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Burkina : Décès du Pr Yembila Toguyeni, premier recteur de l’Université de Ouagadougou

23 août 2019, 02:39, par Paténéma François SEDOGO

J’écris rarement dans les colonnes de Lefaso.net, ou, pour être honnête, disons plutôt que j’y écris rarement sous mon vrai nom. Mais, suite au rappel à Dieu du Professeur Yembila TOGUYENI, je me sens moralement obligé de tomber les masques, c’est-à-dire que je me sens non seulement obligé de sortir de ma réserve, mais encore de signer, cette fois-ci, mon écrit.
Et pourtant, n’étant pas de formation scientifique, n’étant ni mathématicien ni physicien, je ne suis pas de ceux qui ont bénéficié des lumières du Pr. TOGUYENI. Rien ne m’autorise donc à parler de cet illustre homme qui vient de nous quitter, si ce n’est pour dire des banalités. Toutefois, je bénéficie peut-être de quelques circonstances atténuantes, puisque j’ai esquissé mes premiers pas d’étudiant à l’université de Ouagadougou (qui porte maintenant le nom du Pr. Jeseph KI ZERBO), dans les années 80. C’est dire que, mille et une fois, j’ai vu la silhouette du Pr. TOGUYENI.
J’aime autant dire que j’ai rarement vu homme aussi rigoureux, aussi intègre. Et, sans vouloir nullement offenser sa mémoire, je suis tout de même tenté de dire qu’il était un peu fou, au sens noble du terme. Jésus n’était-il pas un peu fou ? Gandhi n’était-il pas un peu fou ? Martin Luther King n’était-il pas un peu fou ? Mandela n’était-il pas un peu fou ? Et j’en passe.
J’aurais mille et une anecdotes à dire sur le personnage qui vient de s’éteindre, mais je voudrais aller à l’essentiel, en n’en relatant qu’une seule.
Il y a de cela 14 ans, au mois d’août 2005, exactement, mon épouse et moi avions accompagné un de mes oncles à l’Hôpital Yalgado, pour une consultation avec le Dr. Jean-Yves TOGUYENI (cardiologue), l’un des fils de ce Grand Homme. Disons au passage, et sans me vanter, que je suis très heureux de pouvoir compter son fils parmi mes amis.
Ayant aperçu le Pr. Yembila TOGUYENI dans la salle d’attente, je me suis permis d’aller lui dire bonjour. Mais, l’homme, pour ceux qui connaissent son humilité et sa discrétion, sentant bien, à travers les regards, que l’on savait qui il était, quitta la salle d’attente. Il était accompagné d’une vieille dame, et vu leur familiarité, je ne doute pas un seul instant qu’il devait s’agir d’une sœur ou d’une cousine. Du reste, je connais bien son épouse, et ce n’était pas elle. Regardant un peu à travers l’une des fenêtres de ladite salle, je me suis aperçu qu’ils étaient tous les deux assis sur un muret, à quelques mètres du service de cardiologie.
Bref, quand ce fut notre tour de voir le Dr. Jean-Yves TOGUYENI, je lui glissai à l’oreille que son père attendait dehors, avec une vieille dame, et je le priai d’aller les voir. Sur ce, il me répondit : « François, hier, j’étais en famille ; Papa ne m’a pas dit qu’il viendrait à l’hôpital, alors, il peut bien attendre ; je suis là pour mes patients, et si, par scrupule, tu ne viens pas me voir avec ton oncle, maintenant, je prends quelqu’un d’autre ». Je ne pouvais tout de même pas lui manquer de respect devant ses patients ! Je ne pouvais alors qu’obéir.
Une fois sorti du service de cardiologie, je partis encore voir le Pr. Yembila TOGUYENI, toujours accompagné de mon épouse et de mon oncle. Et voilà ce que je lui ai dit : « Professeur, je vous ai connu à l’Université de Ouaga, avec votre rigueur et vos principes. J’osais seulement espérer que vous n’auriez pas transmis cela à vos enfants, mais je constate, hélas ! que ce n’est pas le cas. J’ai demandé à Jean-Yves de venir vous voir, mais il a refusé ». Voici sa réponse : « Il ne fallait surtout pas lui dire cela ; nous n’avons pas pris de rendez-vous avec lui. En plus, nous sommes des retraités ; nous avons tout notre temps. Quand mon fils sortira, il nous verra, et s’il ne peut pas nous recevoir, nous reviendrons demain ou après-demain. »
Que dire de plus, si ce n’est que j’étais heureux, car, pour la première fois, j’ai entendu le Pr. TOGUYENI dire qu’il avait le temps, l’ayant toujours vu courir !?
Mais, soyons sérieux ! Cette anecdote illustre bien la rigueur et l’intégrité du Pr. TOGUYENI. Si seulement il pouvait y avoir une centaine (que dis-je ?), une dizaine de Burkinabè comme lui, surtout parmi nos dirigeants et nos hauts responsables, nous n’en serions pas là.
Toutefois, il me semble avoir lu, sous la plume de Proust, que l’œuvre d’art n’enfante ses enfants que cinquante ans après. Restons alors optimistes !
PAIX A l’AME DU Pr. TOUYENI !
Mes sincères condoléances à toute sa famille ! Je partage leur douleur.
Je demande surtout à Jean-Yves de bien vouloir pardonner mon indiscrétion.
Parténéma François SEDOGO


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