Actualités :: Sécurité : « La mort de Déby donne une belle leçon pour l’avenir du G5 Sahel », (...)

Les attaques terroristes au Burkina Faso ne sont pas à leur terme. Dans la sous-région, les forces obscures sèment toujours la terreur. Suite au décès du président tchadien Idriss Déby, beaucoup d’observateurs s’inquiètent pour l’avenir du G5 Sahel. Dans cette interview, le commissaire de police, Rachid Palenfo, qui est d’ailleurs écrivain et consultant en gouvernance du secteur de la sécurité, donne sa lecture.

Lefaso.net : Quelle est votre perception de la lutte contre l’insécurité menée par le G5 Sahel ?

Rachid Palenfo : Au niveau du G5 Sahel, nous sentons une volonté de faire. Les chefs d’Etat font de leur mieux, des actions sont menées périodiquement avec l’accompagnement de la France personnellement mais aussi d’autres partenaires. Cependant, la lutte contre le terrorisme et ses corollaires connait des limites. C’est ce qui entrave l’atteinte rapide des objectifs. L’une des difficultés est la volonté du G5 Sahel de vouloir tout faire. Le but du G5 Sahel c’est la sécurité sinon la stabilisation de l’urgence sécuritaire. C’est donc un outil de coopération mis en place à cet effet.

Force est de constater que de jour en jour, il s’attribue des prérogatives qui peuvent donner lieu à confusions créant ainsi un amalgame préjudiciable dans ses rapports avec la CEDAO et l’UEMOA. Ensuite, il y a un problème organisationnel de l’action. La conflictualité au Sahel est fortement liée à un problème de maîtrise des espaces frontaliers. La stratégie de déploiement des effectifs sur différents fuseaux doit se renforcer par des stratégies bilatérales de sécurisation des périmètres frontaliers.

Par exemple, pour ce qui concerne la frontière Burkina-Mali, long de plus de 1000 kilomètres, les différentes autorités pour définir ensemble les modalités de sécurisation (nombre de postes de sécurité le long des frontières, les mécanismes de défense opérationnelle et de contrôle de la migration, les moyens, etc.). Il y a également des difficultés pour le G5 Sahel à mobiliser des ressources nécessaires à son fonctionnement.

Ainsi, les Etats peuvent réfléchir sur la mutualisation des ressources internes sur un certain nombre de domaines comme la commande de matériels de défense et de sécurité ; une seule commande lancée par les cinq pays reviendra moins coûteuse que des commandes séparées pour le même équipement. Fort de ces insuffisances et au regard des critiques récurrentes sur son efficacité, voire son utilité, le G5 Sahel devrait penser sur l’opportunité d’une réformation afin de répondre efficacement et durablement aux attentes urgentes des populations du Sahel.

Dans cette lutte, le G5 Sahel perd un allier assez important, il s’agit du président tchadien Idriss Déby. Beaucoup s’inquiètent pour l’avenir de ce groupe. Partagez-vous la même préoccupation ?

La mort du président tchadien, Idriss Déby Itno, pose un certain nombre d’inquiétudes quant au devenir du G5 Sahel et même du Sahel. Nous avons le risque du retrait des troupes stationnées dans la zone des trois frontières. Le risque que l’engagement du Tchad d’après Déby n’ait pas le même dynamisme dans la lutte contre le terrorisme. Mais, le pire des scénarios non souhaitables est la transformation du Tchad en une seconde Lybie du fait de l’échec dans la gestion du processus de la succession. Un Sahel déjà fragile pourrait-il faire face à un tel aléa ? D’où la nécessité pour les pays du G5 Sahel de s’impliquer pour faciliter le processus de transition devant conduire à des élections. Insister auprès des Tchadiens sur leurs responsabilités, leurs engagements et surtout les inviter à promouvoir le dialogue pour une gouvernance inclusive. C’est à ce prix que nous pourrons sauver le Tchad et le Sahel.

Le destin [sécuritaire] d’une sous-région ne peut se reposer que sur un seul pays ?
Le destin d’une région doit reposer individuellement et collectivement sur l’ensemble des pays de cette région et non sur un seul pays. Sinon en cas de crise au sein de ce pays-gendarme, c’est toute la région qui se sentira vulnérable et en danger face à la crise. La mort brutale du président tchadien nous donne là une belle leçon pour l’avenir pour les pays du G5 Sahel à savoir compter sur soi avant l’autre pour sa sécurité.

Dans votre ouvrage « Théorie des fondamentaux de la sécurité nationale en Afrique », vous proposez trois grands fondements comme une alternative pour la réformation des systèmes sécuritaires en Afrique. Pouvez-vous revenir sur ces trois grands fondements ?

Selon moi, la sécurité d’un Etat repose sur trois (03) grands fondements à savoir :
Premier pilier : la sécurité par Moi ou sécurité personnelle (organisation de la sécurité individuelle et familiale) ;

Second pilier : la sécurité par Nous ou sécurité communautaire (la sécurité dans nos quartiers et villages) ;

Troisième pilier : la sécurité institutionnelle qui fait intervenir les pouvoirs publics, les forces de sécurité nationale, la sécurité privée, la solidarité interétatique, etc.

Il y a une interaction et une interdépendance entre les différents paliers de sorte que la rupture d’un pilier entraîne un dysfonctionnement du système. Dans l’analyse sécuritaire d’un pays, l’on s’appuie sur ces fondements pour mesurer le niveau d’efficacité. Ainsi, dans le cas du Burkina Faso, l’on peut se demander lequel ou lesquels de ces piliers ne fonctionne (fonctionnent) pas correctement ? Autrement dit, les populations ont-elles une culture de la sécurité personnelle à la maison, en famille, lors des déplacements, au service ? Nos communautés sont-elles bien organisées dans les quartiers et les villages ? Les forces de l’ordre répondent-elles efficacement aux attentes des populations ? Existe-t-il de bons rapports entre FDS et population ? Les acteurs ont-ils conscience de leur rôle et leur responsabilité ? Sont-ils éduqués à cet effet ?

Dites-nous pourquoi la « sécurité pour nous » ou sécurité institutionnelle est-elle importante dans le cas actuel pour les pays du Sahel ?

La sécurité pour Nous ou sécurité institutionnelle est importante pour les pays du G5 Sahel car elle met en œuvre l’appareil étatique dans toutes ses composantes publiques et privées. Elle accorde une place privilégiée à la solidarité interétatique empreint d’entrain plutôt que la coopération soutenant l’idée d’intérêt. Enfin, elle appelle à une prise en compte de nos valeurs africaines dans la gouvernance sécuritaire. C’est donc une mobilisation globale, holistique, multidisciplinaire et multidimensionnelle pour la recherche de la paix et de la sécurité au Sahel.

Propos recueillis par Cryspin Laoundiki
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