Accueil > ... > Forum 714069

Les héros de l’insurrection populaire : Touorizou Hervé Somé

17 janvier 2015, 12:38, par Aly

Merci mon frère,
Vois-tu, Hervé, il y a quelque chose qui comme à être très gênant dans l’attitude des dirigeants de notre Transition. C’est cette impression de refus de transparence vis-à-vis du Peuple à qui ils doivent d’être là où ils sont aujourd’hui. Et pourtant, la redevabilité fait partie des critères de bonne gouvernance. Et qui dit redevabilité, dit accès à l’information pour le peuple, dès lors qu’il s’agit de la gestion des deniers publics.
En démocratie, les salaires du président et des membres du gouvernement n’ont rien de secret, dans la mesure où ils sont payés par les contribuable que sont le paysan de Dédougou, le fonctionnaire de Ouagadougou, l’ouvrier de Bobo, l’entrepreneur de Ouahigouya, le commerçant de Pouytenga, etc.

Sur un tout autre plan, pourquoi tant de difficulté à rendre publique le patrimoine de nos dirigeants. Cette gêne aurait-elle une explication autre que le pudisme, dont ne saurait s’accommoder un état de droit ? En effet, dès lors qu’un citoyen accepte d’occuper une haute, sinon même la très haute fonction publique, il n’y a plus de discrétion qui vaille. Parce que, citoyens aussi, nous avons le droit de savoir ce que nos dirigeants ont au moment de leur prise de fonction et ce qu’ils auraient, le jour où ils nous remettront les clés de leurs bureaux. Sinon, comment pourrions-nous faire le rapprochement qui est l’esprit même de la déclaration des biens ? Il est donc impératif de jouer la transparence et toute la transparence qui sied.
Dans cette société Burkinabè où l’argent a été tant célébré, avec une apologie jamais inégalée de l’accumulation, d’où qu’elle vienne (la manière ne compte plus), nous devons travailler à inverser l’échelle des valeurs et des vertus sociales. Sinon, sinon, il ne faudra pas s’étonner de retrouver les mêmes jeunes dans la rue pour le vrai changement pour lequel nous nous sommes tant mobilisés.
C’est vrai, personne n’a fait vœux de pauvreté sur terre. Nous nous bâttons tous et tous les jours, pour avoir un peu plus. Mais nous ne le faisons pas tous de la même manière. Et c’est là toute la différence entre les citoyens qui peuvent prétendre aux hautes fonctions publiques et ceux qui ne le peuvent pas ou plus du tout. Parce que, comme tu le dis si bien, tous les actes que nous posons tous les jours, individuellement comme collectivement, sont politiques. Et j’ajouterai HAUTEMENT POLITIQUE, SCIEMMENT. Parce qu’il n’y a pas d’actes inconscients, parce que je suis de ceux qui ne croient pas au hasard, car le hasard n’existe pas.
Quand des Burkinabè, nés de familles pauvres, se permettent d’avoir des villas à n’en pas finir, et de la manière que nous connaissons tous,
Quand ces mêmes personnes ont des comptes bourrés à faire exploser les banques, et de la manière que nous connaissons tous,
Quand ils sont encore propriétaires de toutes les sociétés et entreprises dans le pays, par le truchement du système de prêtes-nom, et de la manière que nous connaissons tous,
Reconnaissons que C’EST TOUT SIMPLEMENT INDECENT :
INDECENT, parce que trop de paysans, qui s’échinent à longueur de journées, ne disposent pas d’eau potable, n’ont pas accès à la santé, n’ont pas trois repas par jour,
INDECENT, parce que la secrétaire du ministère peine à avoir le carburant nécessaire pour rejoindre son service, dès que le mois a deux chiffres,
INDECENT, parce que les élèves et étudiants n’ont plus de places pour suivre DECEMMENT leurs cours, pendant que leurs enfants à eux s’amusent avec l’argent public dans les boîtes de nuit, où sont dans les écoles les plus chères du monde,
INDECENT, parce que notre pays est trop dépendant de l’aide extérieur,
INDECENT, parce que le commerçant peine à s’acquitter de ses impôts, obligé qu’il est, de devoir jouer au cache-cache avec les services de l’assiette publique,
INDECENT, INDECENT, INDECENT, parce que c’est TOUT SIMPLEMENT IMMORAL, RELIGIEUSEMENT, TRADITIONNELLEMENT, ET MEME POLITIQUEMENT, car comme tu le dis encore mieux que moi, TOUTE BONNE POLITIQUE EST MORALE ET TOUTE BONNE MORALE EST POLITIQUE.
Par ailleurs, et je te rejoins encore, quand tu évoques la question des ambitions politiques. Comme nous l’enseignent les précurseurs de la séparation des pouvoirs, que sont Locke et Montesquieu, pour limiter l’arbitraire et empêcher les abus qui pourraient résulter de l’exercice des missions souveraines dans un Etat qui se veut et se proclame démocratique, IL FAUT QUE PAR LA DISPOSITION DES CHOSES, LE POUVOIR ARRÊTE LE POUVOIR. C’est pourquoi, je reste convaincu que nous ne devons tous avoir pour ambitions politiques, d’être Maires, Députés, Ministres ou Président. Certains d’entre nous, et dont je suis, doivent accepter d’ETRE DU DISPOSITIF DE VEILLE ET D’ALERTE, CETTE SENTINELLE DE LA REPUBLIQUE, CAPABLE DE DIRE AUX DIRIGEANTS : ALTES, VOUS DEPASSEZ LES LIMITES DE VOS PREROGATIVES !!!
Pour cela, nous devons accepter le sacrifice de contribuer au renforcement des capacités de la société civile. Ce faisant, nous contribuerons encore mieux à prévenir et à réorienter les actes et décisions de ceux qui occupent les hautes fonctions de notre espace publique. N’est-ce pas là, une très belle et haute contribution pour nous, d’apporter notre petite pierre à la construction du Burkina Faso Nouveau ?

Cette transition est le lieu de poser sérieusement la problématique de la redevabilité. Nul ne peut et ne doit pouvoir occuper une haute fonction publique et émarger au budget d’état et refuser au contribuable son droit de regard et à l’information.


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés