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Présidentielle de 2020 au Burkina : Pourquoi un second tour apparaît inéluctable ?

19 novembre 2020, 20:18, par Sidpawalemde Sebgo

Merci pour votre analyse raisonnée. c’est bon, en ces temps de campagne passionnée où chacun assène "sa" vérité avec agressivité et refus de la contradiction, de voir que tout le monde n’a pas perdu le Nord.

Je partage les analyses sur le bilan mitigé du MPP et la meilleure implantation de l’opposition au Burkina. Mais je n’en partage hélas pas la conclusion qui serait qu’un second tour est inévitable.

Effectivement, le paysage politique actuel du Burkina Faso est marqué par plusieurs partis ou mouvements politiques bien organisés et capables de faire échec à Roch Kaboré au premier tour de la présidentielle. Malheureusement, du haut de leur montage fortifiée qui leur assurait un avantage stratégique, l’armée de l’opposition a choisi de bombarder son adversaire avec des feuilles d’arbres au lieu de projectiles lourds, et de sortir de la forteresse pour aller combattre dans la plaine, perdant l’avantage. Cette image pour simplement dire que les choix stratégiques des thèmes de campagne faits par l’opposition leur ont enlevé une bonne part de leur avantage de départ.

En passant en revue les écrits et les prises de paroles de l’opposition, on peut retenir que leurs principaux thèmes de campagne sont l’insécurité, la réconciliation nationale et la corruption, dans cet ordre

Si l’insécurité est bien une des préoccupations majeures des Burkinabè, je ne comprends pas le choix fait par l’opposition de s’y attaquer de cette façon légère. En résumé, si on écoute certains ténors "ce régime n’arrive pas à vous protéger, moi je le ferai". Sauf que personne ne dit comment. Pire, on donne l’impression aux populations que "j’ai un secret pour nous délivrer des terroristes, mais je ne le donnerai que si vous m’élisez président" ou encore "on nous attaque parce que vous avez élu ces gens, chassez-les et les attaques s’arrêteront". Stupéfiant comme axe de communication...
Le seul candidat qui propose quelque chose de concret pour la sécurité des Burkinabè propose de tout recommencer à zéro pour rebâtir une nouvelle architecture de défense avec de nouveaux acteurs, de nouveaux équipements et une nouvelle philosophie. Séduisant... Sauf qu’on se demande combien d’années de "grâce" les djihadistes nous donnerons pour avoir ce loisir ?

Pour aborder un autre thème, on a ramené la réconciliation nationale au retour de Blaise Compaoré et, même si personne ne prononce le mot, à une amnistie générale. Visiblement, ceux qui ont fait ces choix ne mesurent pas le traumatisme subi par beaucoup toutes ces années et sont loin de comprendre les sentiments de révolte face à l’injustice des masses.

Par contre, alors que la majorité des Burkinabè est durement éprouvé par les conséquences de la Covid-19, personne ne parle de plan de relance de l’activité économique, ou de comment continuer à vivre avec ce virus.
Alors que la transition a sérieusement défriché le terrain en ce qui concerne les lois de moralisation de la vie publique et de la lutte contre la corruption, aucun opposant ne parle de la continuation de cette politique afin d’éradiquer cette corruption qu’ils dénoncent pourtant. Pire, certains parlent de tout balayer pour un "nouveau départ".
En matière de projets, nombreux sont ceux qui annoncent des choses qui sont déjà en cours de réalisation, donnant l’impression d’être déconnectés des réalités du pays qu’ils veulent diriger

Bref, les élections de 2020 représentent une opportunité de changer de gouvernance. Que le régime de Roch Kaboré ait mal géré ou bien géré, ce n’est pas le propos. Il est bon dans une démocratie de changer. Or, on doit bien admettre que non seulement la classe dirigeante actuelle est dans le sillage du pouvoir depuis plus de 30 ans, mais que les acteurs eux mêmes sont tout simplement arrivés à l’âge de la retraite.

Hélas, avec l’offre peu alléchante que l’opposition nous sert pour cette élection, on doit s’attendre à ce que le président actuel soit ré-élu dans un fauteuil et dès le premier tour. Pas parce que son bilan est inattaquable, mais parce que ses adversaires ont mal ficelé leur stratégie de campagne, surtout dans le discours.
Un homme ne convainc pas une femme mariée de quitter son époux en énonçant ses défauts. Elle vit avec lui, elle connait lesdits défauts, et peut être même avant de l’épouser. Ce qui peut marcher c’est que l’autre homme la séduise en montrant ses qualités à lui.

E conclusion donc, oui le bilan de Roch Kaboré est discutable, fait de réussites et d’échecs, mais l’opposition actuelle ne convainc pas de pouvoir faire mieux ni par leur personnalité, ni par leur discours.

Alors second tour ou pas ? Vous dites "second tour", moi je dis "premier tour". Rendez vous le 24 Novembre pour savoir qui avait raison ?


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