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Architecture : Encore une reconnaissance internationale pour Francis Kéré

mardi 28 juillet 2009.

 
Francis Kéré

Voilà bientôt trois ans que nous avons fait un écrit sur Francis Kéré et son travail en Allemagne. Il nous a paru nécessaire une fois de plus d´informer nos lecteurs de ce que devient notre architecte qui construit l´avenir. Très sollicité, nous étions obligé de le suivre de son bureau à l´aéroport.

Il serait judicieux et enrichissant de se procurer le « Domus No.927 », le magazine d´architecture et de Design » de référence internationale, édité en Italie, pour mieux savoir de qui nous voulons parler ici. A défaut cherchez à voir la dernière version du « Phaidon Atlas of 21st Century World Architecture », la bible des meilleurs architectes du monde. Un petit conseil, celui qui vous y verrez n´est pas classé dans la catégorie des architectes des pays de l´Afrique de l´Ouest ni du Sud mais du Nord.

Francis Kéré et l´architecture écologique

L’histoire de Diébédo Francis Kéré est édifiante et passionnante. C’est celle d’un homme dont le dynamisme et le potentiel créatif, développé par les études et nourri par un sens élevé des responsabilités humaines, ont été mis à contribution en vue d’ouvrir de nouvelles perspectives d’avenir à un continent tout entier.

Une réalisation de Francis Kéré

En rappel, ce jeune architecte burkinabé installé en Allemagne il y a presque 20 ans accomplit un travail qui s’adresse non seulement à son pays natal mais aussi à tous les pays tropicaux. Monsieur Kéré marie son savoir-faire occidental et techniques de construction locales pour n’utiliser que les matériaux qu’il trouve sur place : la terre, la pierre, les briques faites à la main sur place. Ses connaissances architecturales acquises à l´université Technique de Berlin ( T.U) ont été mises en pratique pour la première fois aux profits de l´école de Gando, au Burkina Faso. « Interpellé par mon village pour la contribution d´ une école, j´ai convaincu des copains de l´université à créer « l´Association Schulbausteine für Gando » (Des briques pour l’école de Gando) afin d´aider les jeunes frères à apprendre à écrire et à compter.

La construction de l’école commença en octobre 2000 et fut conduite principalement par les hommes, les femmes et les enfants de Gando.
Très fascinant d’y lire comment l’architecte transpose le rationalisme écologique enseigné à la T.U. aux conditions climatiques et sociales de Gando. L´architecture climatique, écologique de l’école se lit en coupe. La transversale révèle les rôles respectifs d’un bâtiment en maçonnerie, compact, thermiquement régulateur, et d’une toiture en auvent, séparés par une lame d’air qui rafraîchit le massif construit. La longitudinale signale l’alternance des salles de cours et d’espaces-tampons ventilés, aires de jeu, de cours en plein air ou préau. Sur les deux, les larges débords du toit assurent un rôle de pare-soleil et de protection des murs.

L’école terminée en juillet 2001, Francis Kéré reçoit en 2004 l´un des plus hautes distinctions en architecture dans le monde « Aga Khan Award en architecture » pour sa clarté architecturale et sa dimension sociale.

Juste trois ans après l´extension de l´école à travers la construction des salles de classes complémentaires et de logements des enseignants, des latrines, notre architecte fût le bénéficiaire du prix d´architecture le « Zumtobel Award for sustainable Architecture ».

Vu ses talents et loin d´être une surprise comme le qualifient de nombreux journaux occidentaux, Francis Kéré a été lauréat du « Global Award for Sustainable Architecture ». Ce prix qui est à sa troisième édition veut créer une communauté internationale d’architectes de grand talent, à faire connaître leur démarche pour stimuler la prise de conscience des enjeux écologiques dans le monde. Chaque année, un comité scientifique international choisit cinq architectes pour leur engagement et leur pratique de l’architecture durable, en Occident comme dans les pays émergents, dans les villes développées comme au service des populations défavorisées. La remise des prix est prévue pour le mois d´Octobre à Paris. Un des lauréats du prix sera choisi pour la réalisation d´un petit musée faisant partie du patrimoine international de l´architecture contemporaine.

« En tant qu´africain qui a eu la chance d´obtenir une bonne formation professionnelle, c´est mon devoir de mettre mon savoir-faire à la disposition des gens de chez moi. En tant qu´architecte, ma motivation première est de contribuer à la création d´une identité régionale en architecture sans renier les acquis » ; tels sont les raisons qu´avancent Monsieur Kéré pour soutenir tous ces projets.

L´éco architecte et réseau international

Homme de chantier en Afrique, au Yémen, en Inde où des bâtiments poussent sous sa signature, Kéré, de son bureau de Berlin, dirige désormais plus que dix salariés. En plus de ses activités de recherche et d´enseignement à l´université technique de Berlin, l´éco-architecte est chargé de cours et est animateur de Workshops sur l´écologie à Johannesburg, à Madrid, à Londres, à New York, à Oslo, Venise, à Helsinki, Halifax. Des conférences, il en donne à Amsterdam, à Venise, à Nanjing, à Paris, Bordeaux, etc…

Toutes ces contributions au développement et à l´architecture mondiale, lui ont permis d´être interpellé par le Museum of Modern Art ( MOMA) de New York pour exposer ses œuvres en 2010.

Si le ministère allemand des Affaires étrangères consacre une grande exposition sur ses œuvres, monsieur Kéré se réjouit d´une part de montrer son ingéniosité. Mais d´autre part il reste frustré de savoir qu´on investit plus de 160.000 euros pour une telle expo alors que cette somme aurait permis de construire plus de trois écoles de six classes en Afrique.

En Afrique, le Mali vient de lui faire confiance en lui donnant l´architecture de la construction du parc national de Bamako. Au Togo, l´architecture du nouveau centre de formation de Dapong sera sous sa signature.
« Dans mon propre pays, hormis l´école de Gando (sous ma propre initiative) et le lycée de Dano, on me fait moins appel », nous confie Fancis Kéré. Lors du concours pour l´architecture du centre international des grandes conférences de Ouagadougou, Francis Kéré malgré ses grands talents, ses connaissances fondées du système climatique et sociales du Burkina Faso, n’a reçu que le quatrième prix au profit d´une agence européenne. L´ architecture de ce centre ne sera donc pas signé « Francis Kéré ». Refusant de baisser les bras concernant l´architecture dans son pays, il affirme : « mon rôle n´est pas de construire en Europe ou sur d´autres continents. Mon objectif est de créer un pont entre Afrique et les pays développés. Chaque construction doit apporter une nouveauté technique porteuse d´identité, et l´acte d´édifier est tout autant un moyen de développement par l´éducation qu´un outil de recherche et de communication entre les pays ».

L´éco-architecte et les projets au Burkina

Impossible de parler d’éco-construction sans sensibiliser en amont les jeunes générations aux vertus du « bâtir » durable. C´est sous ce constat que Francis Kéré muri l´idée de construire à Tenkodogo un centre international d´architecture. « Mon but est de permettre aux jeunes africains de pouvoir étudier l´architecture sur place à travers les matériaux locaux. Si les partenaires financiers hésitent encore, nombreux sont mes collègues du Nord et du Sud qui confirment leur disponibilité à assurer les cours »

L´autre projet en voie de réalisation est le centre pour les femmes dans le village natal de l´architecte. Selon une assistante du bureau « Kéré Architecture », les murs du centre en terre seront incrustés de jarres en argile pour y stocker des vivres ».
A Ouagadougou, il conduit et coordonne le projet en discussion pour la création d´un opéra africain, initié par l´homme de théâtre allemand Christoph Schlingensief en collaboration cette fois avec l´Institut Goethe, le ministère allemand des Affaires étrangères et les fonds culturels européens.

Lors de son voyage de prospection avec le metteur en scène allemand, nombreux sont les autorités burkinabè, en particulier le Ministre Filippe Savadogo qui soutient vivement ce projet, qui leur ont facilité les prises de contact.

« Les pays en développement ne peuvent pas dépendre de l’Europe pour leurs créations architecturales. Nous devons développer nos propres conceptions en la matière et en être fiers ; c´est ainsi que nous pourrons avancer » soutient Francis Kéré avant d´embarquer sur son vol pour Oslo.

Alex Moussa Sawadogo
Lefaso.net
Correspondant en Allemagne (Berlin)



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