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Essai  : « Tampiiri », une insulte suprême chez les Mossé (1ère partie)

19 juin 2020, 15:28, par Mechtilde Guirma

Mon très cher fils Sinon,
Tout d’abord, je vous exprime mon admiration pour votre courage et audace. Sûr qu’après les épreuves que nous subissons, un changement de mentalité s’amorcera pour parer à temps la catastrophe culturelle qui nous guette. Mais il y a des préalables :
- L’audace comme la vôtre en ce moment qui suscite le débat avec des effets boomerangs est la bienvenue.
- La sécurité et la santé dans tous les sens et aspects holistiques des termes, avec ses obstacles tant exogènes qu’endogènes.
- D’abord les exogènes : Jeunedame seret vous donne un avertissement : « il faut garder tes développements aux archives pour nos petits enfants récupérés par les écoles des blancs ». En effet de nos jours, qui a ou n’a pas intérêt à ce que nous retracions notre passé pour cheminer spirituellement vers la réconciliation, afin de poser des bases nouvelles, fortes, stables et émergeantes de notre société ? Des élections de novembre 2020 ? Mirage démocratique ou diversion au détriment d’une pause qui nous permettrait d’évaluer sereinement la situation nationale.
- S’en viennent ensuite les endogènes : Des élections de novembre 2020 personne n’en conteste la Constitutionalité, ni l’adage : « Nul n’est sensé ignorer la loi ». Mais n’est-ce pas aussi occulter les dispositions tant tacites que constitutionnelles qui garantissent aussi le déroulement et la transparence ?
Depuis près de trente ans aux ébauches du processus démocratique dans les fonds baptismaux de la rencontre de la Baule, combien de documents des chercheurs dorment toujours dans les tiroirs ? Je pense aussi aux Conférences Internationales avec à la tête la quintessence universitaire de l’Afrique francophone : Joseph Ki-Zerbo et son ami Laurent Gbagbo pour ne citer que ceux-là. Et qui peut me dire où on peut lire les actes de ces travaux dont le thème « identité, ethnicité et processus démocratique » était en vogue en Afrique à l’époque et où ma communication était sur « La case des Ancêtres, Démocratie et valeurs culturelles » ? Mieux Tout récemment depuis 2013 et 2016, mes deux livres sur : « la femme à la rescousse de l’église-famille du Burkina… » et « Sauvez la famille à la lumière de l’Afrique sub-saharienne » ont connu un sabotage systématique et j’ai failli les perdre, après m’être ruinée pour les éditer, n’eût été la vigilance de la justice canadienne et le bureau national canadien des droits d’auteurs. Auparavant à Ouagadougou, que seraient devenus mes investigations dans le cadre de la décentralisation sur « l’église catholique et les coutumiers comme pouvoirs politiques locaux », n’eût été également l’intégrité du général Marc Tiémoko Garango à l’époque Médiateur du Faso et son équipe et collaboratrices, je n’aurai même pas eu mes droits pécunieux qui m’avaient été confisqués. Et cela n’est que la pointe de l’iceberg.
Vous me posez la question suivante : « Est-ce que ce ne serait pas l’individu qui serait finalement prédominant dans cette nation ? ». Bien sûr que oui et dans notre Nation c’est l’individualisme pur et dur qui nous malaxe. L’individu, dans nos traditions est tout autre : le paradoxe voulant que sans individu il n’y ait pas de foule, toute la société mettait d’abord son point d’honneur sur éducation de tout individu, parce qu’à partir de lui la culture était générée. C’est ainsi qu’à première vue d’abord fondu dans la masse de façon anonyme, il rebondit dans la spiritualité pour tendre vers le transcendant avec son identité propre, son appartenance généalogique : « tel épouse mit au monde tel enfant fils de tel homme ». Jeunedame seret effleure la question par ses expressions (certes grivoises mais très pertinentes) de : « MA Yèdg biiga, Ma Kind biiga ! Baaba yor biiga ». Ainsi donc l’individu était un être initié et associé. En jargon juridique moderne on dira qu’il était objet et sujet de droit. La société elle-même disposait des parapets pour garantir ces droits à lui et à toute la collectivité et aussi maintenir l’ordre. Ce sont les gardiens des us et coutumes au nombre de douze que sont les ordres corporatifs. La société savait conserver ses secrets et protéger leur cohésion par le langage initiatique des Benda. Elle était de communion avec les ancêtres donc transcendante. À quoi se réfère-t-on avec ces concepts ? À la conscience de l’existence du monde visible et l’invisible, du temporel et du spirituel, du réel et de l’irréel et enfin le chrono et du Kaïro, en terme de temps, d’époque et d’espace-temps qui lui confère son histoire et trace son expérience à travers les âges qu’une vie d’individu n’épuise pas. C’est pourquoi l’individu lui-même a peur de l’inconnu et ne courra jamais le risque de s’exclure de sa communauté en respectant ses attaches sociales. Contrairement aux idées généralement émises aujourd’hui, la société traditionnelle n’était pas statique : « il y a un temps pour tout » (ecclésiaste 1-15). Elle avait bel et bien une dynamique. Mais de nos jours ne faut-il craindre que l’immobilisme, dont elle est ’accusée, ne soit qu’une raison de plus pour détruire son dynamisme et le remplacer par une mondialisation galopante en détruisant le meilleur de us et coutumes et des traditions. En bref le cours de la vie est ainsi réglé et démontre que les sociétés avancent sur la voie de leur culture pour reste viable en tant que Peuple même avec l’individu à la tête du convoi terrestre, comme guide, roi ou chef de famille qui aide à éviter les obstacles en sachant repérer à bon escient les parapets (Jn1,6. Je suis le chemin, la vérité, et la vie). Donc on peut avancer que la vie est entretenue d’abord par les volonté individuelles (ou libre arbitre définie par des pères de l’église) et la voie collective comme famille ou royauté dans le bouillon des cultures des Peuples. En ramassé donc chaque individu (chef ou quidam) a sa mission propre pour l’intérêt collectif qui reste aussi son intérêt individuel. Jeune dame seret fait une observation pertinente : « Mais le mal est tellement horrible que tout le monde s’efforce de cacher, mais ça se murmure ». C’est la problématique des réconciliations dans les conflits. L’oubli fonctionnel dans la société traditionnelle n’empêchait pas les murmures comme mémoire collective de notre histoire et notre expérience (l’oralité étant les esquisses des archives et une bibliothèque virtuelle). Ce qu’il ne faut pas oublier l’avenir a souvent des affinités en projet avec le passé (à commencer par l’homme lui-même : « le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas : Mt 24, 35). Le christianisme a bien progressé avec cette forme de la mémoire et l’évangéliste Marc est connu pour ses occlusions et silences tout comme les Benda mossé font une pause à une date jugée obscure de leur histoire dans le récit de la généalogie des rois. Et les murmures parcouraient les rangs de la foule, car le temps avait déjà fait le reste. En bref, nous vivons en ce moment un temps où relire sereinement le passé, reste un défis incontournable pour repenser notre démocratie.


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