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Village de Zongo : Cohabitation difficile entre "Cheval Mandingue" et ses voisins

mardi 5 avril 2005.

 

Dans le village de Zongo, à la périphérie nord de Ouagadougou, le propriétaire de Cheval Mandingue a maille à partir avec ses voisins. Une histoire de délimitation de parcelles dans une zone non lotie qui aiguise les appétits à l’approche d’une éventuelle opération de lotissement.

Zongo est un village rattaché à l’arrondissement de Boulmiougou. "Zone non lotie’’, il accueille beaucoup de gens. Cette densité de peuplement crée souvent des inimitiés entre gens de voisinage. C’est le cas entre le fondateur de Cheval Mandingue, un club qui propose à ses clients des séances d’équitation, de promenades et de randonnées à cheval... et certains de ses voisins.

La presse en avait d’ailleurs fait l’écho, il y a quelque mois. Début mars, le sieur Bernard Bationo est revenu à la charge en alertant les Editions Sidwaya sur les difficultés de voisinage qu’il vit avec Thierry Perrichet, propriétaire de Cheval Mandingue. Pourtant M. Perrichet affirme que ce problème n’en est plus un, "puisqu’il a été résolu depuis fort longtemps par les autorités de l’arrondissement et certains habitants de la localité’’.

Problème de délimitation...

Cheval Mandingue ressemble un peu à ces ranchs que l’on voit dans certains films western. On y trouve près d’une trentaine de chevaux, des paillotes et divers enclos... Une fois sur les lieux, l’on est frappé par l’étendue du terrain, pas pour son immensité, mais pour la difficulté à percevoir les limites du périmètre. Quelle est la superficie de Cheval Mandingue ? M. Perrichet n’en dit mot, préférant expliquer qu’il n’y a rien de définitif dans ses activités.

Cependant, il a laissé entendre qu’il est détenteur d’un permis d’exploiter délivré par les services compétents de l’administration décentralisée. "Cela fera 14 ans que je suis installé à Zongo, sous le couvert du chef coutumier du village et dans le respect d’un certain nombre de textes...’’, précise M. Perrichet.

Jusque-là il n’y a rien qui cloche. Jusqu’au jour où les voisins ont demandé à ce qu’il clôture son périmètre afin d’éviter d’éventuels contacts fâcheux des chevaux avec les enfants. Surtout que des entraînements sont parfois organisés dans le domaine. Quand il a entamé la clôture, qui devrait suivre des traçages d’une borne à l’autre, il s’est rendu compte que des "voisins avaient construit sur son terrain’’.

Ce que ceux-ci réfutent et accusent M. Perrichet d’avoir fermé les voies qui permettaient jadis aux femmes d’aller facilement chercher de l’eau et même aux coutumiers de traverser pour aller d’un côté à l’autre pour les besoins rituels. En effet, le terrain est limité d’un côté par un bras du barrage Boulmiougou où vivraient des caïmans sacrés.

Tous ces griefs sont portés par M. Bernard Bationo contre le propriétaire de Cheval Mandingue. M. Bationo, est non-résidant, mais a acheté, puis construit une cour dans la zone pour des parents rapatriés de Côte d’Ivoire. "M. Perrichet a ouvert une route sur mon terrain parce qu’il ne veut pas que celle-ci traverse le sien. Un jour, il est venu menacer un maçon qui s’attelait à élever un de mes murs. C’est quelqu’un qui a une vision individualiste des choses, donc opposée à celle africaine. Je l’ai interpellé sur la question pour une solution à l’amiable mais il n’a pas voulu entendre raison’’, charge-t-il.

Il reconnaît néanmoins qu’après des échanges peu amicaux avec son vis-à-vis, celui-ci a lâché du leste, ce qui a permis aux femmes de traverser la zone pour rejoindre les points d’eau à la lisière de la zone lotie. Plus encore, M. Bationo va jusqu’à dire que M. Perrichet a interdit aux habitants de se reposer sous l’ombre de trois grands nérés qui trônent à l’entrée du domaine. Il y a creusé "exprès" un caniveau pour empêcher tout va-et-vient.

Pour sa défense, Thierry Perrichet explique que le caniveau lui permet de canaliser l’eau sur son terrain.

Pour les bornes "elles existent bel et bien. S’il faut tirer des lignes droites entre elles, certains voisins seront obligés de reconsidérer leur construction. Souvent c’est eux qui sont en tort" , martèle-t-il.

"Le problème n’est plus d’actualité"

"Si vous voyez que j’ai beaucoup d’espace, c’est pour fulmine Thierry Perrichet, qui dit qu’il a été le premier à s’implanter dans la zone à un moment où elle ressemblait à la brousse de Zagtouli aujourd’hui. Pour lui le problème n’est plus d’actualité parce que Mme le maire elle-même est intervenue personnellement pour la résolution. "Il est résolu et les gens ont voulu faire beaucoup de bruit pour rien", lance-t-il. Selon lui, la vie en zone non lotie est toujours provisoire. "Nous attendons le lotissement. Peut-être qu’on ira se retrouver chacun à trois kilomètres d’ici. Et peut-être encore qu’on aura besoin les uns des autres là-bas" pense-t-il. Toujours est-il qu’il croit que toutes les accusations portées contre lui sont "fausses".

"Le problème" effectivement avait retenu l’attention de la mairie de l’arrondissement. Mme le maire Séraphine Ouédraogo s’est déplacée plusieurs fois à Zongo, il y a trois mois. Le maire reconnaît que M. Perrichet possède un permis d’exploiter. Son périmètre initial étant devenu un peu exigu, il a fait des démarches administratives pour son extension. Chose que la mairie a refusé pour cause de lotissement imminent.

Mais une réalité est-là. La mairie ne vend pas de terre. Tous les habitants ont acquis chacun sa "parcelle" des mains de propriétaires terriens. Pour ce cas de figure, tous les protagonistes se sont "approvisionnés" chez le sieur Tapsoba Amado dit Julien, fabricant et vendeur de briques de son état. Celui-ci explique que si des problèmes subsistent aujourd’hui, "c’est parce que M. Perrichet n’a pas pris le soin de clôturer son terrain, histoire de pouvoir faire promener ses chevaux et laisser passer aussi les gens". Toutefois, il précise que chacun a sa parcelle : "Comme il doit tirer les lignes (clôturer) il se révèle que les voisins ont construit chez lui".

Les plaintes avaient au départ afflué. Mme Ouédraogo Cécile, voisine également explique : "Pour délimiter son terrain, Perrichet avait creusé un caniveau qui passait juste devant ma porte qui m’empêchait de sortir. Quand il a commencé la construction de son mur, il m’a dit que nous avions débordé sur son terrain. Une fois le mur monté, il n’y avait plus de passage. Il a fallu qu’on parlemente, après quoi, il a ouvert une route de trois mètres de large", indique Mme Ouédraogo.

La question a même été débattue auprès du chef coutumier de Zongo. Quand nous l’avons rencontré, il a fait savoir que c’est le vendeur et propriétaire terrien Tapsoba Amado qui aurait dû prévenir M. Perrechet de l’existence de routes menant aux différents points (rites et eau) afin qu’il prenne ses précautions. "Pour notre part, nous avions vu M. Perrichet pour lui dire que nous devons traverser pour aller faire nos sacrifices.

De même, je lui avais suggéré de se trouver un hôte, il avait passé outre avant de revenir à de meilleurs sentiments, pour ne plus rien faire sans me consulter", affirme le chef de Zongo. Ayant eu vent de destruction des murs de Perrichet par des riverains, il pense que "tout ça, c’est parce qu’il est Blanc". Et aussi parce que les protagonistes voient que le lotissement est imminent. Un lotissement qui interviendra, aux dires de Mme le maire à la prochaine mandature.

Souleymane SAWADOGO (passisley@yahoo.fr)