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Tribune : L’intolérance a-t-elle pris position dans les cœurs ?

3 juillet 2018, 14:16, par Africa

Mr l’inspecteur, mes respects en votre qualité de dirigeant du système éducatif de notre pays. Permettez-moi cependant d’apporter ma modeste contribution intellectuelle à votre tribune qui embrasse bien de facettes de notre société.

1.) Du civisme et de l’usage des langues nationales

A). Dès les premières heures de notre indépendance en 1960, le Président-Patriote Maurice Yaméogo comprit que le jeune État est une mosaïque de plus de 60 nationalités que le colonisateur appela tribus ou au mieux ethnies avec mention sur la carte d’identité. Le Président mena en 5 ans un travail de fonds qui fit naître en chacun l’esprit de citoyenneté et l’appartenance à une entité nationale Une et Indivisible. Ce caractère unique et indivisible du nouvel Etat était enseigné à l’école primaire dans le cours d’éducation morale et civique. Mon maître d’école gardait en permanence la phrase suivante, calligraphiée au tableau en haut, coin gauche : " la Haute-Volta est une nation une et indivisible". Mr l’inspecteur, où en sommes-nous aujourd’hui de l’éducation morale et civique à l’école burkinabè ?

B). Quant à la question de l’usage des langues nationales dont vous faites état, elle faisait l’objet d’une attention particulière à la radio “nationale” à travers la diffusion du patrimoine culturel (langue, us et coutumes, etc..) de la soixantaine de nationalités que compte ce pays. En 5 ans, le président-patriote Maurice Yaméogo a effectivement consolidé le désir du vivre ensemble et de cheminer vers une nation une et indivisible.
Après la chute du président le 3 janvier 1966, il s’est trouvé des ethno-régionalistes qui allèrent jusqu’à le traiter de faux Moaga d’origine Gourounsi et donc ne méritait pas de diriger ce pays qu’il a tant aimé dans sa diversité. Ces diatribes ethnicistes ont peut-être inspiré cet autre Président-Patriote, le Général Aboubacar Sangoulé Lamizana à faire cette profession de foi dès sa première adresse à la nation : "je ne suis d’aucune ethnie, d’aucun village, d’aucune région ; je suis voltaïque tout court." Il a approfondi le travail de son prédécesseur en créant une radio rurale diffusant dans toutes les langues du pays et couvrant tout le territoire national. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, prenez la route Ouaga-Léo ; à 75 kms de Ouaga, plus de signal de la radio nationale. Vous avez "quitté le Burkina" ! Il en est ainsi sur la plupart des zones de frontière du pays. Dans ces conditions, que le président parle en mooré ou en français, il ne s’adresse qu’à une partie de la population du Burkina.

2) De l’usage officiel des langues nationales : que faire ?

A). L’usage à des fins officielles des trois principales langues nationales avec interprétation simultanée, à savoir mooré, foulfouldé et dioula fut instauré sous la révolution à partir d’août 1984 lorsque la Haute-Volta devint Burkina, la République devint le Faso, le voltaïque devint burkinabè et l’hymne national devint le ditanyè. Tout le peuple se mit debout et applaudît. C’est dire qu’aucun citoyen de ce pays, soit-il intellectuel comme vous le dites, ne s’oppose à l’usage d’une langue nationale pour s’adresser à la population cible qui la comprend.
Ce qu’il faut éviter, c’est de pratiquer une certaine démarche d’assimilation identitaire de certaines minorités culturelles. Avant tout, la République protège ses minorités quelles qu’elles en soient.

B). Que faire ? L’enseignement obligatoire d’une langue nationale à l’école, du primaire au supérieur.
Depuis 1984, les dirigeants politiques ont fait seulement de ces trois langues un vecteur de propagande pour mieux s’implanter au seins de ces ethnies majoritaires.
Pendant ce temps, il n’eut aucune action visant à faire une codification scientifique de ces langues permettant d’introduire l’une d’elles dans tous les ordres d’enseignement (primaire, secondaire et supérieur). Cette codification doit couvrir, non seulement le vocabulaire lexical courant, mais surtout le langage des matières scientifiques ( math, physique, chimie, sciences de la vie et de la terre, etc...). Cela suppose donc la création d’une académie des langues nationales et d’une autre chargée de la transposition du vocabulaire scientifique dans cette langue nationale unique. Ce travail scientifique pourrait déboucher sur une langue qui n’est pas à 100% l’une des langues que nous connaissons, ce qui nous renverrait tous à l’école. Cette langue s’appellerait alors le Burkinabè ! . Ils sont combien à savoir que le foulfouldé, le swahili et le Haoussa furent choisis par l’OUA, ancêtre de l’UA, comme langues panafricaines. Si nous choisissons de codifier notre langue nationale à partir du foulfouldé par exemple, ce choix aura un retentissement continental dans la mesure où cette langue s’étend de Dakar à Djibouti et de Djibouti au Cap avec des consonances diverses. Utopie d’aujourd’hui, réalité de demain comme le dirait l’autre !


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