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Recette de la semaine : Le BABENDA

15 juin 2020, 02:01, par Mechtilde Guirma

Kaoswéogo, vous m’apprenez une autre version très édifiante et plausible. Et je suis contente de la mention du Yarga, car ce peuple qui est l’un des douze composantes de l’ethnie moaga, jouait un rôle social très important. Le Yarga avait son grand champ pour sa famille et sa femme avait aussi son bioléga (lopin de terre) pour ses condiments et son coton. Puis un autre champ où il cultivait également du mil, et des condiments. Mais tenez-vous bien ! Il n’y touchait à rien des produits de ce champ là. Il le donnait aux pauvres, aux passants et à toutes les vieilles personnes qui ne pouvaient plus cultivé. Maintenant voilà aussi ma contribution :
Moi ma préparation du babenda se fait autrement que celle de Adonija Kabore qui devient un plat luxieux mais aussi lourd du fait du riz et son amidon. Le mien se fait avec exactement les mêmes ingrédients que ceux de jeunedame seret, à la différence-prêt qu’au lieu du beerenga nous utilisons plutôt les feuilles de haricot. De plus nous n’ajoutons pas de poudre d’arachide qui est spécifique aux Bissas (jeunedame seret serait donc une Bissa ? Hahaha !Nanananaana, nananêre, voilà-voilà donc votre secret chère dame ! Mais…, attention, attention à moi et trêve de stigmatisation ethnique ! Parce que par ces temps douteux et ténébreux de notre aujourd’hui-aujourd’hui-là, Prudence est de rigueur car je pourrais bien ne pas être comprise). Cependant nous les Mossé, nous aimons autant le beerenga que les Bissas et il est très délicieux d’ailleurs. Une remarque au passage : il paraît que cette plante est ou est voisine, selon les scientifiques, du chanvre indien (vous comprenez l’analogie ?). Pourtant d’effet hallucinogène ou d’adduction, nous n’en connaissons aucun ni chez les Mossé, ni chez les Bissa, ni chez les Bobos qui en sont également de grands consommateurs dans leurs plats quotidiens. En plus les écorces donnent des fibres dont on se sert pour la fabrication des cordes, dans toutes les sociétés du Burkina-Faso. Il est de la famille des malvacées connu aussi sous le nom d’Hibiscus au même titre que l’oseille (bito), gombo, qui en constituent les variétés comestibles de nos contrées africaines. Remarque au passage, les camerounais et les tchadiens connaissent également ce plat aux mêmes feuilles, au mil ou au maïs.

Pour en revenir au babenda, nous les mossé nous nous en tenons aux ingrediens suivant : le mil ou le maïs entiers et écrasés grossièrement, le soumbala, les feuilles de haricot œil noir (faute de mieux le boromburu), la levure de la bière de mil et l’oseille (ou bito et faute de mieux le berenga). Attention à la préparation : bouillir d’abord les feuilles de haricot (et du boromburu si l’on veut) dans l’eau. on aurait auparavant ajouté la levure, le soumbala. Et quand l’eau recommence à bouillir avec les feuilles ajouter de la potasse assez. Cela a pour effet de ramollir les feuilles (et la viande du gibier s’il y en a) et de les cuire à point. Ensuite on ajoute l’oseille ou le berenga (ou les deux) dont l’aigreur ou l’amertume devrait s’équilibrer avec la potasse. Aussi l’onctuosité du menu ajoutée au beurre de karité n’a rien à envier à la succulence des plats réguliers. Parfois on peut ajouter, comme mentionné plus haut du gibier ramené de la chasse par le maître de la maison.

Le babenda au départ était la nourriture des très pauvres. Mais surtout en période de soudure, tout le monde était à la même enseigne de la pauvreté. Il fallait trouver, de quoi survivre au dénuement total de ce manque de vivres. Trouver donc des expédients pour couper la faim en attendant les jours fastes des riliré et autre fête des ancêtres et cacher la honte devant ce fléau et sauvegarder la dignité aux yeux des enfants dont on a la responsabilité. C’était donc pour les adultes comme un cache-sexe qui tromperait la nudité corporelle. Mais au moins, ils s’en consolaient en comparaison du chien qui, lui, ne pouvait compter que sur ce même repas. Signe que lui aussi avait faim et rasait les murs la queue entre ses pattes tout aussi craintif comme pour cacher son sexe dans toute sa nudité malingre, méconnaissable du chien vigoureux de garde ou de chasse.
Dans notre monde d’abondance avec ses obésités, ses cholestérols, ses arthrites et arthroses, on commence à découvrir la richesse et les vertus du fait des oligo-éléments que ce plat renferme et à comprendre la longévité de nos parents et grands-parents. Aujourd’hui bien de femmes enceintes font leur cure d’albuminurie avec le babenda car il se mange bien sans sel. D’ailleurs la potasse et les feuilles aigres des hibiscus se combinent pour donner un sel, peut-être pas très perceptible au goût, mais il y a bien un arôme qui permet qu’on puisse bien se passer du vrai sel de cuisine. Du reste d’ailleurs les feuilles du bérenga bien cuit ensuite égoutté et bien malaxé avec de la potasse, se déguste bien également avec un filet d’huile ou du beurre de karité. Nos mamans, sans pruderie, appelaient ce plat : Biinda-raré pour désigner le plat du jour. J’espère que vous auriez compris l’analogie de cette terminologie qui indique qu’après avoir ingurgité un tel repas, on le restitue tel quel à la nature.
Cependant, je me garderai bien de bouder le plat d’ Adonija, car avec ses ingredients, cela semble bien plus succulent au goût, surtout l’oignon qui selon encore les scientifiques auraient les mêmes vertus que nos feuilles décrites plus haut. Et puis en plus, il est toujours intéressant d’explorer d’autres recettes comme on explorerait d’autres régions, d’autres peuples, car on y gagne en valeurs sociales comme de la diversité à l’union sacrée, économiques comme l’esprit d’entreprise ou de création et politiques comme ciment relationnel.


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