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Mali : La transition riposte aux sanctions de la CEDEAO et l’UEMOA

10 janvier 2022, 14:13, par Sidpawalemde Sebgo

Hum...

Il y a un précédent à de telles sanctions, celui de la Côte d’Ivoire en 2010-2011. Je me rappelle que quand Laurent Gbagbo a refusé le résultat des urnes, et que les sanctions sont tombées, on a entendu et lu partout les mêmes "soutiens".

Pour beaucoup de personnes, Gbagbo était un panafricaniste, un souverainiste, leader de la lutte contre le néo-colonialisme français, que la même France perfide voulait "tomber" à tout prix. Sensation de déjà vu...

Quelques temps plus tard, on a découvert que la majorité des 3.000 morts de son "épopée" était principalement des civils tués à l’aveugle pour faire peur, avec un ciblage xénophobe des étrangers vivant en côte d’Ivoire. Le reste n’était que de la communication, de la propagande visant à donner à un assoiffé de pouvoir tueur l’image d’un héro.

La Côte d’Ivoire était et est toujours la première économie de l’UEMOA et la troisième de la CEDEAO. Mais face à des sanctions semblables décrétées en Décembre 2010, le régime a tenu moins de 4 mois. Dès fin janvier 2011, un mois après, l’état ivoirien n’arrivait plus à payer tous les salaires. Laurent Gbagbo a été défait et capturé début Avril 2011.

Cette "longévité" exceptionnelle est due à plusieurs facteurs :

1°) Le gouverneur de la BCEAO, l’ivoirien Philippe-Henry Dacoury-Tabley, a contourné les sanctions pour continuer à alimenter Gbagbo en milliards de Fcfa jusqu’à ce qu’on le contraigne à la démission fin Janvier 2011.

2°) Face à son impossibilité d’accéder aux comptes BCEAO de la Cote d’Ivoire, Gbagbo a tout simplement braqué les agences de la BCEAO dans son pays pour se servir.

3°) Gbagbo a "nationalisé" plusieurs banques privées pour se servir.

4°) Le régime de Gbagbo a pris le contrôle par la force de l’exportation du cacao par la mer, et ainsi pu obtenir des recettes en devises.

5°) Le président sortant s’est servi des recettes du port d’Abidjan qui malgré les sanctions continuait de fonctionner.

6°) La façade maritime de la Côte d’Ivoire lui a permis de continuer à s’approvisionner, y compris en armes et munitions avec la complicité de pays violant l’embargo.

7°) Laurent Gbagbo disposait d’un réel soutien à l’international comme en interne. Plusieurs chefs d’état d’Afrique australe l’ont soutenu jusqu’au bout, officiellement mais surtout officieusement. Quand aux ivoiriens, près de 46% d’entre eux avaient voté pour lui en 2010 avec une participation de 81% et beaucoup croyaient sincèrement qu’il avait gagné.

On voit le rôle important de l’accès à la mer dans ce bras de fer. A contrario, le Mali est trois fois moins riche que la Cote d’Ivoire et est totalement enclavé. Et la BCEAO et les banques privées sont prévenus.

Le soutien international est plus tourné vers ce pays assiégé par le terrorisme et sa population que vers la junte. Elle a pourtant essayé de récupérer à son profit l’activisme anti-français et anti franc CFA, et s’est même approprié la paternité du partenariat militaire avec la Russie signé bien avant eux par IBK.

Au niveau local, ses plus zélés partisans sont les OSC et "partillons" suscités et entretenus par le régime, qui n’ont aucun espoir d’être élus et jouissent donc de la transition en souhaitant qu’elle se prolonge.

Sauf que leur grand bruit et leur communication fait croire de l’extérieur à une large adhésion populaire aux putschistes alors que le soutien dont ils ont bénéficié en tombant IBK s’est essoufflé dès que beaucoup ont compris qu’ils voulaient s’accrocher au pouvoir.

En conclusion, comme le carburant ne fait pas partie des produits sous embargo, on peut penser que la junte pourra tenir quelques temps. Mais combien de temps ? Un mois ? Deux ou trois ?

Dans tous les cas, pas assez longtemps pour créer une monnaie (que qui accepterait d’ailleurs ?) ou pour réorganiser son économie avec des pays non membres de la CEDEAO. Ceux qui en parlent ne connaissent visiblement pas grand chose en économie. Si c’était si facile, pourquoi Gbagbo ne l’a-t-il pas fait à l’époque ?

Surtout que ces pays cités, la Russie, la Turquie ou l’Algérie, ne gagnerait rien à porter le Mali à bout de bras ni à se mettre à mal avec 14 pays ou plus en faveur d’un seul. Un pays a d’abord des intérêts avant les amis, et on voit mal quelle "amitié" lierait Erdogan à des putschistes maliens à l’avenir incertain.

Mieux ou pire, si la CEDEAO demande à l’Union Africaine de s’aligner sur ses sanctions, l’enfermement serait total avec la fermeture de la frontière Algérienne et les choses ne pourraient qu’empirer.

Et si ça doit "chauffer", on sait quel parti les 16.000 membres de la MINUSMA et les 4.000 restant de Barkhane déjà dans le pays vont choisir, sans compter ceux qui voudront soit disant venir "protéger leurs ressortissants".

La solution ? Le Burkina a prouvé qu’on pouvait réformer les institutions, en créer de nouvelles et organiser des élections en 12 mois, y compris en changeant la CENI et le code électoral. La junte est au pouvoir depuis 17 mois, donc 6 mois de "lenga" suffisent amplement.

Toute notre sympathie va au peuple Malien, déjà martyrisé par le terrorisme et qui va encore souffrir du fait d’une junte têtue et boulimique de pouvoir.


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