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Mali : Les sanctions de la CEDEAO contre la transition

9 janvier 2022, 21:38, par Fasovision

Les faits qui se déroulent sous nos yeux poussent à croire que nous assistons, décidément, au déroulement d’un épisode des anomalies au niveau de notre sous-région ouest-africaine !

On a vite fait de ruer dans des exigences tous azimuts pour la fixation d’un calendrier électoral par les autorités de la transition malienne. Tout cela, en agitant, à nouveau, l’épouvantail d’hypothétiques sanctions à leur encontre.

La posture adoptée par notre CEDEAO surprend et intrigue le citoyen lambda de la communauté, avec une sorte de deux poids deux mesures qui saute à l’oeil dans le traitement des situations de crise dans la région. Il n’est point besoin d’entrer dans les détails...

Une interrogation, toutefois. Comment comprendre que, pendant que des civils sont massacrés, d’autres, contraints de fuir leurs localités et d’abandonner leurs terres (avec le lot de défis au plan humanitaire que l’on connaît actuellement), comment comprendre que nos militaires, du Mali justement, du Niger et du Burkina Faso, soient tombés, une centaine ici, des centaines là-bas, on trouve comme toute urgence vitale la proposition d’un calendrier pour la tenue d’une élection dans un pays ? Et qu’on menace aujourd’hui d’envoyer une force militaire sous-régionale sur place ? Où était cette force en question pendant tout ce temps ? Question naïve d’un enfant qui désire comprendre les contradictions de son père fouettard à la logique tournée de travers..

Entre nous, comment avons-nous pu avoir autant de ressorts pour essayer de reléguer au second plan tous ces morts, durant toutes ces années, quitte à consacrer, au passage, une certaine désacralisation de la vie humaine ?
Cela, alors même que revient constamment à la mémoire, cette scène incroyable, où certains se sont empressés d’aller, à des milliers de lieux de nos terres, en terre française plus précisément, s’épancher, outremesure, sur les pertes en vies humaines liées aux attentats de janvier 2015 dans ce pays...?

L’on se demande que fait, au juste, notre organisation communautaire de ses propres principes directeurs, et quel est l’ordre de ses priorités (elle qui a fait profession de foi d’être une CEDEAO des peuples), particulièrement en ces temps de graves défis ?

On tape du poing sur la table face aux autorités de transition maliennes (auxquelles la grande majorité des Maliens ne semblent pas reprocher grand chose), leur enjoignant de suivre un schéma politique tracé par on ne sait qui, pour qui et à quelle fin. Au même moment, on manque de s’émouvoir, comme il se doit (valeurs africaines en souffrance !), devant les innombrables vies innocentes, fauchées au Niger, au Nigeria, au Burkina Faso, et au même Mali ! Plus étonnant, c’est la non-prise de mesures concrètes, au niveau communautaire, pour arrêter cette folie meurtrière qui, visiblement, se délecte de la souffrance humaine !

La posture inexplicable et inexpliquée de la CEDEAO face à la principale menace de l’heure sur les peuples, pourrait expliquer la levée de boucliers que l’on observe, en ce moment même, presque partout dans la région, à l’encontre d’une organisation à laquelle ses propres peuples semblent ne plus s’identifier. Anticiper sur le risque de se mettre définitivement ces peuples à dos passe nécessairement, pour l’organisation communautaire, par une remise en question de ses propres procédés, mais aussi une sortie rapide de ses ornières, profondément mises à l’épreuve de l’actualité.

Sur le cas du Mali qui préoccupe et occupe, la ligne de décision, qui vient de se confirmer, est une pente raide sur laquelle notre Communauté s’est engagée au risque de s’attirer, de toutes parts, un discrédit populaire inédit.

Où va conduire cette méthode policée à tout-va, sans recul ni hauteur d’esprit et sans, au minimum, une dose de pragmatisme ? Une telle méthode, cassante, et ce n’est plus un secret pour personne, est tombée dans les préférences de ceux qui, en réalité, ne défendent pas la démocratie, ni l’intérêt de nos peuples, mais plutôt leur propre chapelle et ses accointances. Ceux-là visent, secrètement, ayons le courage de se le dire, à protéger leur propre empire, qui peine à s’attirer la sympathie des adeptes d’une véritable gouvernance démocratique sur le continent. Seulement les peuples d’Afrique prouvent, à qui veut le savoir, qu’ils ne sont pas ou ne sont plus dupes !

Vivement qu’un changement de paradigmes soit, aussi, au niveau communautaire !

***Au passage : Apporter sa caution au processus de transition en cours au Mali ne signifie guère que l’on soit adepte de coups d’État ou autres changements anticonstitutionnels, loin s’en faut !

Seulement, après la rupture de l’ordre constitutionnel dans ce pays (Mali), celui-ci s’est retrouvé dans une situation qui nécessitait une profonde réflexion, afin d’y apporter une solution pertinente et holistique. C’est ce qui, en substance, a valu la tenue des assises nationales, organisées par les Maliens eux-mêmes.
Faut-il, à ce stade, jeter le bébé avec l’eau du bain ?
Faut-il alors jouer au père fouettard, piqué dans son honneur, sans marquer un temps d’introspection, un temps d’examen de sa propre approche vis-à-vis des crises qui surviennent dans la sous-région ?

Le fond du problème, en l’occurrence reste le problème de fond suivant : la CEDEAO semble être restée trop silencieuse, en tout cas beaucoup trop timide sur la souffrance du peuple malien pour, aujourd’hui, surgir du bois, voulant rugir de toutes ses forces contre ce qui pourrait être considéré comme un cabri mort...
Du reste, ne la voilà-t-elle pas qui a fait comme si de rien n’était face à la situation qui prévalait, encore récemment, au Burkina Faso sur le plan sécuritaire ?

La situation au Mali devrait plutôt être analysée par l’organisation communautaire comme une opportunité de faire son autocritique, en toute humilité et objectivité, afin de se donner de nouvelles orientations dont la mise en oeuvre restaurera confiance, attachement et accompagnement des peuples qu’elle représente.


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