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Sanmatenga : Le Dima de Boussouma s’en est allé

30 juillet 2019, 20:38, par Pierre Claver Ouédraogo

DE MON OBSERVATOIRE ET AFRIQUE TRIBUNES

MÉMOIRE DES PEUPLES : LE DIMA DE BOUSSOUMA TIRE SA RÉVÉRENCE…

Ce jour 30 juillet 2019, un des cinq plus grands monarques du pays des hommes intègres, le Dima de Boussouma, âgé de 78 ans, vient d’être rappelé à son ultime demeure par le Très Haut, créateur du ciel et de la terre.

Fils de Naba Woobgo et de la Reine Pognéré, le trentième unième Dima de Boussouma dont le nom de guerre était Naaba Sonré répondait aux nom et prénoms de Salfo Théodore Ouédraogo à l’état civil. Il régnait depuis le 30 décembre 1967.

Le défunt roi avait vu le jour le 9 septembre 1941 au petit matin et avait été intronisé en grandes pompes, à la mort de son géniteur, Naaba Wobgo. Il était alors âgé de 26 ans et était encore étudiant en France.

Secrétaire administratif de formation, le 31ème Dima a occupé tour à tour des postes de chef de plusieurs circonscriptions administratives avant de battre le record de présences au sein des différents parlements burkinabè en tant qu’élu de la nation, entre 1970 et 2015.

P. Pierre Claver Ouédraogo nous invite à découvrir ou à redécouvrir en bref le vaste et puissant royaume de Boussouma riche de dpuze cantons …

DE NABA NABIGSWENDÉ AU NABA SONRÉ…

1. c’est dans la seconde moitié du XVème siècle que Naaba Nabigswendé, fils du huitième Mogho-Naaba Koumdoummyé (lignée Ouédraogo 1337-1358) et de Tab-Loida, a fondé le Royaume de Boussouma, un vaste territoire que son frère venait de conquérir ;
2. le très vaste royaume de Boussouma compte une douzaine de cantons : Louda, Sanmatenga, Pissila, Pensa, Nungou, Soubeira, Sabouri, Yimiougou, Kirgtenga, Diguila, Piouktenga. Et Mané, géré de main de maître par le petit frère de lait du Dima ;

3. ces puissants chefs de canton sont nommés et intronisés par un collège de hauts dignitaires du royaume coiffés par le Dima de Boussouma et le premier ministre royal (résidant permanent à Korsimoro) ;

4. sur le plan coutumier, les deux chefs-lieux de départements et de communes rurales, Korsimoro et Boussouma, forment deux quartiers d’un même village. Il s’agit donc d’une seule entité. En effet, les ministres résidant à Boussouma, aux côtés du Dima (roi), et ceux résidant à Korsimoro constituent un tout au service du monarque et du royaume ;

5. pour preuve : en dépit des effets pervers de la "balkanisation" opérée par l’ancien colonisateur, "balkanisation" répondant simplement aux desiderata du travail administratif, rien ni personne ne peuvent diviser cette entité coutumière ! Loin s’en faut d’ailleurs car qui s’y frotte s’y pique ! ;

6. avant de s’établir définitivement à Boussouma (ex-quartier Ouahigouya de Korsimoro), le fondateur du royaume de Boussouma, Naba Nabisgwendé, était d’abord installé à Korsimoro. En s’en allant, il a laissé dans l’ancienne capitale les principaux attributs du pouvoir central. Toutes choses qui font de Korsimoro l’épine dorsale, le centre névralgique du royaume ;

7. en effet, c’est là, à Kougr-Zougou (ex-quartier Ouahigouya de Korsimoro), situé à l’ouest du village, que tous les rois sont intronisés ;

8. c’est là également qu’ils sont tous inhumés après leur ultime rappel à Dieu ; c’est ainsi qu’à l’instar de ses trente prédécesseurs, le Naaba Sonré sera conduit à sa dernière demeure à Korsimoro, aux côtés de ses illustres ancêtres dont le traditionnel "basga" est célébré chaque année, vers la fin de la saison hivernale, en guise de funérailles pour le repos des âmes ;

9. c’est également à Korsimoro que résident la quasi-totalité des ministres, ceux-là mêmes qui, autour du Dima (roi), fixent les dates et organisent chaque année ledit "basga" ;

10. c’est là enfin qu’ont lieu chaque année tous les préparatifs afférents au Naab-Kitoaga, fête coutumière royale célébrée à Boussouma par les ci-devant notables de Korsimoro ;

11. dans les faits, l’apparente "rivalité" entre Korsimoro et Boussouma est tout à fait saine et hautement fraternelle en ce qu’elle participe du souci de chacun d’eux de donner le meilleur de lui-même dans le processus du développement. Sans plus. Du reste, une telle "rivalité" se vit au quotidien dans les familles polygames où chaque femme met un point d’honneur à s’attirer plus les faveurs de son mari en libérant au jour le jour son génie créateur : le mari étant ici le roi ;

12. sans être chef-lieu de canton, de province ou de région, Korsimoro abrite non seulement le marché-carrefour qui sert d’yeux et d’oreilles au Dima, mais aussi l’une des deux fêtes coutumières les plus importantes et les plus populaires du royaume : le traditionnel "basga".

EN ATTENDANT LE PROCHAIN ROI DE BOUSSOUMA…

Au regard de ces brefs rappels historiques, nul doute qu’ils sont légion les ressortissants du royaume de Boussouma qui sont en train de se remémorer ces sages paroles du Dima : "Si quelqu’un venait à m’administrer une gifle à Boussouma où je réside, je ressentirais dix fois moins l’offense que si quelqu’un d’autre se risquait à le faire sans succès à Korsimoro !"

En un mot comme en cent, le Naaba Sonré se voulait clair : dans l’épicentre du royaume qu’est Korsimoro, tous les attributs de la principauté revêtent un caractère tellement sacré que pour rien au monde le roi de Boussouma ne doit y subir la moindre humiliation.

Bref, une nouvelle page vient de tourner pour ce royaume d’honneur et de grande dignité aux valeurs incommensurables reconnues tant à l’intérieur que hors du territoire burkinabé.

Dans quelques mois, Boussouma, Korsimoro, le chef de gouvernement et les ministres du royaume établis dans les deux entités, les douze chefs de canton et et les centaines de chefs coutumiers intronisés par le Dima vont tous se consacrer à la digne sépulture du roi défunt ainsi qu’à trouver un nouveau monarque…


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