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Conquête du pouvoir : « Tant que l’opposition restera dans la médiocrité… »

13 février 2010, 17:08, par Yadega

@wend waoga
J’ai noté votre divergence d’opinion avec moi en ce qui concerne la révision éventuelle de l’Article 37 de la Constitution du Faso. J’ai aussi noté que vous étiez assez d’accord avec mon argumentaire sur la notion d’alternance politique. Mon intervention ne visait pas à discuter des fondamentaux du régime actuel mais de commenter dans « l’absolue » et dans le contexte de la démocratie, les propos « déplacés » de M. Simon COMPAORÉ. Je suis aussi d’accord pour reconnaître que la portée de l’Article 37 de notre Constitution et la notion même d’alternance au pouvoir vont de pair et sont indissociables en réalité. En effet, selon notre Constitution, un président serait élu pour une durée de 5 ans une seule fois renouvelable. Cela permet de garantir à coup sûr l’alternance et confirme s’il en est besoin que tout débat sur l’alternance est un faux débat. Le vrai débat concerne l’éventualité d’une 3e modification de l’Article 37, qui s’il a lieu, nous ferait reculer de plusieurs années en arrière. Je préfère que tout le peuple Burkinabè s’accroche à l’intégrité de l’Article 37 plutôt que de s’énerver sur la bobine de Blaise Compaoré (le résultat aurait été le même si ça avait été une autre bobine). Je suis donc d’accord avec vous sur ce point. Par contre, je n’ai jamais insinué que le départ de Blaise Compaoré soit synonyme de la prise de pouvoir par l’opposition. N’oublions pas que nous commentons les propos de Simon Compaoré au sujet de la « médiocrité » de l’opposition. Sans oublier que l’individu utilise toujours le parti pour accéder à la magistrature suprême (c’est rare qu’un candidat indépendant puisse accéder au pouvoir un jour dans n’importe quelle démocratie). Dans certaines vieilles démocraties, il n’est pas rare qu’une seule mouvance (droite ou gauche) reste au pouvoir pendant plusieurs décennies, en autant que la Constitution soit respectée en terme de durée des mandats présidentiels. Au Burkina, nous souffrons un peu du manque de la non-affirmation de cette distinction gauche/droite (libéraux/socialiste ; démocrates/républicains ; libéraux/conservateurs, etc.). Je crois que c’est parce que les idées ne sont pas toujours clairement formulées par les uns et les autres…

Pour le reste, je pense qu’on devrait en premier lieu accepter que nous ayons un pays démocratique (la démocratie pouvant être définie comme étant la dictature de la majorité) régi par ses lois et sa Constitution. À partir de là, il faudrait accepter que les processus démocratiques se déroulent selon les textes. Vous écrivez, je cite : […, je ne le suis pas sur le fait d’envisager même un vote par l’Assemblée de la suppression de l’Article 37, encore moins de l’organisation d’un Référendum !] et vous argumentez cela par le fait que le peuple soit « immature » (c’est ma lecture) pour la démocratie, la vraie ! Je crois aussi que votre opinion validerait celle de l’ancien président français, Jacques CHIRAC qui disait je cite : « La démocratie est un luxe pour les africains ». Pour moi c’est la pire des insultes à l’endroit des Burkinabè que de supposer que la démocratie soit un luxe pour eux. Dans ce qui suit je vais me référer aux textes pour évoquer le pouvoir de l’Assemblée nationale, de l’éventualité de la modification de l’Article 37 et de la pertinence des Référenda (ou référendums).

Pertinence des référendums :
- Première république (1960 – 1966) : le 27 novembre 1960, adoption par référendum de la constitution de la première République qui institue un régime présidentiel. La constitution est promulguée le 30 novembre 1960.
- Deuxième république (1970 – 1974) : le 14 juin 1970, adoption par référendum de la constitution de la deuxième République qui est promulguée le 29 juin : institution d’un régime parlementaire.
- Troisième république (1977 – 1980) : le 27 novembre 1977, adoption par référendum de la constitution de la troisième République, qui instaure un « parlementarisme rationalisé » : seuls seront reconnus les trois partis qui auront obtenu le plus de voix aux élections législatives.
- Quatrième république (depuis 1991) : le 2 juin 1991, adoption par référendum de la constitution de la quatrième République (93 % des voix, 51 % de taux d’abstention). Elle est promulguée par décret du Chef de l’État le 11 juin. Institution d’un « régime parlementaire fortement présidentiel ».

Article 154 : Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des élections présidentielles. Il examine les réclamations et proclame les résultats du scrutin. Le Conseil constitutionnel veille au respect de la procédure de révision de la Constitution.

Il y a donc bien longtemps que le peuple Burkinabè avait déjà été consulté, bien avant 1960 d’ailleurs (le 28 septembre 1958 et le 15 mars 1959).

À propos de la révision de la Constitution :
Article 161 : L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment :
- au Président du Faso ;
- aux membres de l’Assemblée nationale à la majorité ;
- au peuple lorsqu’une fraction d’au moins trente mille (30.000) personnes ayant le droit de vote, introduit devant l’Assemblée nationale une pétition constituant une proposition rédigée et signée.

Article 162 : La loi fixe les conditions de la mise en œuvre de la procédure de révision.

Article 163 : Le projet de révision est, dans tous les cas, soumis au préalable à l’appréciation de l’Assemblée nationale.

Article 164 : Le projet de texte est ensuite soumis au référendum. Il est réputé avoir été adopté dès lors qu’il obtient la majorité des suffrages exprimés.
Le Président du Faso procède alors à sa promulgation dans les conditions fixées par l’article 48 de la présente Constitution.
Toutefois, le projet de révision est adopté sans recours au référendum s’il est approuvé à la majorité des trois quarts (3/4) des membres de l’Assemblée nationale.

Article 165 : Aucun projet ou proposition de révision de la Constitution n’est recevable lorsqu’il remet en cause :
- la nature et la forme républicaine de l’État ;
- le système multipartite ;
- l’intégrité du territoire national.
Aucune procédure de révision ne peut être engagée ni poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire.

Article 168 : Le peuple burkinabè proscrit toute idée de pouvoir personnel. Il proscrit également toute oppression d’une fraction du peuple par une autre.

Article 169 : La promulgation de la Constitution doit intervenir dans les vingt et un jours suivant son adoption par référendum.

En un mot, il faut veuiller au grain car l’Assemblée nationale a le pouvoir de voter une modification de l’Article 37 (comme je le craignais) et que le référendum est fortement préconiée par la Constitution pour sa révision. Le peuple doit donc rester vigilent !


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