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L’humeur de Sayouba Traoré : Vous voulez nier l’histoire ?

4 février 2023, 11:26, par SOME

Il faut être niais ou de très mauvaise foi pour nier ce qui est dit ici. Ce sont des faits historiques bien documentés. Et bien d’intellectuels africains ont écrit sur cet aspect. Derrière l’islam et le christianisme, la seule et vraie raison profonde reste le pillage des richesses africaines sous le cache sexe de la religion ou de « la civilisation ». L’adresse du roi Léopold, roi des belges, aux missionnaires en afrique est plus que explicite sur leurs objectifs. La fameuse phrase d Jomo Kenyatta, chef des Mau Mau luttant pour l’indépendance du Kenya est explicite quant à la conscience des africains à ce propos. Etc.

C’est dire que la problématique n’est point nouvelle, ni dans les faits, ni dans la prise de conscience de la part des africains. La pertinence de l’écrit n’est point à dénier, à moins que l’on soit motivé par la mauvaise foi, ou que l’on soit insuffisamment outillé intellectuellement pour le saisir. Dans les deux cas de figure, c’est grave dans notre situation actuelle. Si l’on le conteste par mauvaise foi, ceci ne fait qu’appuyer les thèses de Sayouba. Si c’est par insuffisance de profondeur intellectuelle, c’est tout aussi grave dans la situation actuelle du monde dans l’art de la guerre. Et il y aurait donc de quoi craindre pour l’avenir de l’Afrique car dans un cas comme dans l’autre cela alimente cette guerre en combattants, les premiers en toute conscience, les second par ignorance. Les premiers exploitant l’Afrique à un autre niveau. Cela obère tout avenir pour l’Afrique.

Ce qui se joue aujourd’hui en Afrique relève d’un niveau beaucoup plus complexe qu’une simple prétendue guerre djihadiste. Seuls les peu intellectuellement outillés en géopolitique internationale tomberont dans le panneau. Cette guerre au Sahel n’a fondamentalement rien à voir avec l’islam. Cette religion n’est qu’un cache sexe que l’on veut enjoliver de tribalisme. N’est-on pas en Afrique ? C’est si commode ! Et ça marche toujours (ou presque). L’islam africain est un « islam exotique » comme le qualifie une amie musulmane. Il n’a rien à voir dans son ensemble avec l’islam intégriste du moyen orient. Ne pas percevoir cet aspect géopolitique nous condamne à subir encore une deuxième défaite face à ces mêmes hordes qui nous avaient dépouillés sous le couvert de la religion (cf jomo kenyatta).

L’aspect géopolitique des évènements actuellement en cours au Sahel en particulier, et en Afrique en général, fait que l’article, même pertinent quant aux vérités historiques, ne tombe pas à propos au vu de notre histoire actuelle. Dans l’art de la guerre, la tactique est tout aussi importante que la stratégie. Et dans cette grande guerre asymétrique menée à partir d’un complot international de haut niveau contre l’Afrique (oui ! j’assume mon complotisme !), les armes utilisées sont tellement subtiles que nous ne pouvons l’imaginer.

Pour moi cet article tomberait bien à propos s’il s’était publié à l’époque lorsque, après la destruction de la lybie par l’OTAN, on était revenu au moyen âge et on vendait les migrants africains a la criée sur la place du marché de Tripoli et sur le marché international sur internet. En quoi est la différence avec le moyen âge de la vente des esclaves sur les côtes américaines ou turques, ou les colonnes d’esclaves dans le Sahara ou dans les cales des bateaux négriers ? Aucune : seule la technologie facilite les transactions.

Mais à l’époque des événements à Tripoli, personne n’a dit mot sur la négation de l’humanité au negre en lybie, ni les européens, ni les dirigeants africains, pas même les institutions qui se réclament aujourd’hui de démocratie et droits humains. Seul un citoyen marocain (Afrique blanche) avait publié une vidéo qui cernait avec la hauteur qui sied pour un tel événement.

Pour moi, ressortir cette question à l’étape actuelle de notre lutte n’est pas approprié et ne sert aucunement notre cause africaine. Le passif historique entre l’Afrique « blanche » (sic) et « l’Afrique noire » est une réalité dont nous ne pouvons faire l’économie. Mais le ressortir a l’étape actuelle n’est point du tout approprié, ce me semble évident. Sous la revolution on débattait des tactiques selon les étapes dans la lutte révolutionnaire ; et cet argument qui a été l’argument fondamental pour justifier l’élimination physique de Thomas Sankara. Sankara a été accusé de prendre des décisions qui n’étaient pas appropriées au stade où se trouvait la lutte révolutionnaire au Burkina Faso. Il fallait donc rectifier : on l’a « rectifié », et on en voit les résultats aujourd’hui. Et où sont les rectificateurs aujourd’hui et que font-ils ?

Sous la révolution de Thomas Sankara, le pays africain qui a le plus soutenu le Burkina, c’est l’Algérie, un pays de l’Afrique « blanche », alors que les pires ennemis de Sankara étaient les dirigeants des pays de l’Afrique « noire », eux qui fulminaient de plus en plus contre la France parce qu’elle tardait à mettre en application leur exigence d’éliminer Sankara qui les gênait. Au lendemain du 15 octobre 1987, ils se sont partagés les dépouilles de Sankara comme trophée de leur victoire ? Qui sa tête, qui sa bague de mariage, qui ceci cela, etc. Au point qu’ aujourd’hui ou on veut l’inhumer il n’y a même plus de restes certifiés.

Aujourd’hui rien n’a changé : quel est le pays qui soutient le plus le Mali ? C’est bel et bien l’Algérie ? Sans l’Algérie, goita serait renversé depuis longtemps. Aujourd’hui qui veut la peau des dirigeants maliens et burkinabe si ce ne sont pas ces mêmes dirigeants de pays d’Afrique noire, avec en tête ouattara en Côte d’Ivoire (comme par hasard, or le hasard n’existe pas) et les institutions dites africaines telles la CEDEAO, uemoa, etc. Pourquoi l’union africaine est muette, inexistante ? Etc.

Ouvrir ce front entre les africains est inapproprié à notre situation actuelle. Je sais que certains éplucheront mon intervention (a commencer par Sayouba lui même). Je ne demande à personne de venir applaudir mes interventions, car c’est un forum ; et à l’origine le forum était dédié au débat contradictoire sur les opinions des uns et des autres, et non créer une coterie de béni oui-oui. C’est la ligne argumentaire qui guide dans un débat. Et la valeur centrale qui parcourt ma ligne argumentaire, je la résume pour ceux qui voudraient intentionnellement ou non, m’attribuer d’autres idées : si le contenu de l’article ne souffre pas de contrevérités historiques car vérités déjà documentées, le timing d’ouvrir ce débat est inapproprié et contreproductif quant aux impératifs de notre lutte actuelle.
SOME


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