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> Chasse sportive : Même mort, le lion fait toujours peur

29 mai 2007, 00:40

Oh Maître, à croire que vous n’avez jamais vécu au Burkina Faso ! Laisser la nature se réguler d’elle-même, vous êtes trop fin pour ne pas croire une seconde à ce que vous dites. La nature abandonnée à son propre sort dans un pays ravagé par la misère rurale, la démographie galopante et l’extension in fine de pauvres terres à cultiver la survie, vous n’y pensez-pas ! Comme déjà suggéré à la reflexion de nos amis internautes, je me répèterai : la nature ne peut être que régulée par les Hommes (protection , utilisation rationnelle, gestion participative, chasse et pêche contrôlées, tourisme, ranching), nous ne sommes plus aux temps anciens. On peut le regretter et nourrir -c’est de saison- un onirique fantasme de passé magique et merveilleux, mais tout cela est malheureusement de l’histoire ancienne. Comme toujours au Faso des expérimentations exogènes, en la matière on y a tout essayé : les parcs nationaux sur des pans entiers de brousses -weogho weogho- arrachées à la gestion des communautés villageoises pour le plaisir hédoniste de rares expatriés dominicaux (cf. le Parc Kaboré Tambi) vite concurrencés par l’explosion de toutes les formes de braconnage (villageois ’vengeurs’, chasseurs du dimanche tirant sur tout ce qui bouge pour revendre la viande à quelque satrape local ou national -on ne citera pas de noms, vous en serez d’accord-, réquisition ravageuse par de ’célèbres’ commandos, etc...). Avec, en trente ans, comme pour vos routes, leur réhabilitation récurrente, en grande pompe et à coups de milliards de nos "amis" européens, en pure perte (PNKT, Arly, et maintenant le W) car sans rentabilité économique aucune. Et puis, sous l’impulsion d’un burkinabè d’origine canadienne, fondateur de Nazinga, l’expérimentation du ranching, en gros l’utilisation la plus efficiente des ’ressources’ (eh oui, on parle bien de ressources humaines, non ?) de la ’forêt’ - forêt tellement laissée à sa propre régulation, Maître, qu’elle ne couvre plus que 13% du territoire... Succès total de Nazinga, sur les modèles sud-africain et mexicain, reconnaissance internationale pour un projet associant intelligemment protection (inventaires, études scientifiques, réintroductions, protection intégrale des éléphants, tourisme de vision, pédagogie scolaire) et utilisation (chasse sur la base de quotas, viandes réfrigérées à destination d’hôtels et restaurants de la capitale, coopératives de pêches, apiculture, création d’emplois -guides, pistage, hotellerie, garage). Bien entendu il y eut le hic tropical, les senteurs de gains : réquisition par l’Etat au début des années 90, incurie gestionnaire, retour du braconnage, de la part même des populations riveraines quelque peu méprisées, on n’en dira pas plus... Autre trouvaille burkinabè : l’association des exploitants cynégétiques dont l’un des hérauts fut, notamment, un certain Norbert, Zongo de son nom (et qui a aussi laissé sa noble empreinte du coté de la Sissili, son ranch, en se démenant malgré tant d’hostilités bien placées (!) pour construire là un logement d’instituteur, là retourner le plus célèbre braconnier du coin pour en faire un des meilleurs défenseurs de sa zone, etc.). Vous comprendrez aisément mon étonnement devant toutes ces larmes de crocodiles, qui ne mènent à rien. Je ne m’attendais pas à ce que le sentimentalisme Vert-de-ville ait autant touché de coeurs internautes burkinabè : l’ignorance du sujet, sans doute... Quant aux "amis chasseurs français", médecins, chirurgiens, industriels -n’y voyez qu’un constat-, vous conviendrez qu’on ne peut pas aussi leur demander de suivre l’itinéraire de l’argent -vous savez : la ’traçabilité’- qu’ils versent pour avoir le droit d’abattre un buffle ou un lion dans des zones de chasse dévolues par l’Etat à cet effet (aucun risque d’éradication, on n’en dira pas autant de la strychnine qui partout ailleurs n’a pas fait de cadeau aux lions ni à Dame Nature d’ailleurs...). Last but not least, sachez qu’il y a aussi de ’grands chasseurs’ burkinabè, et pas des moindres sommités du Faso : des noms ? Allez, on dit que les ’mogho puissants’ ne sont pas si nombreux, dans cette savane où tout se sait...

Frédéric Bacuez.


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