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Renaissance africaine : Un citoyen plaide pour « une Afrique de demain nourrie à la pensée de Cheikh Anta DIOP »

20 février 2021, 16:50, par Sidpawalemde Sebgo

Mon cher SOME : Que vous mettiez Senghor et Ki-Zerbo dans le même panier me choque effectivement beaucoup, et que vous accabliez le chantre du "développement endogène" me porte à croire que vous ne connaissez pas le parcours de l’homme. J’en profite donc pour répondre à certaines de vos questions légitimes.

Si les écrits de Cheick Anta Diop n’ont pas été suffisamment diffusés et connus à l’époque, c’est en partie parce que les "pairs historiens" de ce grand homme, quasi-exclusivement occidentaux rejetaient et contredisaient ses thèses quand à la nature nègre de l’Égypte antique.

Mais c’est aussi et surtout parce que le président de son pays, un certain Léopold Sédar Senghor, le combattait aussi avec acharnement. Opposé à ses idées de panafricanisme et de développement endogène, il le voyait aussi comme un concurrent intellectuel et un opposant politique. Malgré ses doctorats en physique et en archéologie, il n’a jamais pu enseigner au Sénégal, relégué dans un laboratoire, et ses journaux furent tous interdits.
Ce n’est donc pas sous Senghor, ou sous son dauphin Abdou Diouf, que sa promotion pouvait se faire.

La propagation de ses idées est surtout passé par ses livres, qui ont fait leur difficile chemin jusqu’à rencontrer des gens capables de les porter, et qui ne soient pas muselés, comme un certain Joseph Ki-Zerbo.

Joseph Ki-Zerbo, professeur agrégé d’histoire des universités, ayant enseigné dans plusieurs grandes universités françaises, a soutenu dans plusieurs de ses écrits, notamment la fameuse "Histoire générale de l’Afrique" commandée par l’UNESCO les thèses de Cheickh Anta Diop sur l’Égypte en le citant nommément, ce qui a permis de sortir de l’ornière ce savant "controversé". Leur seule divergence était que Anta Diop pensait que tous les Africains venaient de l’Égypte ancienne et Ki-Zerbo que certains venaient d’ailleurs.

Opposer donc Cheikh Anta Diop à Joseph Ki-Zerbo est difficile à comprendre. Assimiler ce dernier à "l’ennemi intime" de Anta Diop, Senghor, qui l’a harcelé toute sa vie, l’est encore plus.
Malgré ses succès, on peut affirmer sans peur de se tromper que Senghor avait une extraversion vers l’occident qu’il admirait sans réserve. Contrairement au ton de ses écrits, il a combattu farouchement tous ses compatriotes qui soutenait le "produisons et consommons local" et l’ancrage dans la culture africaine comme Cheikh Anta Diop ou Mamadou Dia. Il a épousé une occidentale et fini sa vie en Bretagne, membre de l’académie Française, malgré ses affirmations de "négritude".

C’est d’ailleurs remarquable de noter que tous nos dirigeants qui ont prôné dans leurs discours la "négritude", l’ancrage traditionnel, "l’authenticité" et autres thèses du même genre (Senghor, Houphoët-Boigny, Eyadema, Moboutou) sont ceux là aussi qui ont extraverti à souhait leur pays vers l’occident en général et l’ancien colonisateur en particulier.

Or, Joseph Ki-Zerbo, en plus de ses accomplissements personnels dans son domaine et de son activité politique, a été un champion de la promotion du développement endogène par les Africains, fiers d’eux et de leurs origines et centrés sur eux mêmes, ce qui a été formalisé par son ONG "ENDA".

L’éducation en Afrique, notamment en Guinée et au Burkina lui doit beaucoup à lui et à son épouse, on lui doit en grande partie le CAMES. En dehors du conflit qui l’a opposé au CNR et qui l’a obligé à s’exiler au Sénégal pendant la révolution, il a fait et fini sa vie dans son pays, en se battant pour la démocratie. On ne comprend d’ailleurs pas l’animosité du régime Sankara à son égard tant leurs idées étaient proches. Il a donné à ce pays des héritiers biologiques et héritiers intellectuels, hommes et femmes de qualité qui font la fierté du Burkina.

A mon humble avis, c’est son parcours "d’éternel opposant" qui l’a empêché d’avoir la reconnaissance qu’il mérite, bien au delà du baptême d’une université.

Tôle c’est pas tôle ! Alors, de grâce, renseignez-vous mieux sur la vie et l’œuvre de Joseph Ki-Zerbo. Cordialement...


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