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> Chasse sportive : Même mort, le lion fait toujours peur

3 juin 2007, 02:28

J’entends bien votre colère, monsieur. Souffrez cependant que l’humour, même aussi piquant qu’un kiparé, est parfois la meilleure posture pour ne pas pleurer, et asséner quelques vérités. En d’autres termes, et moins "subtilement", mes deux propos n’avaient d’autre valeur que d’éclairer un peu le débat, et en effet, l’ignorance -ce n’est pas une tare-, ou parfois, comme pour tant d’autres sujets, un brin d’hypocrisie chauvine mal placée. Il est évident qu’un monde parfait serait un monde dans lequel faune, flore et humains vivraient en harmonie ; j’ai passé l’âge cependant des utopies faciles, je ne suis pas un adepte de la pensée magique. Croyez que la faune burkinabè a d’abord été massacrée par des autochtones, avant que des ONG, des Blancs et de très rares Burkinabè ne se contentent pas de voeux pieux pour inventer les meilleures défenses possibles d’une nature relictuelle. Le parc national de Po, actuel Kaboré Tambi, a été ravagé par des Burkinabè : la traçabilité est ici la même qu’ailleurs : le villageois braconne, il vend son ’boumbou’ à un notable du coin ; qui le fait acheminer dans la capitale pour des ripailles. Ne vous cachez pas, vous, derrière votre petit doigt : on adore la ’viande sauvage’, sous nos latitudes, et pas un peu ! A la seule différence que dans ce "joyau" (comme on aime dire au Faso), ce sont vos paras-commandos qui ont massacré en l’espace de deux à trois ans (1982-1984) pas moins de 105 éléphants sur les 350 à 450 qui en faisaient la notoriété ; les rescapés ont fui, vous savez où ? Chez cet affreux blanc qui restaurait une forêt classée vide pour en faire en 15 ans ce Nazinga célèbre jusqu’aux USA, eh oui ; et tenez-vous bien, comme moi il ne chasse pas ce monsieur, mais il sait que la SEULE SOLUTION, c’est de GERER, la faune comme le reste. Et gérer, monsieur, c’est chercher la rentabilité ; et si la rentabilité profite aussi à des villageois reclus -connaissez-vous Natiediougou ou Sya, faites-y un tour, je vous en conjure-, c’est tout de même mieux qu’un billet électoral tous les 5 ans tombé du ciel, non ? Ce sont nos chers bidasses, pas très blancs je crois, qui ont mis en coupe réglée la ’forêt’ dans les années 90, à partir de leur petit poste du Nazinon, en cheville avec des braconniers de Nobéré, et gare aux peu d’animaux (vous aimez le tanturi ou le dindisga ?) qui y survivaient, la nuit, jeunes, femelles ou mâles, on s’en fout et ya rien ! Pour vos vaillants soldats, entre les cabarets dudit village et leurs prouesses en brousse, la nuit tous les chats sont gris, n’est-ce-pas ? Et on ne s’offre pas des expéditions punitives dans la capitale tous les ans, encore heureux... Encore non, ce ne sont pas les chasseurs blancs qui ont, à plusieurs reprises, dilapidé le parc national d’Arly, ni dangereusement siphonné les fonds et la faune de Nazinga, dans les années 90 ! Hélas, cher monsieur, on pourrait à l’infini faire l’inventaire de tout ce que les Burkinabè ont massacré, même s’il est facile, dans ce domaine aussi, de trouver les boucs émissaires, ailleurs. Renseignez-vous : oui, le Burkina Faso est le dernier pays de la sous-région à bénéficier d’une faune digne de ce nom : pourquoi ? Pour la seule et simple raison qu’il y a des opérateurs économiques dans ce domaine. Et un opérateur qui investit des sommes colossales pour la (ré)habilitation d’une zone concédée n’a pas très envie de voir ses richesses massacrées, même pour le plaisir cynique de ces enfants de salauds venus du Nord. Même au Faso il y a des ’économistes’ qui ne confondent pas capital et bénéfices. Dernier point : les animaux sont comme nous, ils ont une aire vitale. Sur 1000 km2, c’est ainsi, si le nombre d’éléphants excède les 800 trompes, bonjour les dégâts (couvert végétal, consanguinité, conflits de hardes, etc...) ; vous voulez héberger chez vous le surplus ? De même pour les lions, les hippotragues, les phacochères, et les humains... On fait comment, dites-moi : on exproprie des paysans en état de survie permanente -ça se fait, je l’ai vu, et ça me choque-, on les met tous à Ziniaré et tout le monde il est content, il est bon et beau ? On les enchaine comme ce malheureux chimpanzé de Bobo qui mériterait mille fois d’être tué plutôt que de subir le triste sort qui est le sien. Enfant, j’étais outré d’apprendre qu’un ministe voltaïque n’avait pas d’autre satisfaction dominicale que d’aller décharger son trop-plein (de haine ?) sur les hippos qui fréquentaient encore le bief du Mouhoun, au pont de Boromo ; ça m’a passé, j’ai vu pire ; et croyez-moi, j’ai eu l’occasion de rencontrer des chasseurs (blancs ou noirs comme NZ) qui ne tiraient jamais sur des animaux en groupe, en famille, en portée, à l’arrêt, à l’abreuvoir, des jeunes, des femelles. Par contre j’ai vu des citadins de Ouaga, de Fada, de Bobo, bon chic bon genre, grassement arrivistes, ne chercher qu’à tuer pour... manger, et bien manger : au phare pour les mammifères, au poison et à la dynamite pour les poissons ; sans même verser un cauri à qui de droit, sauf bien entendu à de bons fonctionnaires intègres, même des Eaux et Forêts : qu’ils fussent Ninsis, Nyonyonsé, Libanais ou Blancs -ah, non pas connu de Blancs pour ces coups-là, tiens, je dois mentir...-, je m’en fous totalement. A s’en perdre dans le même parc national Kaboré Tambi, où la chasse est interdite, à la recherche d’un hypothétique buffle, et sauvé de la soif in extremis par des ’braconniers’ du village... qui tuaient, eux, pour... survivre. Enfin , pour votre information, la France est, avec l’Espagne, le pays d’Europe qui compte le plus de chasseurs (et ses lobbies y sont puissants). Les chevreuils dont vous nous faites la description rousseauiste sont en effet si nombreux qu’ils en deviennent une calamité déstabilisatrice pour les équilibres naturels : protégés, si bien, c’est à dire gérés sur la base de quotas de chasse par l’ONF et les offices de chasse, ces viandards sans foi ni loi... En Europe toujours, on chasse le bouquetin et le chamois dans les Alpes -et leur nombre ne fait qu’augmenter, bizarre !- ; en Roumanie, l’ours brun et le loup ! Quant à l’Afrique australe, sachez que 75% de la seule Tanzanie est en réserves : intégrales, communautaires, cynégétiques, nationales, marines, etc... Ca dépend de l’objectif à atteindre : protection d’une espèce rare classée à la liste rouge UICN, tourisme de vision, tourisme cynégétique (qui, malheureusement, est ce qui rapporte à l’Etat le maximum de devises). Des milliards tombent de temps à autre dans les caisses d’un pays qui passe pour être l’un des plus beaux paradis de biodiversité au monde : pas virginal mais efficacement géré. Mais on n’y cultive pas de coton, c’est vrai, autrement plus respectueux de la nature, évidemment...
Un dernier petit conseil : comme moi je signe mes interventions, censurées ou non, je vous invite volontiers : 1. A croire que je ne suis pas chasseur : même abréger les souffrances d’un chaton ataxique atteint de péritonite infectieuse, il faut que mon fils adoptif s’en charge, hi, hi 2. A vérifier, sur le terrain, si vous le pouvez. 3. Je viens d’occident, mon ’verbiage’ en témoigne en effet, ce qui est probablement une tare, heureusement pas pour tous les Burkinabè : car si vous saviez, hi, hi... Pensez seulement à un certain Norbert : un chasseur, beurk, qui menait, je crois, quelques combats particulièrement nobles, pour les humains, ou bien ?

Frédéric Bacuez dit Fretback.

NB : pour enrichir le débat : "PNKT, petites histoires d’hommes", in L’Evénement n°21, 25 02 2003 et "Nazinga, des décibels pas très écologiques", in L’Evénement n°35, 10 01 2004... Par... Fretback.
PS : Je suis tout à fait d’accord avec vous : "le réveil sera douloureux", je l’ai toujours dit et ...écrit.


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