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Sahel : « A qui profitent les discours antifrançais ? » s’interroge Guillaume Lafargue, journaliste indépendant

8 janvier 2020, 19:46, par Bahdon Abdillahi Mohamed

Quelle explication convainquante ! Vous avez sans doute noter l’ironie. Allons au détail du détorquitage de l’opinion de Guillame Lafargue sur trois points. D’emblée il met dans des cadres les hommes politiques et leaders d’opinion pour leurs critiques contre la politique française dans cette grande région africaine. Par ailleurs il réduit ce qu’il appelle "le narratif antifrançais" à l’opération Berkhan, qui serait une tutelle de la France sur l’Afrique. Sur ces deux points, son analyse me paraît assez partisane et tendencieuse. Quand on met des cadres, on se limite dans les analyses. Il n’est pas surprenant que les leaders politiques et de la société civile qui expriment des critiques contre la politique française depuis 2016 jusqu’à nos jours soient de l’opposition politique ou proches d’une gauche anticapitaliste et antimondialiste, on note un contrôle ou une limite des discours des hommes du pouvoir dans ces pays. Dans son analyse il exprime une prétension à la française, qui consiste à généraliser à tout le continent une politique sur les pays francophones. L’opération Berkhane opère dans 5 pays du Sahel, qui n’incluye pas le Nigéria, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Libéria, l’Angola, la Guinée-Equatoriale ni l’Ethiopie... Même dans ce que la presse française appellait le pré-carré français, les réseaux occultes francafrique n’agissent pas de la même manière, et donc la politique n’est pas la même. Par ailleurs, il ignore l’appel du Nigéria aux pays francophones d’Afrique de l’Ouest de clarifier leurs relations avec la France. Qu’est-ce qu’il appelerait cette position ? La force Berkhane n’est pas présente dans ce grand pays.
Ensuite l’autre point de sa critique, c’est le retournement des hommes politiques et chanteur contre la France, pays qui les a donné beaucoup comme Salif Keita, Clément Dembélé, Oumar Mariko. Ils n’ont pas eu le soutien de la France, le chanteur comme les hommes politiques ont un public malien, qui vit à Paris, qui occupent des emplois que les français.es ne veulent pas occuper. Comme les français.es de l’extérieur, les Maliens.es de l’extérieur ont le droit de vote de leur pays d’origine. Sur ce point, Guillaume Lafargue ne fait qu’exprimer le côté rancunier de la France et de ses représentants.es. Dans sa dénonciation d’accusés.es, il semble qu’il a oublié Aminata Traoré Dramane, laquelle a été critiqué et critique avec arguments la politique destructrice de la France dans les pays francophones.
Enfin le troisième point, c’est la cause de l’anti-français. Et comme par magie intellectuelle il a trouvé : c’est la Russie en dénigrant : la Russie en embuscade. Alors si c’est la Russie est derrière ce discours pourquoi n’écrit-il pas une réflexion sur la politique russe. C’est encore l’étroitesse d’un nambrilisme français quand la France est confrontée à des difficultés évidentes dans des pays où sa politique a détruit le développement institutionnel et politique des Etats, nés de sa politique coloniale. Faut-il rappeller à l’auteur un fait qui a marqué Vladimir Putin lors d’un voyage en Côte d’Ivoire. Alors qu’une visite d’Etat du chef de l’Etat russe était prévue en Côte d’Ivoire sous la présidence de Laurent Gbagbo, une crise éclate dans le pays. La France intervient. Elle s’impose comme une autorité gérante de ce pays et donc Putin, qui, se dirigeait vers Abidjan, ne pourrait poursuivre son voyage parce que la France a fermé le ciel ivoirien.
En conclusion Guillaume Lafargue manifeste ou bien une ignorance totale des enjeux économiques et politiques, qui se jouent dans cette région pour la France ou bien il joue à l’ignorant qui veut se faire entendre sur une question qui préoccupe Macron et les grandes entreprises qu’il soutient par ses politiques néolibérales qui cherchent à conserver des avantages par les politiques de corruption française et de certains.es dirigeants.es francophones d’Afrique de l’Ouest. Il est indéniable que le sentiment populaire anti-français repose sur les dégats de la période coloniale et les assassinats des dirigeants politiques (par exemple Sylvio Olumpius du Togo et bien d’autres, on ne parle pas jamais des crimes contre l’humanité commis par la France dans ce continent) dans la période postcoloniale. Mais accuser les leaders politiques de chercher à remplacer un impérialisme par un autre, c’est nier la liberté de choisir un partenaire. On ne peut nier que la Russie défendra ses intérêts. Il faut comprendre qu’il y a une génération d’Africains.es, qui n’a pas vécu la colonisation, ni les indépendances, qui demandent à vivre des pays où ils/elles doivent avoir leur futur. Les pays d’Afrique francophone ne vont pas rester la propriété de la France, non des réseaux mafieux de la France. C’est à la France de revoir sa politique envers ces pays, ce ne sont pas celles et ceux qui souffrent de la répression, de la violence, de l’imposition (directement de Paris et/ou à travers les institutions financières internationales comme le FMI ou du Conseil de l’Insécurité des Nations Unies) qui doivent changer leur point de vue. On ne peut continuer à supporter ad vit nam son bourreau


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