Actualités :: L’opposition politique au Burkina Faso : L’analyse de Do Pascal Sessouma, (...)

Depuis quelques jours, le débat sur la représentativité de l’opposition a pratiquement pris le dessus sur la situation sécuritaire au Burkina Faso, notamment la question des commissaires de la CENI, ainsi que la désignation des participants de l’opposition au dialogue politique. Si le choix du représentant de la chefferie coutumière à la CENI a cristallisé l’attention de l’opinion, des voix se sont élevés pour jeter un pavé dans la mare en récusant les choix du CFOP aussi bien pour les commissaires de la CENI que pour les participants au dialogue politique, ce qui suscite les observations suivantes :

1) Le CFOP est le seul cadre de l’opposition dûment reconnu par l’Etat, en tant que institution de la république. Que cette institution soit une seule personne (le chef du parti de l’opposition arrivé en tête des élections législatives) ou un regroupement de partis se déclarant de l’opposition, n’y change rien. La loi c’est la loi, même imparfaite. Le CFOP ne peut fermer la porte à un parti, et de ce fait, tous les partis de l’opposition y ayant adhéré pourraient être partie prenante du dialogue politique, comme la dizaine des partis qui y ont accompagné le CDP le 17 juin dernier. C’est à ce titre que le président de Vision Burkina a pu figurer dans la délégation de l’opposition lors du dialogue politique.

2) Les commissaires de l’opposition de la CENI sont issus des partis se réclamant de l’opposition. La configuration du CFOP est faite de partis parlementaires ayant des députés à l’Assemblée nationale, et des partis extraparlementaires, les plus nombreux, n’ayant pas réussi à faire élire un seul député. Les partis parlementaires, au nombre de trois (03) sont le CDP avec 20 députés, l’ADF-RDA avec 03 députés et AGIR avec 02 députés.

Difficile d’imaginer qu’un parti parlementaire ne puisse pas envoyer un de ses cadres à la CENI. Ainsi, l’ADF-RDA et AGIR y ont envoyé chacun 01 commissaire et le CDP, vu son poids à l’hémicycle, avait la possibilité d’y envoyer 03 commissaires. Mais le CDP a choisi de n’y envoyer que deux commissaires, en donnant la troisième place aux partis extraparlementaires membres du cadre de concertation du CFOP. La désignation de ce commissaire a été faite selon des règles démocratiques, en portant le choix sur un des leurs, après trois tours de scrutin.

C’est dire donc que l’opposition non affiliée (ONA) qui demande une reconnaissance officielle à l’administration, par exemple, avec sa « dizaine de partis actifs et une centaine dans l’antichambre » comme on a pu l’entendre, ne peut revendiquer de siège de commissaire à la CENI, au stade actuel de la loi, car n’ayant aucun élu à l’hémicycle, et aucune disposition légale ne fixant un quota de commissaires pour les partis extraparlementaires, fussent-ils au nombre de deux cents.

Les partis de la majorité s’étant regroupés en une alliance dite « alliance des partis de la majorité présidentielle (APMP) », rien n’interdit aux partis de l’opposition d’en faire de même dans une « alliance des partis de l’opposition politique (APOP) », pour respecter le parallélisme des formes. Mais à la différence de l’APMP où tous les leaders des partis acceptent de renoncer à leurs ambitions présidentielles au profit d’un seul chef, le Président du Faso, au CFOP les partis de l’opposition conservent leur autonomie, et leurs responsables fourbissent leurs armes pour la prochaine campagne présidentielle.

Et si d’aventure un tel scénario de création de l’APOP venait à voir le jour, il est presque certain que le président de cette alliance ne pourrait être que le leader du parti de l’opposition qui aurait engrangé le plus grand nombre de députés à l’Assemblée, c’est-à-dire le président du CDP, comme l’est le président du MPP pour l’APMP. Dans un tel cas de figure, il n’y aurait plus aucune raison pour un parti de ne pas adhérer à l’un ou l’autre de ces regroupements, APMP ou APOP.

Il est curieux que ce débat sur l’opposition resurgisse au moment où le CFOP relève la tête pour jouer pleinement son rôle institutionnel de critique du pouvoir. Lors de la marche du 03 juillet dernier à Ouagadougou, des responsables de l’ONA avaient demandé à y participer, ce qui ne posa aucun problème. Après la marche, le président de la conférence des présidents de l’ONA a pris part au débriefing au siège du CFOP, toutes choses qui auguraient d’un rapprochement possible entre les deux entités pour une opposition plus unie et plus forte.

Les critiques sur le format du dialogue politique qui exclurait une bonne partie de la classe politique de l’opposition sont sans doute fondées. Cependant, il est bon de rappeler que les invitations au dialogue politique ne sont pas le fait du CFOP mais de l’autorité qui le convoque, et adressées à qui de droit. Personne ne peut accuser le chef de file de l’opposition de sectarisme ou d’exclusion pour une initiative dont il n’est pas à l’origine. Si vous refusez d’entrer dans une maison par la seule porte disponible, il ne vous reste donc plus qu’à ouvrir une autre porte, si vous en êtes capable, et même là, il vous faudra encore l’accord du propriétaire.

« L’engagement politique n’est pas une valeur, mais il peut être une nécessité » disait Louis Pauwels. Les élections de novembre 2020 ont livré leur verdict, peu importe comment elles se sont déroulées et ce qui s’est réellement passé. Vision Burkina n’ayant récolté aucun siège de député à l’Assemblée, a fait le choix stratégique de s’agripper à un parti beaucoup plus fort, tel un wagon qui ne peut arriver à quai que tiré par une locomotive.

C’est un choix de clairvoyance et d’humilité, mais Vision Burkina reste un parti autonome, avec son idélogoie pacifiste, avec son projet de société et son programme de gouvernement. Et dans quelques années, si Dieu le veut, Vision Burkina sera encore là pour l’affrontement dans l’arène politique contre les autres partis, avec un candidat à l’élection présidentielle qui ne sera pas celui du CDP.

Et si jamais l’envie lui en prend, le président de Vision Burkina pourrait lui aussi réunir quelques partis, créer un autre regroupement appelé opposition atypique burkinabè (OAB), récuser le monopole du CFOP et de l’ONA, et ce nouveau regroupement serait lui aussi reconnu par l’administration car le cas de l’ONA ferait jurisprudence.

Mais à défaut d’être élu président du Faso, s’il gagne assez de députés pour être désigné chef de file de l’opposition, il y a fort à parier que son projet de création de ce nouveau regroupement sera vite oublié. A moins que ce ne soit le président de la conférence des présidents de l’ONA lui-même qui ne devienne chef de file de l’opposition ? Parfois, il faut savoir raison garder, même en politique.

Kiemdoro Dô Pascal Sessouma
Président de Vision Burkina

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