsaharienne, où 4 filles sur 10 se marient avant 18 ans. Le phénomène touche également l’Amérique latine et les Caraïbes (25%), le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (17%) ainsi que l’Europe orientale et l’Asie Centrale (11%).

Pour rappel, les experts de la question considèrent qu’un mariage est dit « précoce » lorsque l’un des deux époux a moins de 18 ans et il est dit « forcé » lorsqu’au moins l’un des partenaires de la future union est privé de la liberté de choix de son futur époux.

Il est indéniable que la situation est préoccupante au Burkina Faso où les taux de mariages précoces et forcés sont très élevés. C’est pourquoi, en 2015, le pays a adopté une stratégie nationale de prévention et d’élimination des mariages d’enfants (SNPEME) dont l’objectif est de faire reculer de 20% le mariage précoce d’ici 2025. L’ambition étant, bien sûr, de parvenir progressivement à éliminer totalement la pratique.

Pour les autorités burkinabè, la complexité de la problématique nécessitait l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie en vue d’obtenir, dans le moyen et le long terme, des résultats concrets.

Il fallait d’abord travailler à disposer d’un environnement juridique propice à la protection des jeunes filles et jeunes femmes, susceptible de les soustraire à ces pratiques dont l’on est unanime sur les conséquences désastreuses non seulement sur les personnes concernées mais également sur le développement endogène du pays. Il s’agit, entre autres, de l’abandon prématuré des bancs de l’école, du risque élevé de mortalité maternelle et infantile, des violences conjugales, du retard de croissance, du traumatisme psychologique, de la démographique incontrôlée, de la pauvreté…

Il était ensuite nécessaire de mettre l’accent sur une évolution des mentalités. En effet, les dispositions légales et règlementaires ne suffisent pas à elles seules à faire changer fondamentalement la donne au Burkina Faso. De nombreux mariages précoces sont contractés en raison de la situation socio-économique des familles qui y trouvent la voie pour faire face, un tant soit peu, à leur pauvreté matérielle et économique.

Mais le fondement de ces mariages étant essentiellement culturel et sociologique, il convient d’explorer d’autres voies, notamment la sensibilisation pour le changement de mentalité, la mise en œuvre d’une politique hardie en faveur de l’éducation de la jeune fille pour éradiquer le mal. Il est, en outre, important de savoir que ce type de mariage est toujours considéré, dans de nombreuses régions surtout rurales, comme un moyen de consolider les relations entre groupes sociaux ou familles. On observera que la future mariée est promise dès sa naissance, ou au cours de son enfance et dans certains cas avant même sa naissance.

Dès la grossesse de sa femme, le mari promet que si elle accouche d’une fille, elle sera destinée à tel homme ou à telle famille pour lui témoigner sa reconnaissance ou son amitié qui devra survivre au temps à travers l’union qui sera scellée. Ainsi qu’on le constate, la loi seule ne suffit pas à mettre fin à cette pratique multiséculaire.
Au Burkina Faso, comme ailleurs dans le monde, la persistance des mariages forcés n’est pas propre à une communauté, à une religion ou à une ethnie. Ils sont la résultante d’une pratique culturelle ancestrale. En rappel, il existe soixante-six (66) ethnies réparties sur l’ensemble du territoire national.

Qu’en est-il aujourd’hui de la situation au Burkina Faso, six ans après l’adoption de la stratégie nationale de prévention et d’élimination des mariages d’enfants ? La problématique est-elle au cœur du programme du Président Roch Marc Christian Kaboré, élu en 2020 pour un second et dernier mandat de cinq ans ?

Il faut d’emblée souligner que de nombreux efforts sont consentis par les pouvoirs publics pour combattre le phénomène. Il convient de saluer l’accompagnement du gouvernement burkinabè par des partenaires ainsi que des organisations internationales et nationales œuvrant dans le domaine des droits des enfants et des femmes.

Aux côtés du ministère de la Femme, de la Solidarité nationale, de la Famille et de l’Action humanitaire, chargé de la mise en œuvre de la stratégie nationale, ils initient diverses activités de plaidoyer et de sensibilisation en vue de mettre fin aux mariages précoces. La stratégie est assortie de plans d’action opérationnels.
Le premier plan triennal 2016-2018 a concerné prioritairement quatre axes : la prévention, la prise en charge psychologique et scolaire, le renforcement du dispositif national et la répression. Le suivi-évaluation a permis de s’appuyer sur les acquis sur le terrain mais également sur les difficultés rencontrées pour la finalisation du deuxième plan qui s’étend de 2019 à 2021. A ce jour, on peut noter les avancées significatives suivantes :

- l’harmonisation de l’âge du mariage à 18 ans aussi bien pour le garçon que pour la jeune fille dans le code pénal burkinabè ;
- la punition du mariage d’enfants, qu’il soit célébré par un officier d’Etat civil ou par une autorité coutumière ou religieuse ;

- l’accompagnement de la scolarisation, de la formation professionnelle et la mise en œuvre d’activités génératrices de revenus au profit de filles scolarisées ou non, victimes ou exposées au mariage d’enfants dans toutes les régions du pays ;
- des plaidoyers fructueux à l’endroit des leaders coutumiers et religieux, des élus locaux et des responsables d’associations féminines sur la problématique ;
- la mise en place de clubs dans les villes et villages pour encadrer les adolescentes et jeunes filles en matière de santé sexuelle et reproductive, en genre et droits humains ;

- la mise en place de cellules de veille dans plus de 872 villages ayant déclaré l’abandon du mariage d’enfants et de l’excision.
Il convient de souligner que toutes ces actions ont été précédées de plusieurs études sur les inégalités de genre et la problématique des mariages précoces. En outre, ces avancées ont été rendues possibles grâce également à la concrétisation des engagements pris par le Président Roch Marc Christian Kaboré sur la question.

En effet, dans son programme, le Chef de l’Etat s’est engagé à améliorer, de manière sensible, la condition de la femme qui demeure une actrice incontournable du développement de la société. Et ce, à travers un meilleur accès de la jeune fille à l’éducation, de l’école primaire à l’université, une révision de l’arsenal juridique, des campagnes de sensibilisation impliquant tous les acteurs concernés par la problématique (jeunes filles, parents, enseignants, leaders coutumiers, autorités religieuses, ONG, services étatiques ...).

Comme on peut le constater, les engagements mais surtout les initiatives prises en vue d’éliminer le mariage des enfants au Burkina Faso sont salutaires et à encourager. Si l’on peut se féliciter de ce qui est déjà fait, il convient de reconnaitre qu’il reste encore beaucoup à faire pour éviter aux jeunes filles de payer le prix fort de cette pratique néfaste. C’est pourquoi, les plus hautes autorités ont fait de cette question une préoccupation majeure et ont engagé toutes les composantes de la société à s’impliquer en vue de gagner le combat.

On peut dans ce sens se féliciter de l’engagement de Mme Sika Kaboré, épouse du Président du Faso, dans l’élimination des mutilations génitales féminines et du mariage d’enfants. Entre autres activités menées, le Groupe d’action de lobbying et de plaidoyer (GALOP), qu’elle préside, a organisé, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) en 2019 et en 2020, des sessions de renforcement des capacités des journalistes et communicateurs sur le mariage des enfants.

Ces actions, comme elle l’a si bien souligné, visaient à outiller les hommes et femmes des médias afin qu’ils s’engagent à relayer plus efficacement les informations et à éduquer les populations en vue d’aboutir à une tolérance zéro de cette pratique.

Il faut donc saluer ces initiatives sur le terrain et celles de partenaires comme l’UNICEF, la Banque Mondiale et d’autres organisations évoluant dans le domaine de la défense des droits des enfants et des femmes. Selon les responsables burkinabè en charge de la question, le pays s’honore déjà de cet engagement à ses côtés et poursuit ses efforts.

Et si la trajectoire est bien accompagnée par d’autres bonnes volontés, le Burkina Faso pourrait envisager avec la communauté internationale de mettre un terme à cette pratique d’ici à 2030, conformément à l’objectif 5 de développement durable (ODD) des Nations-Unies, spécifiquement consacré à l’égalité des sexes et à l’autonomisation de toutes les femmes et filles.

En cela, il est bon d’interpeller les autorités burkinabè sur la question mais toute initiative citoyenne visant à soutenir le Burkina Faso dans ce combat contribuerait certainement à l’atteinte de cet objectif largement partagé.

Simon YAMEOGO
Attaché à l’Ambassade du Burkina Faso à Vienne (Autriche)

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