Actualités :: Burkina : Le découpage de l’administration territoriale doit être accompagné (...)

Ceci est une tribune de Sansan Tori Hien, administrateur civil et chargé d’études à l’université Nazi Boni. Il apporte sa "contribution dans la gestion rationnelle des circonscriptions administratives pour plus d’efficacité et d’efficience".

Le 04 février 2021, le Chef du Gouvernement, son Excellence Monsieur Christoph Joseph Marie DABIRE annonçait la réforme de l’administration du territoire à travers le découpage et la loi programmatique qui permettront d’affirmer la présence de l’Etat sur l’ensemble du territoire national. C’est assurément une décision louable parce que le territoire burkinabè est depuis longtemps sous-administré comparativement à ceux de la plupart des pays voisins.

Le temps et la sédimentation historique ont contribué à la légitimation de l’idée du découpage territorial voulu par le Premier Ministre. Certainement, les plus hautes autorités ont bien analysé les conditions auxquelles les périmètres fonctionnels se transforment en territoires institutionnels dans la longue durée et les effets spatiaux, économiques et sociaux qu’ils produisent à long terme.

Mon objectif n’a pas la prétention ici de faire une analyse scientifique du processus de découpage à la lumière de sciences administratives, mais une modeste contribution dans la gestion rationnelle des circonscriptions administratives pour plus d’efficacité et d’efficience.

En effet, l’administration territoriale est organisée en vue d’assurer l’encadrement des populations, de pourvoir à leurs besoins, de favoriser le développement économique, social et culturel ainsi que de réaliser l’unité et la cohésion nationales. Elle est assurée dans le cadre de circonscriptions administratives hiérarchisées que sont : les Régions, les Provinces et les Départements.

A cet effet, elles sont créées, modifiées ou supprimées en vue de rapprocher l’administration des administrés, de la structurer pour l’homogénéité du découpage et la correction des disparités régionales. Cela explique la pertinence de la nomination des représentants du Chef de l’Etat et du gouvernement dans toute son entièreté à la tête des circonscriptions administratives pour orchestrer la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques…En français facile, ce sont les « bras et pieds » du Président du Faso et du gouvernement.

Normalement, tout devrait bien se dérouler dans les territoires s’il y avait une cohérence ou une complicité stratégique entre le sommet et la base qu’ils sont. Toutefois, il n’en est pas question. La révolution du 04 août 1983 a déstabilisé l’administration du territoire en banalisant la fonction de chefs de circonscriptions administratives et en les réduisant à leur portion congrue. Ce scénario s’apparente bien à un serpent qui se mord la queue.

Ainsi, les conséquences qui en découleront seront énormes : les circonscriptions administratives ruiniformes, les représentants du pouvoir central transformés en loques humaines, le développement territorial demeure obsolète, l’incivisme est devenu la règle car l’autorité publique locale n’est plus dans les bonnes grâces de sa source ; d’où la sous-administration du territoire national. De plus, on lui refuse tout droit d’avoir un statut digne de son rang pour mieux encadrer le bon déroulement des affaires publiques.

Aujourd’hui, les plus hautes autorités du pays se sont rendues compte que pour réduire considérablement l’insécurité et assurer un bon développement économique et social des populations, il faut une bonne organisation de l’administration du territoire. Je pense, à mon avis, que c’est une belle occasion pour le Gouvernement de nouer un contact stratégique avec leurs représentants pour être plus près des populations. Cependant, cela doit passer par une bonne organisation à travers le dégraissage des Régions et des Provinces.

Ainsi, je suggère que le découpage soit accompagné de la rationalisation des circonscriptions administratives en vue d’optimiser les résultats, c’est-à-dire réduire le nombre d’autorités administratives en conservant les trois niveaux de déconcentration pour plus d’efficacité et d’efficience. La pléthore d’autorités administratives dans les chefs-lieux de région et de Province, sans pertinence réelle, occasionne des dépenses, des difficultés de coordination et de collaboration dans l’exécution de l’action publique.

En effet, cette rationalisation aura un double avantage. Premièrement, elle entraînera l’efficacité et l’efficience dans le travail sans empiéter sur le domaine de compétence d’autres acteurs, la réduction du budget de fonctionnement et l’éradication de l’oisiveté dans les bureaux. Deuxièmement, la rationalisation dans la gestion des circonscriptions administratives permettra de réduire considérablement le nombre de l’équipe de gouvernance sans la suppression d’un échelon dans l’architecture administrative. Les Régions, les Provinces et les Départements resteront intacts.

Pour ce faire, le Gouverneur de Région serait délégué dans les fonctions du Haut-commissaire de Province et du Préfet de département, chef-lieu, c’est-à-dire qu’il cumulerait les fonctions du Gouverneur avec celle du Haut-commissaire et du Préfet de chef-lieu de Région.

Le Haut-commissaire de Province serait délégué dans les fonctions du Préfet, chef-lieu, c’est-à-dire qu’il cumulerait les fonctions du haut-commissaire avec celles du préfet, chef-lieu de Province.
Le Préfet du département, chef-lieu de commune rurale reste irremplaçable, car il y est le seul représentant du Gouvernement.

Ainsi, numériquement, on aurait treize (13) Hauts-commissaires, quarante-cinq (45) Préfets et quarante-cinq (13) Secrétaires généraux de province, qui disparaîtraient, soit soixante-dix (70) autorités administratives au total.
Ce dégraissage rendrait fluide le fonctionnement et entraverait la sous-administration des circonscriptions administratives.

Outre la rationalisation, il faudrait l’institution du corps préfectoral dont la gestion stratégique serait réservée au premier Ministre, ce qui donnerait plus de force à sa mission de représentation. Il faut noter au passage que c’est le seul pays de la sous-région qui ne dispose pas d’un corps préfectoral, d’où la nécessité de l’instituer dans le cadre de cette réforme.

Le découpage territorial entraînera évidemment la croissance numérique des circonscriptions administratives nécessitant plus de moyens financiers, matériels et humains. Or, celles qui existent déjà souffrent du manque crucial de moyens conséquents pour leur bon fonctionnement. Alors, s’impose l’impérieuse nécessité d’évoluer vers le dégraissage des circonscriptions administratives à l’effet de les équiper conséquemment pour le rayonnement intérieur de l’Etat. Si les plus hautes autorités occultent cette réalité, ce découpage ne servira à rien sinon qu’à renforcer la sous-administration du territoire national.

Toutefois, le Premier Ministre et le Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation semblent bien cerner le problème qui entrave depuis longtemps le développement territorial du pays.

L’administration du territoire est l’épine dorsale de Etat ; nul ne peut le nier. Le développement intégral du pays dépend donc de sa stabilité et de sa bonne structuration, car c’est elle qui constitue le fer de lance du gouvernement. Sa banalisation et sa déstructuration équivalent à la mutilation de l’Etat, voir celle du Gouvernement.

Au demeurant, la rationalisation des circonscriptions administratives proposée, ici, n’est pas un paradigme inouï, mais un modèle qui a fait et qui fait ses preuves ailleurs. Les ressources étant limitées, la nécessité de rationaliser les circonscriptions administratives s’avère, pour ma part, nécessaire si le Gouvernement veut avoir une administration territoriale digne, performante et axée sur les résultats du développement économique et social.

Sansan Tori HIEN
Administrateur civil
Chargé d’études à l’Université Nazi BONI

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