Actualités :: Yacouba Isaac Zida, dossier Sankara, pouvoir Kaboré : Les confessions de (...)

Alors qu’il était jusque-là connu comme une des personnes-ressources de l’Union pour la renaissance/parti sankariste (UNIR/PS), parti qui soutient la candidature du président sortant, Mousbila Sankara a surpris nombre de ses connaissances par non seulement sa présence à la cérémonie d’investiture de Yacouba Isaac Zida, mais surtout son speech au parloir. C’était le 25 septembre 2020 à la Maison du peuple. Il voue un soutien à l’ancien président du Faso, ancien Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, candidat du Mouvement patriotique pour le Salut (MPS) à la présidentielle du 22 novembre 2020. Retour sur cette actualité avec l’ancien ambassadeur du Burkina en Libye avec qui, il a également été question de la vie nationale, notamment le dossier Sankara, le pouvoir Kaboré, etc.

Lefaso.net : Pourquoi avez-vous décidé de prendre fait et cause pour Yacouba Isaac Zida ?

Mousbila Sankara : Il a posé des actions, pas d’éclat certes, mais symboliques et déterminants. C’est pour cela qu’à la première conférence publique de l’ARCN (Association pour la renaissance d’une citoyenneté nouvelle), j’ai assimilé Zida à Thomas (Sankara), Maurice Yaméogo, Boukary Koutou (et d’autres que je n’ai pas pu citer parce que n’ayant pas pu apprécier la valeur de ce qu’ils ont pu faire).

Le deuxième élément, c’est l’hésitation du parti dans lequel je militais, l’UNIR/PS (j’avais constaté qu’il était dans une dynamique qui partait dans le MPP ou en tout cas, dans une impasse) et j’avais donc dit que dès que Zida rentrait, je déposerai ma démission pour me consacrer à lui. C’est vrai qu’il n’est pas venu, mais l’acte que nous avons posé, à savoir investiture à la présidentielle du 22 novembre 2020, est un engagement significatif. J’ai donc pensé qu’il était encore mieux que je m’y affirme, en participant à cet évènement.

Sans déposer ma démission à l’UNIR/PS, je suis exclu d’office, parce que ce sont les textes du parti qui le disent ainsi. Etant donc parti à l’investiture de quelqu’un qui ne porte pas les couleurs de mon parti ; mais c’est après avoir constaté que mon parti n’avait pas de candidat pour la présidentielle, j’assume la conséquence. Pour moi, comme ce n’est pas obligé qu’il soit présent pour l’investiture, et même pour la campagne, ça n’empêche pas.

Lefaso.net : Vous avez tenu à être à l’investiture, quels sont les faits qui vous ont marqué ?

Mousbila Sankara : Beaucoup de choses ! Mais je vais souligner une des très importantes, qui méritent qu’on en parle. Vous avez vu les chefs coutumiers, ils étaient cinq ou six ; non seulement ils sont venus, mais ils ont également pris la parole. Le fait, ce n’est pas seulement le fait d’être venus (parce qu’à l’investiture du parti au pouvoir, il y en avait plus), mais c’est le contexte dans lequel ils sont venus.

En effet, le même vendredi, une autorité coutumière avait convoqué tous les chefs coutumiers de la région du Centre au Palais de la jeunesse et de la culture Jean-Pierre Guingané (il y a eu un communiqué radio sur l’activité), à la même heure que l’investiture. C’était, à mon avis, un acte de blocage et de sabotage ; parce que lorsqu’il a été annoncé que Zida a été empêché de venir, il s’est dit (l’initiateur de la rencontré) que nous allions reporter notre activité (investiture), donc il a reporté la rencontre en question. Ceux-ci (les coutumiers) ont déjoué la caporalisation et ont levé cette entrave en venant à l’investiture, et c’est la première fois, depuis que la Haute-Volta existe, et même au Burkina, qu’un chef coutumier avec son bonnet a pris la parole à une investiture ou à une activité politique du genre.

Nous avons vu des chefs coutumiers créer des partis, mais ils prenaient rarement la parole.
La position donc de ces chefs devrait retenir l’attention. C’est ce qu’on appelle la révolution, qui n’est pas seulement ce que nous avons fait. La révolution dans son essence, c’est un bond qualitatif dans une société. Les quelques chefs que vous avez vus constituent un symbole, un signe de l’évolution positive dans la mentalité au sein de notre population ; parce que les coutumiers, en plus de représenter une large partie de la population, sont la couche la plus arriérée.

Si à un moment donné, cette couche en a eu marre d’être bâillonnée, traînée, c’est important d’être relevé. Ce d’autant plus que dans la coutume, l’autorité qui les convoités n’est pas habilitée à convoquer certains qui ont été investis par des dignitaires au-dessus de lui. En venant, c’est comme pour dire : faites de nous ce que vous voulez. C’est bien que l’opinion publique soit fixée sur cet aspect. Ceux-ci là viennent de se libérer d’un poids de plusieurs années et ils ne sont certainement pas venus sans la caution de l’empereur, dont nous connaissons la réserve.

C’est pour dire que celui-ci reste lucide et que toute personne, quel que soit son rapport avec le pouvoir, ne peut pas faire ce qu’il veut dans ce secteur social. C’est un grand acte dont les sociologues devraient se saisir. Depuis les années 50, jusqu’à la moitié des années 70, la révolution chinoise de Mao Tsé Tung n’était autre que cela. La Chine était plusieurs dynasties et royaumes, on ne pouvait rien faire avec cette mosaïque. Il a fallu qu’il demande aux gens de se libérer et c’est le fruit de cette libération qui a donné la Chine d’aujourd’hui, qui est une puissance. Il a fallu donc que Mao Tsé Tung prône ce qu’il a appelé la révolution culturelle.

Donc, ce qui s’est passé chez nous n’est pas rien et ça mérite d’être encouragé. Je ne serais pas en train d’écrire mes mémoires, que j’aurais fait un écrit sur ça. J’avais même envisagé, avec un ami à la sortie de la cérémonie d’investiture, qu’on se rende chez le Mogho Naaba pour planter un arbre de la dignité (avec sa permission). Mais pour n’avoir pas eu au préalable cette autorisation, nous avons avisé.


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Lefaso.net : Le MPS a, lors de cette investiture, traité le pouvoir Kaboré d’être ingrat envers Yacouba Isaac Zida. Ces propos ne confortent-ils pas ceux-là qui pensent qu’il y a simplement eu « transmission » du pouvoir entre la transition et le pouvoir actuel ?

Mousbila Sankara : Si la transition n’avait pas travaillé à écarter des candidats (CDP, ADF/RDA), ils allaient, peut-être, être élus, mais pas avec un score aussi confortable. Voici la réalité des faits qu’historiquement, on ne doit pas oublier. Aujourd’hui, ceux qui sont au pouvoir se rappellent-ils qu’ils doivent leur pouvoir à Zida ? Zida a été licencié de l’Armée. Mais, depuis quand Blaise Compaoré s’est présenté à un rassemblement ?

A-t-il déjà été passé devant un Conseil de discipline ? Non ! Mais je n’ai pas non plus appris qu’il a été depuis radié de l’Armée. Même Djibrill Bassolé, je ne sais pas s’il a été radié. Il y en a d’autres. Alors, il n’y a rien de plus révoltant pour un homme qu’une telle injustice. Si nous n’avions pas travaillé pour demander au général de laisser tomber sa volonté de venir coûte que coûte, on était dans des problèmes. Si vous poussez même les chefs coutumiers à sortir de leur réserve, comme pour dire : "foutez-nous la paix maintenant", ce n’est pas une bonne chose.
Regardez l’état du pays, des gens sont tués à longueur de journée, et on marche, comme si de rien n’était. Ce n’est pas bon. Il faut que les gens aient la suite dans les idées.

Là où il se situe la Maison du peuple là, il y a un Dima de Boussouma qui y est enterré. Ils ont été convoqués ici à Ouagadougou par le colon pour faire passer des messages. A la fin de la rencontre, le colon aurait demandé si quelqu’un avait quelque chose à dire. C’est là qu’il a levé la main, a pris la parole pour dire que cette façon de les convoquer doit être la dernière, que s’il veut que les chefs soient des auxiliaires, qu’il les respecte. Il a été tué sur place et il a été enterré là-bas, à côté d’une hutte qui servait de lieu de soins aux malades des endémies.

Bref, on ne peut pas tout raconter, mais c’est pour dire que les gens doivent faire attention, ils doivent regarder derrière eux quand ils posent des actes. Ici ou ailleurs, la chefferie coutumière a payé de sa vie pour la dignité et pour la reconstitution de notre pays dans son territoire actuel. C’est aussi pour préciser que les grands-parents de certains chefs aujourd’hui ont eu du mérite, en payant déjà, plusieurs années à l’avance, ce que nous avons aujourd’hui comme espace. La chefferie coutumière (de toutes les contrées) peut beaucoup contribuer aujourd’hui à la cohésion sociale et au vivre-ensemble. Il faut simplement savoir la mettre à contribution.

Lefaso.net : Vous louez Zida, mais ceux d’en face également disent qu’il n’est qu’un accident de l’histoire, qu’il n’a aucun mérite ; il a hérité d’un pouvoir que le peuple a arraché !

Mousbila Sankara : C’est très bien. Le peuple a commencé la lutte quand ? C’est même pour ça qu’il faut le féliciter ! Depuis l’avènement de la démocratie, un parti comme l’UNIR/PS, les sankaristes en général, et autres ont demandé le départ de Blaise Compaoré. Personne ne demandait la dissolution du RSP. Le 31 octobre (2014), Blaise Compaoré est parti, mais le RSP est resté !

Zida a posé un acte au bon moment ; ce qui a permis d’atteindre l’objectif. Ce n’est pas sûr qu’avec le RSP, ceux qui sont au pouvoir allaient pouvoir gouverner. Nous n’avons pas dit que Zida a bataillé seul, il a posé un acte que nous apprécions. S’il y a eu quelqu’un qui a bataillé aussi, c’est bien le général Diendéré (Gilbert), mais est-ce que ça lui a rapporté ? Donc, ce n’est pas le volume du travail, c’est l’acte et l’opportunité. D’ailleurs, comme le dit cet auteur : un seul coup précis vaut mieux que mille coups donnés au hasard.

Les gens ont simplement eu les moyens pour attirer le peuple pour être au pouvoir, et ces moyens-là, ils ne sont ceux d’aucuns d’entre eux et ils le savent bien. Si les tout premiers avaient voulu faire comme eux, ça n’allait pas être bien pour le pays.

Lefaso.net : Et c’est tout cela qui a mérité votre adhésion à son parti, le MPS, au détriment du parti avec lequel on vous a jusque-là connu ?

Mousbila Sankara : C’est non seulement tout ce que j’ai évoqué, mais également le fait que Zida et son président, Michel Kafando, ont ouvert le dossier Sankara (Thomas) qui était jusque-là un tabou. Le dossier était déposé et il fallait qu’un ministre de la défense signe. Et comme Blaise Compaoré était presque toujours le ministère de la Défense, ça ne pouvait pas passer. Le président Kafando, par le fait du prince, a rouvert le dossier. Rien que cet acte me satisfait.


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Depuis le 15 octobre (1987), le corps de Thomas Sankara n’a jamais été remis à la famille ; il est soit entre les mains de l’Armée soit entre les mains de la justice. On ne sait plus quelle hantise y-a-t-il à remettre le corps à la famille. Mais au moins, il faut remettre le corps à la famille ; parce qu’en Afrique, quand quelqu’un décède, il y a quand même des actes rituels que la famille observe ! Mais dans notre cas, ce n’est jamais le cas ; on s’arrange toujours à dire qu’un tel de la famille n’est pas d’accord ou ceci ou cela. On trouve toujours un prétexte, alors qu’en Afrique, quand il y a un décès, on sait aussi qu’il y a toujours une hiérarchie sociétale.

Lefaso.net : … pensez-vous que tout cela est savamment orchestré … ?

Mousbila Sankara : Bien-sûr que, c’est à mon avis, organisé. Moi qui suis assis, j’aurais bien voulu rencontrer Roch Kaboré, pour lui dire ce que je suis en train de vous dire. Permettez qu’on ait le corps, ne serait-ce qu’une semaine, pour pouvoir organiser des funérailles selon nos coutumes. Ça pouvait se faire ainsi, avant de le mettre dans un caveau ou le cimetière militaire.

Si vous dites aussi qu’on ne peut pas remettre le corps parce que c’est un militaire, alors qu’on l’enterre ! Surtout qu’il est dit qu’on a cherché l’ADN, mais on n’a pas trouvé. Pourtant, j’ai lu quelque part que même des pharaons morts, il y a trois mille ans, ont pu être identifiés par l’ADN ou au carbone 14 pour savoir de quoi ont-ils quitté ce monde.

Donc, ce ne sont pas ceux qui sont morts hier qu’on ne peut savoir. Bref… ! Interrogeons-nous sur ce que sont devenus la veuve et les orphelins de Thomas Sankara. Héritiers que nous sommes et Etat, qu’avons-nous fait pour eux, pour l’éducation des orphelins, leur avenir ? Nous préoccupons-nous assez de leur avenir ?

Pour preuve, mêmes les documents de voyage burkinabè ne leur ont pas été accordés (en tout cas, à ma connaissance). Mariam Sankara (elle est née à Mopti, Mali) et ses enfants voyagent avec des documents non-burkinabè. C’est cela la réalité. Pourtant, je pense que de façon exceptionnelle, on aurait pu leur donner ces papiers.

Lefaso.net : Ceux qui sont supposés être à la base de sa mort n’étant plus au pouvoir, pourquoi certains actes tardent donc ?

Mousbila Sankara : Tu es Burkinabè, je sais que tu comprends ce que je veux dire : ce peuple est malhonnête en sa partie intellectuelle. Quand je dis ce peuple, j’en fais partie. Blaise Compaoré, à la limite, a tué Thomas Sankara pour prendre le pouvoir, mais il y a eu des gens pour l’accompagner... C’est pour dire que Thomas (Sankara) est l’anti-thèse de ce peuple. Ce n’est pas avec cette génération que Thomas Sankara aura sa reconnaissance. Dr Ra-sablga Seydou Ouédraogo l’a si bien résumé : Thomas Sankara partout, Thomas Sankara nulle part.

Entretien réalisé par Oumar L. Ouédraogo

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